Mamoudzou, France | AFP | mardi 19/02/2024 - "Ici, c'est là que les jeunes se battent. On retrouve souvent des blessés, parfois des morts": à Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, Madi Abdou et quelques volontaires patrouillent chaque nuit pour tenter de préserver un semblant de sécurité dans leur quartier.
Avant de se séparer en petits groupes de 5-6, la vingtaine d'hommes s'est retrouvée à 21h30 devant la mosquée du quartier La Geôle, dans le nord de la ville. Un quartier populaire rattaché à l'agglomération de Kawéni, connue pour abriter le plus grand bidonville de France, mais qui tient à sa tranquillité.
Ici, pas d'habitat informel mais des petites maisons construites sur deux ou trois étages, certaines avec un bout de terrain. Signe distinctif: toutes sont barricadées, barreaux aux fenêtres et fils barbelés recouvrant le moindre interstice.
La nuit tombée, pas un éclairage public dans les ruelles qui montent vers les hauteurs. Pas une âme non plus: chacun semble être terré chez soi. De la route principale de l'île qui longe le quartier, 200 mètres suffisent pour laisser place à la forêt et à quelques parcelles agricoles de manioc ou de bananes.
"Les bagarres entre Kawéni et Majicavo (un bidonville plus au nord, ndlr), c'est ici que ça a lieu", explique Madi Abdou.
A Mayotte, la violence est d'abord un phénomène de rivalité entre quartiers, avec des descentes de nuit et des bagarres inopinées. Entre Kawéni et Majicavo, les affrontements ont connu leur point d'orgue le 10 décembre dernier, avec la mort par balle d'un jeune de Kawéni.
Le lendemain, une centaine de jeunes du quartier ont organisé une expédition punitive contre ceux de Majicavo pour se venger. La Geôle se situe entre les deux.
Les "volontaires" du quartier sont employés du BTP, ouvriers, hommes à tout faire... Pour s'orienter, ils ont des lampes frontales, une torche et des gilets oranges. Un bâton dans la main de l'un d'eux pour seule arme et un objectif: "stabiliser notre quartier" pour arrêter de "payer les pots cassés", explique Madi Abdou.
Ils patrouillent "jusqu'à 1h, 2h du matin", poursuit-il: "Plus, on ne peut pas: on doit aussi aller travailler le matin".
Dérives
Devant le groupe, un adolescent qui tenait un mur s'esquive promptement. Puis, tandis que les hommes grimpent silencieusement, ils croisent un groupe de jeunes descendant en sens inverse. Sans ménagement, Amirdine Kaambi se saisit de l'un d'eux avant de le relâcher.
"On en connait certains. Pour ceux qui en ont, on peut en parler à leurs parents, de façon à ce qu'ils prennent leurs responsabilités", se justifie plus tard ce costaud à l'air sévère.
Rendre officiel ces patrouilles informelles. C'est ce qu'aimeraient les habitants de La Geôle: cela leur permettrait de recevoir des subventions pour acheter du matériel, d'avoir un interlocuteur au sein de la police pour signaler des problèmes, d'éviter les dérives aussi.
Plus tôt dans l'après-midi, de 50 à 70 habitants en ont discuté, abrités sous un grand manguier, sur une place du quartier. Sont venus des gens de tout Kawéni, Mahorais ou Comoriens avec ou sans papiers, désireux de faire de même dans leur secteur.
Essentiellement en shimahoré, l'une des deux langues de l'île, il est question de créer une association dont l'ambition serait de "sécuriser la zone". Aucun élu n'est présent.
"Mais l'on s'est renseigné, on ne peut pas créer une association pour faire de la répression ou pour se défendre. Il faut qu'on ait une mission de prévention, que ça soit pacifique aussi", prévient un intervenant.
Suivent deux heures de discussion à bâton rompu: peut-on s'armer pour mener les patrouilles? Comment remettre dans le droit chemin ceux qui s'en éloignent? Le groupe se sépare en ayant élu un bureau qui réanimera une association d'insertion déjà existante.
"Les jeunes, quand ils voient que leurs parents prennent leurs responsabilité, leur état d'esprit change", note El Anrif Boinali, nouveau secrétaire de l'association, qui regrette que ces initiatives permettant "plus de participation citoyenne" ne soient pas plus encouragées.
"Ce dispositif, il faudrait le voir comme faisant partie d'une chaîne globale jusqu'à la police à qui on laisse le soin d'enquêter et d'interpeller", ajoute cet habitant de la première heure de La Geôle, se souvenant de la période "où il y avait la paix dans le quartier".
Avant de se séparer en petits groupes de 5-6, la vingtaine d'hommes s'est retrouvée à 21h30 devant la mosquée du quartier La Geôle, dans le nord de la ville. Un quartier populaire rattaché à l'agglomération de Kawéni, connue pour abriter le plus grand bidonville de France, mais qui tient à sa tranquillité.
Ici, pas d'habitat informel mais des petites maisons construites sur deux ou trois étages, certaines avec un bout de terrain. Signe distinctif: toutes sont barricadées, barreaux aux fenêtres et fils barbelés recouvrant le moindre interstice.
La nuit tombée, pas un éclairage public dans les ruelles qui montent vers les hauteurs. Pas une âme non plus: chacun semble être terré chez soi. De la route principale de l'île qui longe le quartier, 200 mètres suffisent pour laisser place à la forêt et à quelques parcelles agricoles de manioc ou de bananes.
"Les bagarres entre Kawéni et Majicavo (un bidonville plus au nord, ndlr), c'est ici que ça a lieu", explique Madi Abdou.
A Mayotte, la violence est d'abord un phénomène de rivalité entre quartiers, avec des descentes de nuit et des bagarres inopinées. Entre Kawéni et Majicavo, les affrontements ont connu leur point d'orgue le 10 décembre dernier, avec la mort par balle d'un jeune de Kawéni.
Le lendemain, une centaine de jeunes du quartier ont organisé une expédition punitive contre ceux de Majicavo pour se venger. La Geôle se situe entre les deux.
Les "volontaires" du quartier sont employés du BTP, ouvriers, hommes à tout faire... Pour s'orienter, ils ont des lampes frontales, une torche et des gilets oranges. Un bâton dans la main de l'un d'eux pour seule arme et un objectif: "stabiliser notre quartier" pour arrêter de "payer les pots cassés", explique Madi Abdou.
Ils patrouillent "jusqu'à 1h, 2h du matin", poursuit-il: "Plus, on ne peut pas: on doit aussi aller travailler le matin".
Dérives
Devant le groupe, un adolescent qui tenait un mur s'esquive promptement. Puis, tandis que les hommes grimpent silencieusement, ils croisent un groupe de jeunes descendant en sens inverse. Sans ménagement, Amirdine Kaambi se saisit de l'un d'eux avant de le relâcher.
"On en connait certains. Pour ceux qui en ont, on peut en parler à leurs parents, de façon à ce qu'ils prennent leurs responsabilités", se justifie plus tard ce costaud à l'air sévère.
Rendre officiel ces patrouilles informelles. C'est ce qu'aimeraient les habitants de La Geôle: cela leur permettrait de recevoir des subventions pour acheter du matériel, d'avoir un interlocuteur au sein de la police pour signaler des problèmes, d'éviter les dérives aussi.
Plus tôt dans l'après-midi, de 50 à 70 habitants en ont discuté, abrités sous un grand manguier, sur une place du quartier. Sont venus des gens de tout Kawéni, Mahorais ou Comoriens avec ou sans papiers, désireux de faire de même dans leur secteur.
Essentiellement en shimahoré, l'une des deux langues de l'île, il est question de créer une association dont l'ambition serait de "sécuriser la zone". Aucun élu n'est présent.
"Mais l'on s'est renseigné, on ne peut pas créer une association pour faire de la répression ou pour se défendre. Il faut qu'on ait une mission de prévention, que ça soit pacifique aussi", prévient un intervenant.
Suivent deux heures de discussion à bâton rompu: peut-on s'armer pour mener les patrouilles? Comment remettre dans le droit chemin ceux qui s'en éloignent? Le groupe se sépare en ayant élu un bureau qui réanimera une association d'insertion déjà existante.
"Les jeunes, quand ils voient que leurs parents prennent leurs responsabilité, leur état d'esprit change", note El Anrif Boinali, nouveau secrétaire de l'association, qui regrette que ces initiatives permettant "plus de participation citoyenne" ne soient pas plus encouragées.
"Ce dispositif, il faudrait le voir comme faisant partie d'une chaîne globale jusqu'à la police à qui on laisse le soin d'enquêter et d'interpeller", ajoute cet habitant de la première heure de La Geôle, se souvenant de la période "où il y avait la paix dans le quartier".