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A Fidji, les adolescents grimpent aux cocotiers, mais préfèreraient l'école


A Fidji, les adolescents grimpent aux cocotiers, mais préfèreraient l'école
SUVA, 08 mai 2012 (AFP) - Gio Vakaloloma, 13 ans, a dû quitter l'école l'an dernier pour rapporter de l'argent à sa famille dans le besoin, et s'est tourné vers l'un des rares métiers disponibles aux îles Fidji: vendre des noix de coco dans les rues. Un tiers de la population de l'archipel vit sous le seuil de pauvreté, loin des images idylliques de plages infinies et de mer bleu azur.

Très tôt tous les matins, ce frêle adolescent escalade les troncs des cocotiers de Suva, la capitale de l'archipel, et décroche les noix de coco que ses camarades restés en bas attrappent.

"C'est bien que je puisse donner de l'argent à ma famille, pour qu'elle achète à manger", déclare Gio Vakaloloma. Il a rejoint un groupe d'une douzaine de jeunes qui vendent les noix aux automobilistes, le long d'une route à Raiwaqa, une banlieue.

Les noix de coco vertes sont vendues comme boisson: le vendeur tranche le haut du fruit et y plante une paille.

Difficile, voire dangereux, grimper aux cocotiers est un test d'endurance et d'agilité traditionnel pour les jeunes aux Fidji.

Les cocotiers poussent en abondance à travers les campagnes de cet archipel du Pacifique sud, mais aussi dans les villes. Ils sont devenus une source de revenus pour nombre de petits vendeurs, dans un pays à l'économie en berne après des années de dictature militaire.

Depuis six ans, cet archipel mélanésien de 840.000 habitants est dirigé par Voreqe Bainimarama, un ancien chef de l'armée qui a renversé fin 2006 le gouvernement élu, abrogé la constitution en avril 2009, et imposé des mesures d'urgence. C'était le quatrième coup d'Etat depuis 1987.

Début 2012, le Fonds monétaire international a relayé des appels à organiser des élections. Le FMI soulignait que "la suppression des obstacles structurels à la croissance est d'une importance critique", dans un commentaire inhabituel pour l'organisation, qui tâche généralement de ne pas se mêler de politique intérieure.

Bainimarama a promis en mars une nouvelle constitution d'ici à février 2013 et des élections en 2014, des annonces qui ont entraîné un début de dégel des relations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, voisins et partenaires commerciaux de l'archipel.

En attendant une éventuelle amélioration de la situation, le chef du groupe de jeunes vendeurs, Ben Tiko, déclare qu'il gagne "entre 40 et 60 dollars fidjiens par jour (17 à 25 euros), bien plus que ce qu'on gagnerait dans un magasin".

"Les affaires marchent bien. Les gens préféraient les sodas mais ils privilégient de plus en plus les noix de coco car c'est meilleur pour la santé. Les hommes viennent le matin, après avoir bu (de l'alcool) la veille", ajoute le jeune homme de 22 ans.

La police maintient les différents groupes de vendeurs à un kilomètre d'intervalle, afin d'éviter des luttes de territoire.

La journée démarre à 6H00: les adolescents remplissent des sacs de jute d'autant de noix que possible, avant de les préparer à la vente. Les groupes sont aussi régulièrement embauchés par les hôtels de luxe pour cueillir les fruits sur leur site, et éviter qu'ils tombent sur la tête des clients.

Le travail peut être dangereux. "Je suis tombé et je me suis blessé", raconte Ben Tiko. "Les gens se brisent un bras ou une jambe. L'essentiel est de ne pas tomber sur la tête".

Mais c'est un des rares métiers disponibles sur l'archipel, note-t-il.

Usaia Koroi, 18 ans, reconnu par ses pairs comme le meilleur grimpeur de la zone de Raiwaqa, explique qu'il faut placer ses pieds de chaque côté du tronc rugueux et utiliser ses jambes pour se hisser, et non ses bras.

Il veut un jour retourner à l'école et avoir un métier stable. "Si j'avais de l'argent, j'irais à l'école et je ne ferais ça (récolter des noix: ndlr) que pendant mon temps libre", dit-il.

Il économise sou par sou pour un jour réaliser son rêve car "rien n'est facile dans ce monde".

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Rédigé par Par Neil SANDS le Lundi 7 Mai 2012 à 22:30 | Lu 646 fois