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À Faa'a, six familles enclavées à cause d'un projet de parking


L'accès à la servitude usuelle a été bloquée par le promoteur, six familles se retrouvent enclavées.
L'accès à la servitude usuelle a été bloquée par le promoteur, six familles se retrouvent enclavées.
Tahiti, le 16 août 2022 – À Faa'a, les résidents de plusieurs quartiers situés au-dessus de l'aéroport s'opposent au projet Temana Airport, qui prévoit la construction d'un parking de 400 places sur quatre étages. Six familles se retrouvent par ailleurs entièrement enclavées, le promoteur leur ayant interdit l'accès par la servitude qu'ils utilisaient depuis plusieurs décennies et qui traverse le terrain sur lequel est implanté le projet. Elles sont obligées d'emprunter, à pied, un petit chemin très pentu pour se rendre chez elles.
 
Les habitants de Vairimu, Matiti, la Cité de l'air et des quartier Mai, aérogare et Totoie à Faa'a protestent contre le projet de construction d'un parking de 400 places, sur quatre étages, porté par la SCI Mana Estate 2, situé en plein cœur d'un quartier résidentiel aménagé entre 1958 et 1960, au-dessus de l'aéroport de Tahiti-Faa'a. Outre la construction du parking, le projet Temana Airport porte sur des travaux de terrassement de 14 500 m3 en déblais, dont 500 m3 en remblais et une emprise au sol du bâtiment de 2 158 m2. Le chantier doit durer 17 mois. Des travaux de désamiantage des zones diagnostiquées positives sont également prévus.
 
Les riverains dénoncent en premier lieu les nuisances que ce projet va engendrer, qu’elles soient sonores ou olfactives. “On s'inquiète aussi pour les eaux de pluie, puisque lorsqu'on regarde où est implanté le projet, on risque d'avoir une forte concentration d'eau de pluie qui va transiter par nos petits caniveaux qui ont été construits à l'époque uniquement pour la résidence (située à côté, NDLR)”, explique Guy Géros, résident du quartier Matiti. “Il y a aussi la problématique des accès. Parce que 400 véhicules supplémentaires dans le trafic, ça va engendrer un impact réel sur la circulation.”

Six familles enclavées

Autre problématique : Six familles se trouvent actuellement entièrement enclavées. En effet, le projet traverse de part et d'autre la servitude usuelle empruntée par ces riverains pour se rendre à leur domicile. Le promoteur, qui a acquis en juin 2019 et octobre 2020 les deux parcelles sur lesquelles doit être construit le projet, a fait installer une barrière à l'entrée de la servitude et construire un muret à l'autre bout, le 1er juillet dernier, suite à des incidents survenus avec les résidents. Seul un couple de personnes âgées a obtenu le droit de continuer à emprunter cette servitude, mais l’accès au niveau du muret, pour passer à pied, est “extrêmement dangereux” selon le voisinage. Il serait un effet large de 30 cm et à flanc de colline. Les autres familles sont, quant à elles, obligées d'emprunter la D620, la route qui dessert une résidence privée attenante au projet. Mais elle ne dessert pas les propriétés enclavées. Les familles doivent donc se rendre chez elles à pied, en empruntant un chemin à fort dénivelé sur une distance de 100 mètres. “Sans demander d'autorisation, des travaux ont été faits par une entreprise qui est venue réhabiliter ce petit passage et élargir cette servitude et permettre à ces personnes enclavées d'emprunter la route, mais sans demander l'autorisation aux propriétaires de la route. Ils se sont d'ailleurs opposés et sont arrivés pour arrêter les travaux”, explique Guy Géros.
 
La situation actuelle est insoutenable pour les familles. Mariano Teihotaata fait partie des résidents enclavés. Il raconte : “Les trois dernières semaines, j'avais chez moi ma belle-sœur qui est atteinte d'un cancer, qui a sa chimio deux fois par semaine et sa radiothérapie trois fois par semaine. Elle vient de Moorea. Elle ne peut pas faire la navette tous les jours. On est obligé de se garer loin et de faire la montée à pied.” Il lance donc un appel à tous les dirigeants du Pays : “Qu'est-ce qu'ils en pensent, eux, de notre situation ? Est-ce que ça les concerne ? Est-ce qu'on existe, nous, les gens qui sommes derrière ?” Les riverains ont obtenu le soutien du maire de Faa'a, Oscar Temaru, qui aurait signalé que s'il arrivait quelque chose, les camions de pompiers ne pourraient pas accéder aux maisons enclavées.
 
La fermeture de la servitude usuelle rend également inaccessibles quatre compteurs d'eau, qui se trouvent sur la propriété du promoteur. “On est dans une situation complètement surréaliste”, déplore Guy Géros.

Des actions en justice

Les riverains, qui dénoncent le projet, ont constitué un collectif qui compte 300 personnes, dès la mise en place de l'enquête publique sur l'étude d'impact environnemental, qui a été réalisée en août 2020. Un an plus tard était créée l'association Vairimu Matiti Totoie Cité de l'air de Faa'a. Malgré l'opposition au projet de cette dernière, qui avait fait part de ses inquiétudes au haut-commissaire dès 2020, ainsi que l'opposition du maire de la commune, le promoteur a obtenu un permis de construire, délivré par le Pays, le 30 juin 2021. Une requête en annulation contre l'octroi du permis de construire a été déposée par sept requérants au tribunal administratif de Papeete deux mois plus tard. Elle a été jugée irrecevable par le tribunal le 14 juin dernier. Les requérants envisagent de poursuivre leur action devant la cour d'appel administrative de Paris. Par ailleurs, une action en référé a été intentée par trois familles enclavées pour demander le rétablissement de l'accès par la servitude usuelle. L'ensemble des riverains appelle également les habitants de Faa'a à la mobilisation. Une réunion publique est prévue jeudi, à 18 heures, sur le terrain de l'ancien magasin Aérogare. En cas d'intempéries, elle sera délocalisée sous le chapiteau de Vaitupa.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mardi 16 Août 2022 à 17:09 | Lu 3594 fois