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9 ans après la disparition de Boris Léontieff, "les familles veulent faire leur deuil"


9 ans après la disparition de Boris Léontieff, "les familles veulent faire leur deuil"
On ne connaîtra probablement jamais avec certitude les causes de sa mort. Il y a 9 ans, le 23 mai 2002, Boris Léontieff disparaissait dans un accident d’avion au Tuamotu lors d’une tournée électorale. Le 15 mars de cette année, la justice a mis fin à l’instruction en prononçant un non-lieu. L’hypothèse que l’histoire retiendra est donc celle d’une erreur humaine : le pilote de l’avion, jeune et inexpérimenté, n’aurait pas su gérer la pénurie d’essence dans un des deux réservoirs. La rumeur, elle, continuera sans doute à véhiculer la thèse de l’attentat politique, que rien n’a jamais pu démontrer. Neuf ans après la mort de Boris Léontieff, et de trois cadres de son parti, les familles se résolvent enfin à faire le deuil, comme l’explique l’avocat des familles, Me James Lau. Interview.

Tahiti Infos : Pourquoi la justice a-t-elle rendu un non-lieu ?

Me LAU : Une ordonnance de non-lieu a été rendue par le magistrat instructeur, le 15 mars 2011. Après 9 ans de procédure, la justice considère aujourd’hui qu’elle est allée au bout des recherches. Elle a procédé à une analyse de toutes les hypothèses : un accident mécanique, de très mauvaise conditions météorologiques…ce qui a été écarté. Il est resté deux hypothèses qui ont donné lieu à des recherches plus approfondies : tout d’abord la faute du pilote, et en deuxième, l’attentat politique. L’hypothèse qui a finalement été retenue est celle d’une mauvaise gestion du vol.

Pourquoi cette thèse a-t-elle été privilégiée ?

Cette thèse avait déjà été retenue lors de l’enquête préliminaire par la brigade aéronautique de la gendarmerie. Ensuite dans le cadre de la procédure, nous avions fait nommer un expert aéronautique qui a repris l’ensemble des éléments de l’enquête. Cet avion, qui faisait une tournée électorale dans les Tuamotu devait se ravitailler d’île en île. L’expert a pu reconstituer les quantités de ravitaillement de l’avion. Il apparaît qu’il ne restait qu’un seul fût de carburant à Rangiroa lors du dernier plein. Ce n’était pas assez pour remplir les deux réservoirs : l’un était plein, le second ne l’était qu’à moitié. Mais le pilote n’a semble-t-il pas su faire en vol les manipulations qui permettent d’alimenter un moteur avec l’autre réservoir. C’est une manœuvre compliquée, or ce ce jeune pilote n’avait pas d’expérience sur ce type d’avion, un Piper, qui était en outre surchargé.

A-t-on pu reconstituer les derniers moments de l’avion ?

De Rangiroa, l’avion s’est rendu sur l’atoll de Kaukura. Il devait en repartir le 22 mai au soir, mais en raison de l’heure tardive, le pilote a reporté le départ au lendemain. Le 23 mai, Boris Léontieff, accompagné de Ferfine Opuu-Besseyre, troisième adjointe au maire de Arue, Lucien Kimitete, conseiller-maire de Nuku Hiva, et Arsen Tuairau, un conseiller territorial, décollent normalement de Kaukura. Ils ont quelques échanges avec la tour de contrôle de Makemo, et à un moment donné, le pilote s’approche de Katiu sans explication. Puis l’avion disparaît. Au début de l’enquête, il semblait que personne n’avait vu l’avion au dessus de Katiu. Ce n’est que bien plus tard que l’on a trouvé deux témoins, qui habitent dans le Sud Ouest de l’atoll, et qui ont dit avoir vu un avion haut dans le ciel, aux alentours de 7h, qui avait des ratés. Il n’allait pas vers Makemo, mais avait pris une trajectoire incurvée vers la droite. Et justement cela correspond à l’hypothèse d’une panne d’essence sur le moteur gauche, qui a totalement déséquilibré l’avion. C’est un mécanisme compliqué, mais toutes ces erreurs confirment que le pilote n’a pas pu maîtriser l’avion.

Pour vous l’enquête a été jusqu’au bout, y compris pour explorer la thèse de l’assassinat ?

Il ya déjà deux ou trois ans, l’information devait être clôturée. Mais les familles avaient décidé de relancer l’enquête à la faveur d’un témoignage. Ce témoin prétendait avoir rencontré le pilote peu avant sa disparition. Et le pilote lui aurait dit qu’il avait pour mission de faire disparaître un homme politique. Cela a alimenté la thèse d’un assassinat. La piste a été creusée, le témoin a été entendu par la justice, mais cette piste ne peut pas être démontrée aujourd’hui. L’expert ne la rejette pas formellement, mais il privilégie la panne d’essence du moteur gauche.

Les familles acceptent-elles ce non-lieu ?

Les familles, au bout de 9 ans, décident aussi de faire le deuil. Elles ne peuvent pas plus longtemps rester dans l’incertitude absolue. Elles veulent en rester là. J’estime qu’elles peuvent aujourd’hui prétendre à une indemnisation, c’est pourquoi j’ai décidé de saisir la commission d’indeminisation des victimes d’infraction.


Rédigé par F K le Lundi 23 Mai 2011 à 16:06 | Lu 2958 fois
           



Commentaires

1.Posté par emere cunning le 24/05/2011 05:41 | Alerter
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La thèse de l'assassinat politique : "l’expert ne la rejette pas formellement...". Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose!
Alors comme ça, le pilote se serait confié à UN TEMOIN avouant avoir eu pour mission d'être l'ASSASSIN (appelons un chat un chat) de Boris Léontieff et ses potes!!! Et il voulait faire des heures de vol pour parfaire sa formation tout en jouant les KAMIKAZES et se tuant par la même occasion!!! Quelle paix à son âme ! En voilà des accusations que sa pauvre famille doit beaucoup apprécier ! Qui doit-elle remercier ? James Lau (l'avocat attitré de qui l'on sait) tient cette information de l'expert? du juge d'instruction? du proc de service ? Pendant que vous y êtes, Lau, comment s'appelle ce témoin? C'est étonnant qu'il n'ait fait la Une des Nouvelles et des french médias de la place ; étonnant que son nom et sa photo n'aient été publiés. Voilà pourtant qui aurait fait un scoop vendeur. Il est vrai que Mr le procureur précisait dans un interview à Médiapart que les polynésiens ont l'art de raconter tout et n'importe quoi. C'est bien pratique! Cela permet de semer la petite graine dévastatrice. Et de les salir une fois de plus. C'est tout simplement DEGUELASSE.
Nous ne doutons pas qu'à macérer dans toute cette tambouille à vomir, ces hommes/femme reposent en paix ! A commencer par ce pauvre pilote. Franchement déguelasse!

2.Posté par maito le 24/05/2011 07:39 | Alerter
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Tant que l'on n'aura pas prouvé que rien n'a été ajouté au carburant à kaukura comme du sucre ou autre, on n'aura aucune certitude !

3.Posté par lou le 24/05/2011 08:21 | Alerter
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La justice se débarrasse à bon compte d'un dossier qu'elle n'a pas su (ou voulu?) traiter en profondeur en explorant toutes les pistes. Le témoignage de l'ami du pilote à qui celui-ci aurait confié avoir pour mission de disparaître avec Boris Léontieff, on le connaissait dès le début. Il a été ignoré. On a privilégié la thèse de l'erreur de pilotage dont un instructeur a encore expliqué hier qu'elle ne tenait pas. Au contraire, Gilbert Kelly venait d'obtenir haut la main sa licence de pilote professionnel sur ATR. S'il n'a pas rempli complètement le réservoir de gauche, c'est parce qu'il refusait d'utiliser l'essence d'un bidon entamé dans lequel il aurait pu y avoir de l'eau de condensation. C'était très professionnel. Calculer les consommations d'essence, c'est le B A BA, surtout en Polynésie. Il venait de voler les jours précédents avec cet avion et connaissait sa consommation.
De plus, il était parfaitement préparé en entraîné à piloter un bimoteur dont un moteur tombe en panne. C'est un exercice de base.
Si l'avion a été "déséquilibré par une panne d'un moteur" (???) et s'est krashé sur l'eau, on aurait retrouvé des débris en surface, comme pour le Twin Otter de Moorea. Et s'il s'est posé sur l'eau, avec un réservoir vide et l'autre à moitié vide, il aurait flotté.
Les familles ont besoin de faire leur deuil, mais elles ne tourneront jamais la page, car elles ne peuvent pas se satisfaire d'un non-lieu rendu sur la base d'une explication technique approximative qui laisse incrédules les connaisseurs de l'aéronautique.
Avec toute mon amitié pour Céline, Annick, Déborah et Bernard. L

4.Posté par Dolly le 25/05/2011 06:53 | Alerter
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Je pense la même chose, sans la boîte noire on ne peut pas donner de conclusion, et d'accuser le pilote : c'est trop facile.
Il y a rien dans ce dossier à part des suppositions ???? il se peut qu'ils ont pris une autre direction que Kaukura puisque on ne trouve rien sur ce trajet. NOTE : je ne connais rien sur l'aéronautique mais j'ai eu la chance de connaître Arsène (l'époux d'Annick), il a tant fait pour les jeunes du quartier. Vide à Pirae.
Je ne sais pas ce que pense les familles, mais je suis tout coeur avec vous.
Courage et amitié à tous.

5.Posté par lou le 25/05/2011 08:31 | Alerter
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@emere: le nom de l'ami du pilote est connu. Ce qui renforce son témoignage, c'est que l'on n'ait jamais retrouvé le moindre débris malgré des recherches d'une rare intensité. Cela laisse à penser que l'avion ne se serait pas krashé mais aurait pu atterrir sur un atoll désert. Est-ce que l'on a exploré toutes les terres où le Piper aurait pu se poser? Cette thèse ne signifie pas forcément que Gilbert ait eu un comportement criminel ou kamikaze. Il aurait pu avoir été manipulé en lui faisant croire qu'il s'agissait seulement de retarder la campagne du Fetia Api. Et la conclusion tragique aurait pu avoir lieu malgré lui.
@maito: Ce qui s'est passé à Kaukura est également bizarre. Expliquant à ses passagers qu'il avait trouvé un des bouchons de réservoirs défait, le pilote a fait tourner les moteurs pendant près d'une demi-heure pour s'assurer que l'on n'avait pas "empoisonné" l'essence. A ce moment, il avait le temps de transférer l'essence du réservoir plein dans l'autre rempli à moitié et s'assurer une bonne autonomie avec deux réservoirs remplis aux trois quarts.