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28 enseignants répondent à Louise Peltzer et dénoncent un climat tendu au sein de l'Université

Suite à la publication du document intitulé "Quels sont les grands axes stratégiques de l’université à l’horizon 2015 ?" et signé par Louise Peltzer, 28 enseignants ont souhaité exprimer leur opinion, dénonçant dans le même temps de graves pratiques et atteintes à la liberté d'expression au sein de l'établissement.


Réponse au document de Mme Louise Peltzer intitulé « Quels sont les grands axes stratégiques de l’université à l’horizon 2015 ? »

28 enseignants répondent à Louise Peltzer et dénoncent un climat tendu au sein de l'Université
Mme Louise Peltzer fait état d’« informations erronées dans les médias », dans un mail envoyé à l’ensemble de l’université, joignant le document intitulé « Quels sont les grands axes stratégiques de l’université à l’horizon 2015 ». Ce même document a également été envoyé à la presse le 28 septembre 2010. Nous contestons ce document et souhaitons en conséquence répondre à Mme Peltzer.

Mme Peltzer indique que le travail effectué sur le nouveau contrat quadriennal de l’université repose sur une mission de deux experts « indépendants »
Il est utile de préciser que les « experts » en question sont intervenus à la demande de l’équipe de direction de l’université, et que leur action ne relève en aucune façon d’une mission officielle mandatée par le Ministère de l’Enseignement Supérieur. Il convient également de porter à la connaissance de tous qu’il s’agit d’invités personnels de l’équipe de direction, entretenant avec celle-ci des relations amicales, comme cela a été affirmé par les dits experts lors de leur refus de rencontrer une délégation d’enseignants mécontents. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que les frais de leur séjour ont été pris en charge par l’université.

En conséquence, les conclusions de ces « experts » ne sont que celles que l’équipe de direction
(Mme Peltzer épaulée par quelques conseillers ou vice-présidents) a souhaité voir formulées, et ne
sauraient constituer qu’un alibi aux désirs de cette équipe.
Mme Peltzer indique qu’aucune décision unilatérale n’a été prise et que le contrat a fait l’objet de discussions nombreuses incluant toutes les parties
Nombre d’étudiants et d’enseignants déplorent au contraire de ne pas avoir été consultés, ou que leurs objections n’aient pas été prises en compte par l’équipe de direction.
Ainsi, dans le nouveau contrat, l’équipe de direction :
- Supprime arbitrairement certaines filières de licence ou de master ;
- Prétend conduire à des masters recherche, d’un niveau plus complexe que celui des masters enseignements, en dépit de taux d’échec importants en licence ;
- Remodèle les maquettes actuelles sans tenir compte des avis des enseignants spécialistes
des disciplines concernées, ce qui aboutit par exemple à la suppression de certaines matières pourtant fondamentales à la compréhension d’autres enseignements, ou à l’enseignement de certaines matières à des niveaux auxquels elles ne devraient pas être enseignées ;
- Propose la création d’un IUT ou d’une licence CNAM, sans qu’aucun contenu de ces formations ne soit défini ;
- Prétend former les étudiants aux concours de l’enseignement supérieur en 300h (formation proposée sans engagement ferme), alors même que les formations similaires en métropole
requièrent 4 à 5 fois plus de volume horaire…
Voilà pourquoi, tant du côté des étudiants que des enseignants, les mécontentements sont
nombreux.

Mme Peltzer indique que l’ambition du nouveau contrat est de répondre au taux d’échec actuel de l’université et de favoriser l’insertion des étudiants sur le marché du travail.

Les enseignants se sont depuis longtemps investis dans cette lutte contre l’échec et ne ménagent pas leur peine dans ce combat. Pour autant, ils se refusent à délivrer aux étudiants polynésiens des sous-diplômes qui ne seraient reconnus ni par les responsables de formations en métropole, ni par les employeurs locaux. Lutter contre l’échec est fondamental, mais cela ne doit pas se faire en abaissant le niveau de nos formations et en pénalisant ainsi nos étudiants eux-mêmes, ainsi que leurs futurs employeurs. La Polynésie mérite d’asseoir son développement sur des cadres locaux compétents et qualifiés. Les dernières statistiques disponibles indiquent d’ailleurs, chez l’ensemble des Polynésiens diplômés du supérieur, un taux de chômage particulièrement faible, de l’ordre de 3% seulement !

Mme Peltzer fournit d’ailleurs une comparaison des chiffres métropolitains et polynésiens en matière d’échec qui est sans fondement scientifique. Le nombre de bacheliers professionnels et technologiques qui s’inscrivent à l’UPF est très supérieur à celui que connaissent les universités de métropole. Il est donc logique que l’intégration de ces étudiants soit plus complexe, car les prérequis
nécessaires doivent être acquis au début de leur formation universitaire. Une comparaison plus judicieuse serait celle de la réussite des bacheliers généraux. Elle ferait alors apparaître un taux d’échec bien plus proche de celui observé en métropole.
Il est également particulièrement excessif d’affirmer que « notre actuelle carte de formations était très orientée vers les métiers de l’enseignement ». Cette affirmation entre par ailleurs en contradiction avec les propos de Mme Peltzer dans Les Nouvelles du 29/09/2010 où elle insiste sur la formation des enseignants du premier degré… Ce qui souligne une nouvelle fois le manque de cohérence et de vision globale de l’équipe de direction.

Mme Peltzer souligne que le contrat doit être avalisé par des « institutions démocratiquement élues » au sein de l’université, puis qu’il sera évalué au plan national
Il est important de porter à la connaissance du public que les instances en question sont contrôlées
par l’équipe de direction, puisque la loi prévoit une prime extrêmement majoritaire à l’équipe élue. Ainsi, seul un poste des enseignants siégeant au Conseil d’Administration de l’université est occupé par un élu de l’opposition. Il est donc outrancier de dire que l’ensemble du corps enseignant y est représenté.
Quant aux instances nationales, elles ne pourront évaluer que les formations qui auront été présentées par l’université. C’est pourquoi l’avenir des étudiants de l’UPF se dessine maintenant et il est donc fondamental que les souhaits des étudiants et les compétences techniques des enseignants soient entendues dès ce stade de l’élaboration du contrat. C’est aussi pourquoi les pressions de l’équipe de direction sont si fortes à l’heure actuelle pour contraindre au silence les voix qui s’élèvent.
Si les instances nationales devaient souligner des lacunes dans notre offre de formation, les enseignants n’hésiteraient d’ailleurs aucunement à travailler à nouveau sur les contenus pédagogiques, comme ils l’ont toujours fait par le passé.

Mme Peltzer met en avant des arguments de coût pour justifier un management autoritaire
Les services de l’université sont dans leur rôle lorsqu’ils veillent au coût des formations, de même
que les enseignants sont dans le leur lorsqu’ils veillent aux contenus pédagogiques. Il est en revanche profondément choquant de voir l’administration de l’UPF, en la personne de son Directeur des Services, définir elle-même ces contenus pédagogiques, alors même que cela ne relève pas de sa compétence.
Contrairement à ce qui est régulièrement allégué par l’équipe de direction, les enseignants sont des professionnels responsables qui ne cherchent aucunement à s’abstraire des considérations financières. Pour autant, des questions demeurent :
- Que deviennent les moyens de l’IUFM, récemment intégré à l’université ? Ne peuvent-ils pas être utilement mis à disposition des formations ?
- Il est souligné que les masters représentent un coût exorbitant de 50 millions de Fcfp, alors même que Mme Peltzer indique que « l’université a dépensé en 2010 près de 88 millions de Fcfp pour l’aide à la réussite en licence », reconnaissant dans la même phrase que le taux de réussite est pourtant « extrêmement faible ». Ne pourrait-on pas penser à une affectation plus adéquate des ressources financières ?
- Que penser du coût de la mission des deux « experts » particulièrement dépendants de l’équipe de direction ?
- Pourquoi installer des écrans de télévision ultra modernes dans toute l’université ?
- Pourquoi avoir commandé très récemment une nouvelle voiture de service pour un montant de plusieurs millions de Fcfp ?
- Quel est l’intérêt de construire pour un coût exorbitant une clôture autour du campus, qui n’améliorera vraisemblablement pas les questions de sécurité, d’autant que les riverains semblent avoir un droit de passage ?
- L’alibi d’une signature de convention avec l’université de Corte justifie-t-elle le déplacement d’au moins trois personnes (la présidente, son conseiller et le secrétaire général), à la veille des vacances d’été ?
- Est-il bien utile d’affecter un chauffeur aux déplacements quotidiens de la Présidente d’une petite université comme la nôtre ?

Les exemples de ce type d’interrogations pourraient être multipliés…
La maîtrise des coûts est certes un élément très important, mais cela doit inclure l’ensemble des dépenses de l’université, et non seulement les dépenses pédagogiques. L’université doit être au service des étudiants, non au service de l’équipe de direction.
Nous assistons en ce moment, sidérés, à toute une série de manipulations qui ne s’inscrivent pas
dans la recherche de l’intérêt des étudiants, de l’université ou du Pays.
Il faut que l’équipe de direction entende enfin l’ensemble des voix qui s’élèvent, pour le bien être commun.
Il est temps également pour l’équipe de direction de cesser de masquer ses objectifs derrière des
citations dénaturées, extraites de leur contexte, comme c’est le cas de celles listées à la fin du document envoyé par Mme Peltzer, tirées du rapport de 2010 de l’inspection générale. Le même
rapport souligne aussi que « le secrétaire général encadre de façon très rapprochée l’ensemble des
services », ou que « c’est une université administrée avec fermeté », ce qui renvoie à l’autoritarisme dont il est souvent fait état lorsque l’on parle de la politique de l’équipe de direction. Le rapport souligne également que « des débats pourraient être régulièrement organisés autour … de la politique patrimoniale » ou parle encore de la « qualité médiocre de sa comptabilité », ce qui renvoie au manque de transparence et à la gestion des coûts.

On ne peut pas gouverner seul, ou entouré d’une garde rapprochée restreinte. Il est temps pour Mme Peltzer de le comprendre. L’université est une institution fondamentale au développement de la Polynésie, qui résulte de l’agrégation de compétences multiples et complémentaires. Ce ne peut être en aucune façon le jouet de quelques personnes.

Rédigé par Un collectif d'enseignants signé xx le Dimanche 3 Octobre 2010 à 11:22 | Lu 1116 fois