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213 cas de ciguatéra en 2022 : un chiffre stable


Tahiti, le 8 juin 2023 - En 2022, 124 déclarations d'intoxications impliquant au total 167 personnes ont été transmises au réseau de surveillance sanitaire, auxquelles s'ajoutent 46 hospitalisations enregistrées au CHPF. Des chiffres sous-estimés puisque la déclaration des cas de ciguatéra n'est pas obligatoire. Cela n'empêche pas la Polynésie d'être en tête des territoires comptabilisant le plus de cas à l'échelle mondiale. Si tous les archipels sont concernés, les Tuamotu déclarent toujours le plus grand nombre de cas du fait de leur dépendance aux produits de la mer pour pallier une offre alimentaire réduite.
 
“Ta'ero i'a” : c'est le nom tahitien pour la ciguatéra, qui veut dire “poisson empoisonné” (et pas “bourré”). On conviendra que c'est beaucoup plus imagé et surtout plus facile à retenir que le nom scientifique de cette maladie, à savoir : l“ichtyosarcotoxisme”. Elle est connue depuis des centaines d'années puisqu'elle est mentionnée dans certains écrits de navigateurs du XVIIIe siècle, à l'instar du capitaine Cook qui a décrit très précisément dans son journal de bord, les symptômes dont lui-même et l'un de ses membres d’équipage ont été victimes après avoir consommé un poisson toxique.

Aucun décès à déplorer en 2022

En Polynésie, les cinq archipels sont concernés. 220 cas répertoriés en 2020, 207 en 2021 et 213 en 2022. Le nombre de cas de ciguatéra – la “gratte” comme on dit ici – est sensiblement le même ces dernières années comme l'explique le dernier bilan du bureau de veille sanitaire et de l'observation (Arass) de l'Institut Louis Malardé (ILM). S'il n'y a eu aucun décès à déplorer, plusieurs cas ont néanmoins nécessité une prise en charge en service de réanimation au CHPF pour des formes particulièrement sévères de l'intoxication. Il n'existe pas de corrélation entre la sévérité d'une intoxication et le nombre de ciguatéra antérieures du malade. Cela dépend en fait essentiellement de la quantité de toxines ingérées et de l'état physique du patient au moment de l'intoxication. Il n'est pas rare non plus que certaines personnes deviennent en quelque sorte “allergiques” aux poissons de lagon après avoir eu la ciguatéra, et fassent systématiquement de l'urticaire dès qu'ils en mangent.
Ce sont les hommes d'une cinquantaine d'années qui sont davantage touchés, et 8% des cas concernent des enfants âgés de 2 à 15 ans. Mais ils se rétablissent vite et ne semblent pas conserver de séquelles. Les femmes enceintes en revanche doivent faire très attention et être surveillées de près en cas d'intoxication car cela peut provoquer des accouchements prématurés ou des fausses couches.

Pas d'antidote

Il n'y a pas d'antidote à cette intoxication qui fort heureusement, est rarement fatale. Le traitement se limite à une hydratation abondante, des médicaments contre la diarrhée, les vomissements, les démangeaisons et les douleurs. Différents médicaments traditionnels sont utilisés avec plus ou moins de résultats, comme, par exemple, la feuille de faux tabac (“tahinu” en tahitien) qui peut être préparée en infusion. Signalons quand même que les poissons du large ne sont pas toxiques et que l'on peut manger sans souci du thon, du mahi mahi ou du thazard. Il n'existe en revanche aucun test qui permette de prédire si le poison est toxique, et le cuire, le congeler, le saler ou le fumer, ne détruit pas les toxines pour autant.

Cellule de veille et de gestion du risque ciguatérique

En 2022, 31% des événements toxiques enregistrés étaient associés à la consommation de poissons achetés en bord de route, dans le commerce ou achetés dans un restaurant. L'ILM, l'Arass, le Centre de santé environnementale et la Direction des ressources marines interviennent conjointement au sein de la cellule de veille et de gestion du risque ciguatérique créée en 2021. C'est ainsi que chaque signalement impliquant un poisson acheté en bord de route, en magasin, au marché, ou consommé dans un restaurant, fait l'objet d'une enquête visant à identifier la filière dont il est issu. Cela permet d'informer ensuite le fournisseur du risque toxique lié au lot commercialisé, et le cas échéant, de retirer des étals publics les poissons issus du même lot pour éviter toute intoxication.

Une plateforme pour renforcer la surveillance

À l'heure où l'autonomie alimentaire devient un véritable enjeu en Polynésie, pour une meilleure santé des Polynésiens, mais aussi pour faire du bien au porte-monnaie et lutter contre une inflation importée, il est primordial de renforcer la surveillance des cas en Polynésie et dans la région. Pour ce faire, l'ILM a développé la plateforme https://ciguawatch.ilm.pf qui est consultable en français et en anglais.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 8 Juin 2023 à 17:31 | Lu 1971 fois