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16 ans ferme pour avoir battu et tué sa compagne


Tahiti, le 18 mai 2022 – Le sans domicile fixe de 35 ans jugé depuis mardi aux assises pour des violences habituelles ayant entraîné la mort de sa compagne a été condamné mercredi à 16 ans de prison. Le 5 février 2019, l'accusé avait violemment battu la victime qui avait passé deux jours dans le coma avant d'être hospitalisée et de décéder deux semaines plus tard. Lors de sa plaidoirie, l'avocat de l'accusé a fustigé le mépris de la société à l'égard des sans-abri. 

La cour d'assises de Papeete a condamné, mercredi, un sans domicile fixe de 35 ans poursuivi pour des violences habituelles ayant entraîné la mort sans intention de la donner commises sur sa compagne, à la peine de 16 ans de réclusion criminelle. Le 5 février 2019, l'homme s'était acharné sur la victime, une femme attardée mentale et mère de cinq enfants, à laquelle il avait porté de nombreux coups avant de lui marcher dessus. Alors qu'elle était dans le coma, il avait attendu 48 heures pour prévenir les secours. Hospitalisée en réanimation, la victime était décédée deux semaines plus tard après que le corps médical, en accord avec sa famille, avait décidé de la débrancher. 

Au deuxième jour du procès, l'avocate des 15 parties civiles fraîchement constituées dans ce dossier, Me Karina Chouinni, a dénoncé en début de matinée lors de sa plaidoirie le "déchaînement de violence"commis par l'accusé qui n'a jamais été en mesure de dire le nombre de coups qu'il avait portés à la victime le soir des faits. "Alors que sa compagne se trouvait à terre, il a lui a marché dessus à trois reprises. Elle a souffert pendant tout ce temps-là" s'est indignée l'avocate avant d'affirmer que si l'accusé n'avait pas mis 48 heures à appeler les secours, la victime aurait peut-être eu "une chance de survie" : "Elle est morte comme une chienne, disait sa cousine et encore, il me semble que l'on ramasse les chiens au bord de la route. La vérité est qu'elle est morte comme une sans-abri, comme ces gens dans la rue que l'on ne regarde pas. C'est le procès de la misère sociale."

"Détresse absolue"

Après la plaidoirie du conseil des parties civiles, l'avocat général a demandé tout d'abord aux jurés de prononcer une peine permettant à l'accusé de revenir, un jour, parmi ses "frères humains". Le représentant du ministère public a ensuite dénoncé les faits commis par l'accusé qui avait “écrasé la tête de sa compagne" comme on le ferait avec "un cent-pieds que l'on voudrait éliminer". Avant de requérir vingt ans de prison ferme assortis des deux-tiers de sûreté, il a tenu à préciser qu'il demandait aux jurés de prendre en compte le "mode de vie" de l'accusé dans la commission des actes, en somme sa situation de grande, et ancienne, précarité. 

Face au caractère sordide de cette affaire, l'avocat de l'accusé, Me Vincent Dubois, a porté lors de sa plaidoirie une lourde charge contre l'"indifférence générale de la société à l'égard des sans-abri""Lorsque la victime a été prise en charge, les pompiers n'ont pas prévenu la DSP. Lorsque les médecins l'ont prise en charge, ils n'ont pas prévenu la DSP" s'est emporté l'avocat en affirmant que l'accusé, là, aujourd'hui, nous "dérange" car on doit "prendre le temps de le juger". "C'est de la faute de la société si nous en sommes arrivés là car elle a laissé ces gens dans une détresse absolue". Sur les faits reprochés à son client, Me Dubois a soutenu que la qualification de violences habituelles ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ne devait pas être retenue car la victime n'était pas décédée des coups reçus durant les trois mois de sa relation avec l'accusé.

Il a en effet affirmé que la malheureuse avait succombé uniquement à cause des nombreux coups reçus le soir du 5 février 2019, et non pas de violences habituelles, qui lorsqu'elles ont entrainé la mort sont passible de 30 ans de prison alors que les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont, elles, passibles de 20 ans de prison.

Pour l'avocat de la défense, les risques qu'un tel "drame tragique" se reproduise sont importants dans une société où les sans-abri n'ont pas leur place. Rappelons que le père Christophe dénombre actuellement 600 personnes sans domicile fixe à Papeete. 
Après en avoir délibéré, les jurés ont condamné l'accusé à 16 ans de prison ferme.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 18 Mai 2022 à 21:24 | Lu 917 fois