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​Teva Rohfritsch : "Il faut voter autonomiste"


Tahiti, le 19 avril 2023 – Le Ia Ora te Nuna'a de Teva Rohfritsch et Nicole Bouteau s'est enfin positionné mercredi matin après la défaite au premier tour des territoriales (5 423 voix – 4,36%), en appelant à "voter autonomistes" sans consignes particulières entre A Here ia Porinetia et le Tapura-Amuitahira'a. Teva Rohfritsch appelle les électeurs à "faire leur choix entre les deux offres qui se présentent".
 
Vous avez voulu vous exprimer aujourd'hui sur la position du Ia Ora te Nuna'a pour le second tour. Qu'est-ce que vous avez décidé et pourquoi ça a pris autant de temps ?

 "On avait programmé cette conférence de presse avant celle d'Edouard Fritch et de Gaston Flosse. On l'a décalée par respect pour les listes qui sont au second tour. Puisque nous, nous n'y sommes pas. En fait, nous attendions le délai de dépôt des listes finales pour pouvoir nous prononcer, c'est-à-dire pour savoir qui était en course. Et c'était hier soir à 18 heures. (…) C'est vrai qu'en 24 heures, hier, le téléphone a beaucoup sonné. Beaucoup d'émissaires ont été envoyés du Tapura et Gaston Flosse m'a appelé directement me proposant de le voir. Ca fait dix ans que je ne l'avais pas vu, parce qu'à l'époque il y avait interdiction de parler à Gaston Flosse. Je suis allé à sa rencontre bien volontiers. Il m'a expliqué qu'il avait vu Nuihau Laurey et Nicole Sanquer la veille, qui, au départ, ne semblaient pas opposés à un rassemblement des autonomistes. Au final, après leur conseil politique, ils ont dit 'non, on y va tout seul'. C'est ce qu'il m'a dit. Je n'ai pas eu d'échange avec Nuihau et Nicole. Ils n'ont pas essayé de me joindre. Je n'ai pas cherché à le faire. J'estime que se sont les listes qui sont au second tour qui appellent les autres. Des émissaires donc du Tapura m'ont appelé pour me dire 'président Fritch va t'appeler, est-ce que tu es OK pour une rencontre ?'. J'ai vu Gaston Flosse, je peux voir Edouard Fritch. Et je veux préciser que si Moetai Brotherson avait souhaité me voir, je serais allé le voir aussi. Je serais allé voir tout le monde. (...)"
 
De quoi avez-vous parlé avec Gaston Flosse ?

"Je lui ai dit : si c'est un rassemblement des partis autonomistes, pourquoi pas. Par contre, il faut qu'on parle programme. Parce qu'on s'est quand même beaucoup opposé dans ce premier tour et ce sont des éléments assez fondamentaux. Est-ce que le Tapura est prêt à faire marche arrière sur la fiscalité, sur la taxe CPS, sur le mode de gouvernance, sur l'écoute de la population, sur le comportemental ?... Ça fait quand même beaucoup de choses. Je ne me fais pas censeur, mais on a eu des positions opposées. Il me dit 'ah, on va en discuter'. Et j'ai bien demandé à Gaston Flosse, est-ce qu'il est bien redevenu autonomiste ? Parce que c'est quand même le sujet. Il me dit 'oui, oui, c'est pas l'urgence'. Bon, je suis peut-être le plus jeune des trois, mais j'ai un peu de bagage. J'ai dit au président Flosse : je suis ouvert à une discussion, mais je voudrais voir Edouard aussi, puisqu'il a souhaité me voir. Et je souhaite qu'on se voie à trois, ou à quatre si tu arrives à récupérer Nicole. Qu'on se dise les choses franchement autour d'une table, qu'on passe un accord si une plateforme devait se constituer, qui soit transparent pour la population, que l'on dise ce qui nous réunit, ce qu'on va faire, le mode de gouvernance, etc… Ce n'est pas une question de places, mais déjà, qu'est-ce qu'on fait ? Pas simplement un deal, toi là-bas, toi là-bas. Il m'a dit oui, il est OK sur le principe. Edouard ne m'a jamais contacté. Il a dû estimer que je n'étais pas prioritaire. Mais encore une fois, il n'y a pas de ressenti particulier, je ne suis pas au deuxième tour. (…)"
 
Vous vous êtes vus avec vos colistiers lundi matin et hier soir. Quel était l'état d'esprit du clan Ia Ora te Nuna'a pour le deuxième tour ?

"Soudé. Ils ont bien compris la démarche d'ouverture, de rencontre et de dialogue. On a fait voter pour chacune des couleurs politiques, pour être très clair avec vous. Nous ne choisissons pas de soutenir le Tavini. Pas par irrespect pour leur choix d'indépendance, chacun pose son idéologie, il n'y a pas de sujet. Par contre, Moetai Brotherson l'a confirmé, il souhaite s'il devient président nous mettre dans un processus d'autodétermination. Ce n'est pas la priorité aujourd'hui pour les Polynésiens. Franchement, nous on pense qu'un jour, il faudra poser la question, parce qu'il faudrait peut-être que la population se prononce enfin. Mais là, sur les cinq ans qui viennent, on voit bien les difficultés. Il y a un problème du coût de la vie et d'emploi. Même s'il y a eu un petit rebond économique, pour nous, ce n'est pas bon. (…) Je voulais être clair avec ça, parce qu'à un moment, on nous a même accusé d'être peut-être en cours d'alliance avec Moetai. Moi je respecte tous les leaders. Moetai est quelqu'un de tout à fait fréquentable avec qui on peut avoir des débats, mais je ne suis pas d'accord avec son processus référendaire et peut-être le flou qu'il entretient sur la position sur l'indépendance."
 
Il reste donc deux courants dans le clan autonomiste ?

"Il nous reste deux listes. Les rouges avaient un programme et un projet. Je n'étais pas d'accord avec une partie de ce programme et de ce projet. Ils ont fait un bilan aussi, mais ils ont oublié de signaler ce que Teva et Nicole avaient pu faire à l'époque. Mais ça, ce n'est pas grave. On s'est quand même battu pendant la crise Covid et beaucoup de gens l'ont oublié, c'est dommage. C'est comme ça ! Mais c'est quoi le programme maintenant qu'ils sont alliés avec le Amuitahira'a ? Le Amuitahira'a avait des positions assez fortes aussi sur un certain nombre de sujets, on n'avait pas toujours les mêmes, mais parfois c'était dans le même sens. Pour l'instant, on est dans l'expectative. Il ne s'agir pas de venir soutenir cette nouvelle alliance simplement parce que numériquement, ils paraissent plus nombreux. En politique, les additions, ça ne marche pas toujours. Je souhaite que le camp autonomiste gagne. Mais pour quel programme ? C'est ça notre question, on a quinze jours pour se faire une idée sur le programme. (…)"
 
Et côté A Here ia Porinetia ?

"Pour les verts, au-delà de la question nationale (soutien à Marine Le Pen, NDLR), je ne comprends pas ce changement de candidat à la présidence. On nous a vendus pendant un mois que Nuihau Laurey serait le meilleur candidat possible, car ça a été le meilleur vice-président et ministre des Finances. Pourquoi pas, je n'ai pas de soucis avec ça. Mais comment on explique qu'entre deux tours, on change de candidat en mettant Nicole Sanquer parce que c'est une femme ? Si j'étais une femme je le prendrais mal. On aurait pu dire que c'est parce qu'elle est compétente, parce qu'elle est meilleure, qu'elle a de meilleures propositions. Ce n'est pas qu'une question de sexe… Enfin je trouve ça curieux. Quand on parle d'intégrité politique, je trouve que ça ressemble à une manœuvre aussi. Si on prend les dernières 24h, d'un côté on change de tête d'affiche pour la présidence et de l'autre il y a cette alliance. (…)"
 
Comment on synthétise ça, vous appelez à voter autonomiste mais sans choisir l'un ou l'autre des camps ?

"On appelle tous les tickets jaunes à voter autonomiste. Ou tous ceux qui attendent notre point de vue à voter autonomiste, en faisant leur choix entre les deux offres qui se présentent. Nous serons attentifs aux programmes et à ceux qui vont les porter. Voilà. Pour nous, il faut voter autonomiste. Ce n'est pas une peur du Tavini, je ne diabolise pas le Tavini. Mais je ne suis pas d'accord avec le tunnel référendaire dans lequel ils veulent nous engager."
 

Rédigé par Propos recueillis par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Mercredi 19 Avril 2023 à 19:59 | Lu 3389 fois