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Tahiti, le 30 juin 2020 - De la victoire surprise de Teura Iriti à Arue au pari gagné d'Antony Géros à Paea, en passant par le scrutin serré de Michel Buillard à Papeete, les changements de tāvana à Hitia'a o te Ra, Taiarapu Ouest, Uturoa, Taha'a ou encore les renversements de situation inattendus à Moorea ou à Taiarapu Est… Ce second tour des élections municipales s'est finalement avéré bien plus étonnant que prévu !
 
Il faut bien l'admettre. On ne s'attendait pas à une soirée électorale aussi animée pour ce second tour des municipales, dimanche. Organisé plus de trois mois après le premier tour et en plein week-end prolongé, le scrutin n'annonçait que quelques affiches timidement alléchantes : un duel serré à Paea, un ballotage peu favorable à Uturoa et quelques légères indécisions liées aux alliances à la Presqu'île, à Hitia'a o te Ra ou à Moorea… Comble du faux rythme imprimé pendant toute cette journée de dimanche, les "estimations" du taux de participation du haut-commissariat qui annonçaient une mobilisation encore inférieure à celle, déjà historiquement basse, du premier tour.
 
Et pourtant… Et pourtant, le dépouillement de ce second tour a réservé bien des surprises. D'abord parce que l'abstention a été beaucoup moins forte qu'anticipée. 56% de participation à Papeete, 61% à Papara, 70% à Paea ou à Moorea et même jusqu'à 81 et 83% aux Raromata'i à Uturoa et Taha'a. Loin de la participation moyenne estimée par les services de l'Etat à "34,83%" sur l'ensemble de la Polynésie à une heure de la fermeture des premiers bureaux de vote… Ensuite, parce que certains résultats ont réservé à minima quelques beaux moments de suspense et parfois même quelques spectaculaires renversements de situation. Enfin, parce que les résultats globaux de ces municipales dessinent une carte politique bien plus ouverte qu'on ne pouvait s'y attendre. Notamment dans l'optique des prochaines sénatoriales.
 
Iriti crée la surprise, Géros réussit son exploit
 
Le double résultat le plus notable de ce second tour est, à n'en pas douter, à mettre au crédit des listes d'union des deux "numéros deux" du Tahoera'a et du Tavini. A Arue, tout d'abord, la présidente déléguée du parti orange, Teura Iriti, a décroché la victoire la plus inattendue de ce second tour. Avec 396 voix de retard et près de 12 points de moins que le maire sortant, Philip Schyle, au premier tour, la présidente du groupe Tahoera'a et sa liste d'union avec le Tavini et Heiura-Les Verts ont renversé la situation pour s'imposer avec 79 voix d'avance au second tour. Candidat à un quatrième mandat, le représentant Tapura accusait le coup avec retenue dimanche soir. Sans véritablement sembler comprendre comment lui avait échappé sa commune, héritée de Boris Léontieff il y a 18 ans.
 
À Paea, ensuite, l'autre exploit du week-end était davantage à la portée de l'opposant historique du défunt tāvana Jacquie Graffe. Distancé de 87 voix au premier tour, le vice-président du Tavini, lui aussi président de son groupe politique à l'assemblée, Antony Géros, a fait basculer la commune avec 169 voix d'avance au second tour. Également à la tête d'une liste d'union Tavini-Tahoera'a, le numéro deux du parti bleu ciel a prévenu : il sera un "tāvana indépendantiste" mais "pas dans une commune indépendantiste". Reste que la victoire d'Antony Géros sur un fief autonomiste historique risque de rester en travers de la gorge du Tapura et de sa présidente de groupe à l'assemblée, Tepuaraurii Teriitahi.
 
Buillard joue à se faire peur
 
Au registre des batailles surprises de dimanche, le maire sortant de la capitale, Michel Buillard, a joué à se faire peur. Et c'est un adversaire décidément tenace qui s'est une nouvelle fois élevé face à lui : Tauhiti Nena. Révélé justement par son bon score aux municipales de 2014 à Papeete, l'ancien ministre d'Oscar Temaru désormais soutenu par Gaston Flosse accusait 1 183 voix de retard sur le maire sortant il y a six ans. Contre 149 petites voix dimanche… Reste que c'est bien Michel Buillard qui entamera sous dix jours son cinquième mandat à la tête de Papeete.
 
Parmi les autres scrutins qui ont marqué le week-end, on retiendra la victoire renversante du tāvana sortant de Moorea, Evans Haumani, sur le candidat Tapura, John Toromona. Le retour en force d'Henri Flohr face au maire sortant Dauphin Domingo à Hitia'a o te Ra. La victoire sans appel de Tetuanui Hamblin seul contre tous à Taiarapu Ouest. Le succès finalement obtenu par le tāvana de Taiarapu Est, Anthony Jamet, sur l'élue Tapura Béatrice Lucas. La confirmation de l'épouse de l'ancien maire Puta'i Taa'e, Sonia Punua, à Papara. Celle de l'élue Tapura Patricia Amaru sur la maire sortante Céline Temataru à Taha'a. Ou encore la défaite, attendue cette fois-ci, de la représentante Tahoera'a Sylviane Terooatea à Uturoa face à Matahi Brotherson…
 
Enfin, dans les îles éloignées, notons que le Tapura perd à Fakarava, Manihi et Takaroa. Mais il gagne à Taha'a, garde Rangiroa, Arutua et Huahine. Le Tahoera'a conserve de son côté Maupiti ou encore Ua Pou.
 
Le spectre des sénatoriales
 
Difficile pour l'heure de tirer de véritables enseignements de cette recomposition de la couleur politique des communes polynésiennes. Le Tapura d'Édouard Fritch, dont les bases politiques ont été établies sur le soutien de la quasi-totalité des tāvana issus des élections de 2014, sort bousculé par ces municipales. Du moins plus qu'il ne s'y attendait avant ce second tour. "Il y a des surprises, des déceptions peut-être pour certains", concédait le ministre, bombardé "porte-parole" de la majorité sur TNTV, Tearii Alpha. Le maire de Teva i Uta reprenait à son compte le refrain très fritchien de l'appel au rassemblement des tāvana à l'issue de ces élections. Et il appelait surtout à ne pas se focaliser sur la prochaine échéance électorale directement liée au scrutin municipal : les sénatoriales.
 
Les deux sénateurs polynésiens devront en effet être élus le 27 septembre prochain par les grands électeurs, en majorité issus des conseils municipaux renouvelés ce week-end. En 2015, l'élection de Lana Tetuanui et Nuihau Laurey avait marqué la première manche victorieuse d'une partie quasi-parfaite jusqu'ici pour Édouard Fritch. Mais avec de gros atouts en moins, la partie sera maintenant moins facile à négocier.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 30 Juin 2020 à 09:27 | Lu 2547 fois