Tahiti, le 12 mai 2022 – L'élue Tavini, Eliane Tevahitua, et la ministre du Travail, Virginie Bruant, se sont livrées jeudi matin à un échange mordant sur le sujet de la protection de l'emploi local. La première s'avançant sur le terrain de "l'immigration" des "expatriés métropolitains" et reprochant au gouvernement d'avancer trop lentement pour appliquer une loi votée pourtant par la majorité Tapura il y a trois ans. La seconde fustigeant les "amalgames" et "mensonges" de sa contradictrice.
L'épineux, complexe et récurrent sujet de la "protection de l'emploi local" s'est invité une nouvelle fois jeudi matin à l'assemblée au cours d'une séance de questions orales au gouvernement, avant l'examen des textes du jour par les représentants. Seule question formulée jeudi matin, celle de l'élue Tavini, Éliane Tevahitua, adressée au président Édouard Fritch. L'élue indépendantiste, qui n'en est pas à sa première interpellation du gouvernement sur le sujet, est cette fois-ci montée d'un cran en affirmant relayer "les plus vives inquiétudes" de la population polynésienne au sujet de "l'immigration". Ciblant plus particulièrement "l'expatriation des métropolitains" en Polynésie française, Éliane Tevahitua en veut d'abord pour preuve son observation des "files d'attente de nos supermarchés", "files des services de l'immigration de notre aéroport", "entreprises locales" et "mairies", ou encore des groupes d'entraides sur les réseaux sociaux promouvant un "aller simple pour le fenua". Plus précise ensuite, l'élue cite les données statistiques de l'ISPF selon lesquelles "12 000 personnes sont arrivées dans notre pays" entre 2012 et 2017 "dont 10 000 habitaient auparavant la France métropolitaine".
"Face à ce constat les Polynésiens s'interrogent légitimement sur l'accès de leurs enfants au marché de l'emploi", a ensuite dénoncé l'élue Tavini, citant directement plusieurs situations concrètes parmi lesquelles les recrutements des deux derniers directeurs des filiales de l'OPT, Onati et Fare Rata, les "titulaires des brevets polynésiens de plongeurs subaquatiques" détenus par des "individus nés en métropole" et enfin le cas de la directrice de cabinet de la nouvelle ministre du Travail, Virginie Bruant, ex-employée d'Air France en Polynésie mais retournée depuis en métropole. Plus généralement, c'est sur le retard pris dans la mise en application de la loi sur la protection de l'emploi local présentée et votée par le Tapura en juillet 2019 que l'élue a conclu sa question. Éliane Tevahitua s'interrogeant sur le fait qu'elle ne soit "toujours pas opérante" trois ans après son vote.
Bruant se défend
Pour autant que la question ait été adressée à Édouard Fritch, c'est la ministre Virginie Bruant qui s'est elle-même chargée d'une réponse pour le moins circonstanciée et parfois incisive à l'élue Tavini. Dénonçant un "malheureux amalgame" et des "mensonges" de l'élue Tavini, inspirés selon-elle par "les mots de la campagne électorale de madame Le Pen et son envie permanente de chasse à l'Autre", la ministre a d'abord repris et détaillé les chiffres de l'ISPF utilisés par l'élue Tavini. "Avant 2000… 14% de la population était née hors de Polynésie. En 2007, c’est 13%. En 2012 et 2017, c’est 11%", a entamé Virginie Bruant. Sur le chiffre des 12 000 arrivants entre 2012 et 2017, la ministre a d'abord corrigé au chiffre exact de 9 150 "expatriés de métropole" en y opposant "les départs" recensés à 1 100 personnes quittant le territoire chaque année. Surtout, Virginie Bruant a rappelé les conclusions du dernier recensement de la population par l'ISPF qui pointaient du doigt le "solde migratoire négatif" de la Polynésie française. Soit plus de départs du fenua que d'arrivées.
"Nous ne servirons pas les Polynésiens en leur proposant un avenir fermé. Nous ne les protégerons pas en établissant autour de nos îles un barrage qui autoriserait toutes les facilités et démagogies fatales. Nous voulons une Polynésie forte dans un monde ouvert", a ensuite défendu la ministre. Avant d'enchaîner sur la loi sur la protection de l'emploi local. "En deux mois, (…) nous avons, au nom du ministère du Travail et des Solidarités, acté déjà deux arrêtés en conseil des ministres définissant notamment le cadre et le calendrier de la mise en place de la loi de Pays." Et Virginie Bruant de mettre en avant la nomination de Pierre Frébault au poste de délégué interministériel à l'emploi le 14 avril, la première réunion de la commission tripartite de l'emploi local le 19 avril et la rédaction et l'adoption du premier projet de tableau des activités générales le 26 avril.
Une dir-cab qui fâche
Sur sa directrice de cabinet, détachée d'Air France, quatre syndicalistes locaux de la compagnie aérienne, visiblement remontés contre la nomination, se trouvaient jeudi matin à l'assemblée pour entendre l'argumentation de la ministre. Virginie Bruant a pourtant renvoyé l'ascenseur à Éliane Tevahitua. "Votre mémoire vous faisant sans doute défaut, je souhaite vous rappeler que bon nombre de directeurs et membres de cabinet des gouvernements Taui, étaient des cadres issus de l’État", a lancé la ministre. "Pour exemple, le président Oscar Temaru avait un temps recruté comme directeur de cabinet un ancien officier de l’armée française et préfet en activité, tandis que le président de l’Assemblée, mon ami Anthony Géros, avait recruté un magistrat du tribunal administratif." De quoi faire conclure à la ministre, à l'adresse d'Éliane Tevahitua : "Finalement, vos responsables politiques sont beaucoup plus ouverts d’esprit que vous ne l’êtes, et ont sans doute recherché avant tout l’efficacité et les compétences avant de se déterminer sur l’origine ethnique de leurs collaborateurs".
Après les remous déjà causés il y a deux semaines par la loi du Pays –de la majorité–destinée à fustiger la responsabilité des "non-résidents" sur la spéculation immobilière, contre les constats des professionnels du secteur, les sujets de la protection de l'emploi, du foncier ou de l'habitat "local" sont plus que jamais mis sur la table par la classe politique. Majorité comme opposition. Des sujets complexes qui pourraient assurément être maniés judicieusement pour servir des équilibres sociaux et économiques délicats, mais qui pour l'heure servent surtout à abreuver le débat pré-électoral. Sans forcément le rehausser.
L'épineux, complexe et récurrent sujet de la "protection de l'emploi local" s'est invité une nouvelle fois jeudi matin à l'assemblée au cours d'une séance de questions orales au gouvernement, avant l'examen des textes du jour par les représentants. Seule question formulée jeudi matin, celle de l'élue Tavini, Éliane Tevahitua, adressée au président Édouard Fritch. L'élue indépendantiste, qui n'en est pas à sa première interpellation du gouvernement sur le sujet, est cette fois-ci montée d'un cran en affirmant relayer "les plus vives inquiétudes" de la population polynésienne au sujet de "l'immigration". Ciblant plus particulièrement "l'expatriation des métropolitains" en Polynésie française, Éliane Tevahitua en veut d'abord pour preuve son observation des "files d'attente de nos supermarchés", "files des services de l'immigration de notre aéroport", "entreprises locales" et "mairies", ou encore des groupes d'entraides sur les réseaux sociaux promouvant un "aller simple pour le fenua". Plus précise ensuite, l'élue cite les données statistiques de l'ISPF selon lesquelles "12 000 personnes sont arrivées dans notre pays" entre 2012 et 2017 "dont 10 000 habitaient auparavant la France métropolitaine".
"Face à ce constat les Polynésiens s'interrogent légitimement sur l'accès de leurs enfants au marché de l'emploi", a ensuite dénoncé l'élue Tavini, citant directement plusieurs situations concrètes parmi lesquelles les recrutements des deux derniers directeurs des filiales de l'OPT, Onati et Fare Rata, les "titulaires des brevets polynésiens de plongeurs subaquatiques" détenus par des "individus nés en métropole" et enfin le cas de la directrice de cabinet de la nouvelle ministre du Travail, Virginie Bruant, ex-employée d'Air France en Polynésie mais retournée depuis en métropole. Plus généralement, c'est sur le retard pris dans la mise en application de la loi sur la protection de l'emploi local présentée et votée par le Tapura en juillet 2019 que l'élue a conclu sa question. Éliane Tevahitua s'interrogeant sur le fait qu'elle ne soit "toujours pas opérante" trois ans après son vote.
Bruant se défend
Pour autant que la question ait été adressée à Édouard Fritch, c'est la ministre Virginie Bruant qui s'est elle-même chargée d'une réponse pour le moins circonstanciée et parfois incisive à l'élue Tavini. Dénonçant un "malheureux amalgame" et des "mensonges" de l'élue Tavini, inspirés selon-elle par "les mots de la campagne électorale de madame Le Pen et son envie permanente de chasse à l'Autre", la ministre a d'abord repris et détaillé les chiffres de l'ISPF utilisés par l'élue Tavini. "Avant 2000… 14% de la population était née hors de Polynésie. En 2007, c’est 13%. En 2012 et 2017, c’est 11%", a entamé Virginie Bruant. Sur le chiffre des 12 000 arrivants entre 2012 et 2017, la ministre a d'abord corrigé au chiffre exact de 9 150 "expatriés de métropole" en y opposant "les départs" recensés à 1 100 personnes quittant le territoire chaque année. Surtout, Virginie Bruant a rappelé les conclusions du dernier recensement de la population par l'ISPF qui pointaient du doigt le "solde migratoire négatif" de la Polynésie française. Soit plus de départs du fenua que d'arrivées.
"Nous ne servirons pas les Polynésiens en leur proposant un avenir fermé. Nous ne les protégerons pas en établissant autour de nos îles un barrage qui autoriserait toutes les facilités et démagogies fatales. Nous voulons une Polynésie forte dans un monde ouvert", a ensuite défendu la ministre. Avant d'enchaîner sur la loi sur la protection de l'emploi local. "En deux mois, (…) nous avons, au nom du ministère du Travail et des Solidarités, acté déjà deux arrêtés en conseil des ministres définissant notamment le cadre et le calendrier de la mise en place de la loi de Pays." Et Virginie Bruant de mettre en avant la nomination de Pierre Frébault au poste de délégué interministériel à l'emploi le 14 avril, la première réunion de la commission tripartite de l'emploi local le 19 avril et la rédaction et l'adoption du premier projet de tableau des activités générales le 26 avril.
Une dir-cab qui fâche
Sur sa directrice de cabinet, détachée d'Air France, quatre syndicalistes locaux de la compagnie aérienne, visiblement remontés contre la nomination, se trouvaient jeudi matin à l'assemblée pour entendre l'argumentation de la ministre. Virginie Bruant a pourtant renvoyé l'ascenseur à Éliane Tevahitua. "Votre mémoire vous faisant sans doute défaut, je souhaite vous rappeler que bon nombre de directeurs et membres de cabinet des gouvernements Taui, étaient des cadres issus de l’État", a lancé la ministre. "Pour exemple, le président Oscar Temaru avait un temps recruté comme directeur de cabinet un ancien officier de l’armée française et préfet en activité, tandis que le président de l’Assemblée, mon ami Anthony Géros, avait recruté un magistrat du tribunal administratif." De quoi faire conclure à la ministre, à l'adresse d'Éliane Tevahitua : "Finalement, vos responsables politiques sont beaucoup plus ouverts d’esprit que vous ne l’êtes, et ont sans doute recherché avant tout l’efficacité et les compétences avant de se déterminer sur l’origine ethnique de leurs collaborateurs".
Après les remous déjà causés il y a deux semaines par la loi du Pays –de la majorité–destinée à fustiger la responsabilité des "non-résidents" sur la spéculation immobilière, contre les constats des professionnels du secteur, les sujets de la protection de l'emploi, du foncier ou de l'habitat "local" sont plus que jamais mis sur la table par la classe politique. Majorité comme opposition. Des sujets complexes qui pourraient assurément être maniés judicieusement pour servir des équilibres sociaux et économiques délicats, mais qui pour l'heure servent surtout à abreuver le débat pré-électoral. Sans forcément le rehausser.