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​Le Tavini en marche à Paris


Paris, le 28 juin 2022 - Moetai Brotherson, Steve Chailloux et Tematai Le Gayic ont participé mardi à la première séance publique de la mandature à l'Assemblée nationale à Paris. Élection de la présidente, première installation en groupes et en commissions : les députés du fenua siégeront avec les communistes du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR).
 
“Un député indépendantiste qui entre dans l'histoire de France, c'est drôle !” Plus jeune député de l'histoire de la cinquième république, vêtu d'un lavalava traditionnel et de colliers tout aussi océaniens, entouré d'une nuée de journalistes qui veulent en savoir plus sur son parcours : Tematai Le Gayic ne passe pas inaperçu à l'Assemblée nationale. Le parlementaire Tavini est sous les feux des projecteurs pour cette première journée de la 16e législature. En tant que benjamin du Parlement, il occupe d'ailleurs la fonction de secrétaire de l'élection pour la présidence de l'Assemblée nationale. “Je ne suis pas angoissé, ce n'est qu'une mission protocolaire”, relativisait l'élu de 21 ans, quelques minutes avant de faire son entrée dans l'hémicycle. Et Tematai Le Gayic de poursuivre, avec un sens de la formule qui ne laisse pas insensibles les journalistes de la presse nationale : “Je suis un député indépendantiste, même si c'est bizarre pour la France d'avoir un député indépendantiste. Une indépendance réussie, c'est si l'État français, l'État colonial, se met en tête qu'il n'en est plus un avec des confettis. J'espère que l'État va respecter le choix de la Polynésie d'avoir élu trois indépendantistes.”
 
La liberté du groupe GDR
 
Une ligne politique claire et des parlementaires soudés : tous trois siégeront sur les bancs du groupe communiste Gauche démocrate et républicaine (GDR). Dans ce groupe, où les élus ultramarins sont dix pour douze députés communistes de France, la liberté de vote est totale. Soutenus par la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, les élus du fenua n'iront pas dans son groupe, pour profiter de cette liberté de vote, mais pas seulement.
 
Le samedi 26 février lors de son meeting pour la présidentielle, sur l'île de La Réunion, le candidat Jean-Luc Mélenchon déclarait : “La France est une nation de l’océan Indien, la France est une nation des Caraïbes, la France a sa plus longue frontière maritime commune avec l’Australie, la France a sa plus longue frontière terrestre avec le Brésil, telle est la France que nous incarnons et nous l’assumons ! Nous disons devant les électeurs et les électrices, c’est cette France-là que nous assumons.” Une envolée que Moetai Brotherson ne goûte pas beaucoup. “Nous ne sommes pas en accord avec la vision jacobine de Jean-Luc Mélenchon : je respecte son positionnement mais nous sommes indépendantistes et fiers de l'être", assure-t-il, avant de tempérer un peu. “La position de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise a évolué en cinq ans, il faut le reconnaître. Nous avons eu des garanties sur le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sur le respect du rôle de l'ONU aussi. C'est important pour nous, sinon nous n'aurions pas accepté de siéger au sein de la Nupes.” Le groupe GDR (communistes et ultramarins) est effectivement une des composantes de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale, gauche).
 
Pain sur la planche
 
Au sein de leur groupe et dans les commissions qu'ils intégreront dans les prochains jours, les députés du fenua ont un agenda politique et des objectifs précis : “Il y a aujourd'hui une fenêtre constitutionnelle grâce à la Nouvelle-Calédonie”, déroule Tematai Le Gayic. “On ne sait pas encore si les Accords de Nouméa continuent de s'appliquer. Nous voulons une réforme de la Constitution pour clarifier cette situation et cela nous permettra de nous insérer et de nous en servir pour entamer un processus de décolonisation et d'accession à la pleine souveraineté.” Foncier, citoyenneté maohi, indemnisation des victimes des essais nucléaires : les sujets portés par le seul Moetai Brotherson lors de la précédente mandature seront décuplés par la présence de trois élus Tavini au Palais-Bourbon. Ce à quoi ils pourront ajouter le soutien de leurs collègues autonomistes de Guyane. Pour Davy Rimane, élu (GDR) de la deuxième circonscription de Guyane, les relations de la France avec ses territoires ultramarins sont le tout premier sujet. Il appelle de toute urgence à “une réforme statutaire d'ampleur”. “Cette seizième législature va être déterminante”, explique Davy Rimane. “La France va devoir être en phase avec ses mots et un vrai partenaire pour nos territoires. Après toutes ces années de départementalisation et d'assimilation et les faibles résultats obtenus, la France devrait faire profil bas”.
 
Le fait d'avoir triplé la représentation indépendantiste au Palais-Bourbon permettra également aux députés du fenua de conserver un lien plus étroit avec l'Océanie : ils comptent se relayer de façon à ce qu'un élu au moins soit toujours à Paris pendant qu'un ou deux autres travaillent en circonscription. Tematai Le Gayic –qui a mis ses études à l'École des hautes études sociales (EHESS) entre parenthèses– affirme ne pas craindre les longs aller-retours en avion. Sa mère, qui lui avait fait la surprise d'être présente à Paris pour ses premiers pas de députés, dit de lui qu'il faudra bien qu'il s'habitue : “C'est un grand garçon maintenant !”.
 

Rédigé par Julien Sartre le Mardi 28 Juin 2022 à 18:42 | Lu 3750 fois