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​Le Cesec marginalisé


​Le Cesec marginalisé
Tahiti, le 3 mai 2020 - Simple courriel informant de la réduction budgétaire, transmission de projet de textes pour information seulement, les jours de confinement du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) ont également été ceux de la marginalisation et du rationnement de la communication avec le Pays. Un recours auprès du Conseil d'État a été déposé.

Fin mars, le collectif budgétaire présenté par le gouvernement à l'assemblée prévoyait d'amputer le budget du Cesec de 37 millions de Fcfp. Une coupe soudaine et massive, pour participation à l'opération raclage de tiroirs initiée par la vice-présidence. Le président de la quatrième institution du Pays, Kelly Asin, a indiqué, lors de la séance plénière de reprise de l'activité du Cesec jeudi dernier, avoir été informé par un simple courriel de Nicole Bouteau, ministre en charge des relations entre les institutions, que son budget de 94 millions de Fcfp allait être amputé de près de 40%. Un mail dans lequel le gouvernement exprimait son espoir de régulariser la dotation budgétaire ultérieurement « dans la limite des crédits disponibles ». Une formule qui, en l'état actuel, ne laisse que peu d'espoir pour l'institution qui pourra cependant fonctionner jusqu'à la fin d'année avec les fonds de tiroirs restants.
 
Doute sur la légalité des lois du Pays
 
En dehors de la question budgétaire, celle de la consultation obligatoire du Conseil, obligation figurant dans le statut de la Polynésie, est remontée à la surface. Kelly Asin a également indiqué avoir été informé fin mars par le président du Pays que des lois du Pays instaurant les dispositifs de solidarité allaient être prises en urgence. Et sans que l'institution qu'il préside soit consultée. Une urgence qui a conduit à ce que ces textes soient communiqués seulement « pour information » et non pour consultation. Une mise à l'écart de la quatrième institution du Pays qui a conduit son président à adresser un courrier à Édouard Fritch. Dans cette missive, le président Asin indique que le Cesec aurait pu « apporter sa contribution » à la réflexion et aux travaux concernant les mesures économiques à prendre. Le courrier comporte aussi et surtout une interrogation plus que légitime sur la légalité de la procédure privilégiée par le gouvernement. Le Cesec peut en effet être saisi en urgence et répondre en quelques jours à une consultation du Pays. 
 
« L'urgence doit laisser la place à un fonctionnement normal »
 
La saisine du Cesec est en effet obligatoire pour les textes à caractère économique et social, comme le prévoit clairement le statut de la Polynésie, faute de quoi ils pourraient être annulés. Un risque d'annulation que les syndicats ont agité la semaine dernière. Kelly Asin a indiqué n'avoir toujours pas eu de réponse à son courrier depuis un mois de la part de la présidence, pourtant à peine distante de quelques enjambées. Une prudence dans le choix des mots et une patience qui n’ont pas été partagées par tous, et notamment par Vadim Toumaniantz, représentant du syndicat de la fonction publique dans le collège des salariés.
 
« À un moment donné, l'urgence doit laisser la place à un fonctionnement normal », a-t-il indiqué avant d'informer les autres membres du Conseil qu'il avait formulé un recours contre la dernière loi du Pays portant diverses mesures d'urgence en matière économique. Dans ce texte adopté le 21 avril dernier, les projets de texte en droit économique deviennent « dispensés de toute consultation préalable obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire » notamment celles sur la consultation obligatoire du Conseil. Par ce vote, les représentants de l'assemblée polynésienne semblent, selon certains observateurs, avoir enterré sans scrupule les règles adoptées par l'assemblée nationale et par là même, le rôle du Cesec.

Rédigé par Sébastien Petit le Dimanche 3 Mai 2020 à 23:07 | Lu 5727 fois