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​À Moorea, les pilotis au pilori


Tahiti, le 6 septembre 2022 - Adopté en septembre 2021 par le conseil des ministres, le PGEM de Moorea a vite fait des vagues. Plusieurs associations et particuliers ont ainsi notamment demandé au tribunal administratif de Papeete l’annulation d’une disposition, rajoutée à la dernière minute par le gouvernement, permettant des nouvelles constructions sur l’eau dans les seules zones de développement prioritaire. Une disposition illégale pour le rapporteur public. Son éventuelle annulation ne sera pas sans conséquence pour les projets à venir.
 
Alors que le développement de l’île sœur est fortement contraint par les difficultés d’approvisionnement des habitations existantes et futures en eau potable, c’est un autre problème d’eau à Moorea qui était examinée par le tribunal administratif de Papeete. En cause, la révision du Plan de gestion des espaces maritimes (PGEM) de la commune par un arrêté du conseil des ministres du 10 septembre 2021. Trois référés rejetés et un an plus tard, la juridiction administrative s’est penchée ce mardi sur les six requêtes au fond déposées par trois associations et autant de particuliers. Principale raison du courroux : Le gouvernement est revenu, sans crier gare, sur le principe d’une interdiction générale de toute nouvelle construction sur pilotis. Alors que le projet présenté consacrait cette interdiction, quelques petits mots rajoutés dans le secret du conseil des ministres ont introduit une exception pour les zones de développement prioritaire (ZDP). Peut-être pas la mer à boire pour le gouvernement, mais une goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour les contestataires.
 
Dérogation surprise pour les grands projets
 
Créée par une loi du Pays de 2017 ayant vocation à inciter fiscalement à la réalisation de grands projets, la notion de ZDP doit répondre à plusieurs critères comme le potentiel de développement économique, le déséquilibre entre emploi et habitat, la présence de quartiers dégradés ou encore la faiblesse des investissements qui y sont réalisés. Comme l’a rappelé le rapporteur public, l’objet de la loi était uniquement “d’inciter à la réalisation d’investissements d’envergure afin de favoriser au mieux la création de richesse sur le territoire”. Or, pour le magistrat, l’exception accordée aux ZDP répond à un critère purement fiscal, “totalement étranger” à l’objet du PGEM et à la protection du domaine public maritime, “la Polynésie française ne pouvait recourir à un dispositif fiscal (…) pour déroger au principe d’interdiction” pour la délivrance d’autorisation de nouvelles constructions sur l’eau. De surcroit, cette dérogation ne figurait pas dans le projet soumis à la consultation publique de la population en janvier 2019 et toute modification doit suivre une procédure stricte sans virement de bord de dernière minute. “Le conseil des ministres ne pouvait de sa seule initiative modifier le texte” a également rappelé le rapporteur public. Pour le magistrat, les termes prévoyant cette exception doivent être purement et simplement annulées. La décision est attendue pour le 20 septembre.
 
ZDP à l’arrêt ?
 
Si la position du rapporteur public est suivie, les conséquences pour les projets à venir sont non négligeables. Le nouveau PGEM serait alors applicable dans sa version corrigée, sans exception pour les ZDP. Les éventuels projets hôteliers et touristiques, au premier rang desquels le projet d’hôtel Conrad sur la plage de Temae, ne pourraient plus compter sur une occupation du lagon par la construction de bungalows sur pilotis. Une telle limite, applicable également pour l’aménagement de l’ex-Club Med à Haapiti, réduirait donc la taille des projets et donc leur intérêt économique. Cette limite pourrait être levée par une nouvelle modification du PGEM mais une telle procédure prendra probablement de nouveau plusieurs années avant d’arriver à bon port. Initiée en 2014, la procédure de révision du PGEM a fait l’objet d’un long travail de concertation entre les pouvoirs publics et les usagers du lagon pour se conclure en 2021 avant plusieurs mois de contentieux. Nul doute que, lors d’une prochaine révision, associations et particuliers éviteront de se faire mener en bateau.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 6 Septembre 2022 à 19:39 | Lu 4393 fois