Tahiti Infos

​40% mieux payé dans le public que dans le privé


Tahiti, le 24 novembre 2021 – C’est une des informations marquantes révélées par l’enquête sur les inégalités salariales en Polynésie, que publie mercredi l’Institut de la statistique en Polynésie française : le niveau de revenu moyen dans l’administration est en Polynésie 40% supérieur à celui constaté dans le secteur privé.
 
La Polynésie française se caractérise par des inégalités salariales fortes et globalement plus tranchées qu’en Métropole. Si on pouvait se douter d’un tel constat, l’Institut de la statistique (ISPF) en détaille l’ampleur dans une analyse publiée mercredi. Une première rendue possible grâce au rapprochement des résultats de l’enquête Emploi réalisée en 2018 avec les bases de données de la Caisse de prévoyance sociale sur les salaires, pour en compléter l’exhaustivité.
Cette étude permet de constater qu’en moyenne, les salariés polynésiens sont 7,5% moins bien payés que leurs homologues métropolitains, alors que le coût de la vie est ici 39% plus cher. Et cette moyenne cache au fenua des disparités importantes, avec un écart plus fort qu’en métropole entre les 10% des salariés les mieux rémunérés par rapport aux 10% les moins bien payés.
 
Le poids de l’indexation
 
Mais l’information la plus marquante concerne l’écart moyen de rémunération entre les secteurs public et privé. En Polynésie, la moyenne des salaires versés aux agents de l’administration est globalement 40% plus élevée que dans le secteur privé, alors qu’en Métropole les salariés du privé (287 800 Fcfp) touchent en moyenne 3,5% de plus que dans le public (277 800 Fcfp).
Un fonctionnaire gagne en moyenne au fenua 328 800 Fcfp net mensuel en équivalent temps plein (ETP), contre 234 200 Fcfp pour un travailleur du privé. Une moyenne largement rehaussée en Polynésie par la présence de 34% de fonctionnaires d’Etat qui touchent en moyenne 402 200 Fcfp net par mois (ETP), contre 291 400 Fcfp en moyenne pour les autres salariés de l’administration, qu’ils soient fonctionnaires territoriaux ou agents des communes. En cause : la majoration qui peut aller jusqu’à 84% appliquée sur le traitement des fonctionnaires d’Etat pour tenir compte de l’écart de niveau de vie entre la Polynésie et la France métropolitaine. C’est en particulier le cas d’enseignants ou de personnels de santé, dont les salaires moyens sont respectivement de 399 800 Fcfp et de 361 500 Fcfp net par mois en équivalent temps plein.

Autres réalités mises en lumière et quantifiées par cette étude qui scanne la réalité des salariés polynésiens : Les inégalités de revenus hommes-femmes, l’importance d’un diplôme de l’enseignement supérieur sur le salaire ou encore le constat d’une Polynésie française avant dernière au rang des collectivités de la République au regard de l’indicateur de développement humain (IDH-2).
Autant de variables qui permettent de qualifier la réalité économique comparée des salariés du fenua, auxquelles l’ISPF prévoit dorénavant de s’intéresser avec un rythme annuel, à la lueur des résultats des enquêtes Emploi, afin d’en jauger l’évolution.

​Diplômés, 2,5 fois mieux rémunérés

Evolution du salaire net moyen en fonction du niveau de diplôme.
Evolution du salaire net moyen en fonction du niveau de diplôme.
Un salarié titulaire d’un diplôme Bac+3 ou supérieur gagne en moyenne 458 000 Fcfp net par mois, soit 2,5 fois plus qu’un salarié sans diplôme (183 700 Fcfp) en Polynésie. Cet écart est de 2 en France métropolitaine. “Le fait d’avoir des niveaux bac +5, master, médecin, chirurgien, certaines spécialités qui sont rares sur le territoire, fait que l’on arrive à monnayer et avoir un salaire plus élevé”, analyse Nicolas Prud’homme, le directeur de l’ISPF.

​Un cadre 3,6 fois mieux payé qu’un ouvrier

Un cadre gagne 3,6 fois plus qu'un ouvrier en Polynésie, contre 2,2 fois plus en Métropole.
Un cadre gagne 3,6 fois plus qu'un ouvrier en Polynésie, contre 2,2 fois plus en Métropole.
Avec un salaire moyen mensuel net de 263 900 Fcfp en 2018, en équivalent temps plein (ETP), les travailleurs sont globalement 7,5% moins bien rémunérés en Polynésie française qu’en France hexagonale, où leurs homologues perçoivent 285 400 Fcfp net par mois.
Une inégalité de revenus entre la Polynésie et la Métropole que l’on retrouve, accentuée d’un point, dans le salaire minimum garanti (Smig) qui est ici de 132 900 Fcfp net par mois pour un travailleur à temps plein, alors que le Smic est en France de 145 200 Fcfp net. Une inégalité de traitement dont on trouve également la manifestation en comparant les salaires médians. Si en Polynésie, la moitié des travailleurs perçoivent un salaire inférieur ou égal à 201 500 Fcfp net par mois (ETP), ce salaire net médian est de 231 000 Fcfp dans l’Hexagone, soit à peine 19% inférieur au salaire moyen.
Mais, au-delà de ces constats statistiques, l’enquête sur les inégalités salariales en Polynésie met aussi en lumière une plus forte disparité par rapport à la métropole. Les 10% de salariés qui sont le mieux payés en Polynésie touchent en moyenne un salaire net de 457 300 Fcfp, soit 3,46 fois supérieur aux 10% les moins bien payés (132 000 Fcfp). Ce rapport est de 2,8 en Métropole.
Et cet écart est amplifié lorsqu’on compare le salaire selon les catégories socio-professionnelles. Un cadre perçoit en Polynésie un salaire net moyen de 655 200 Fcfp (ETP), soit 3,6 fois plus qu’un ouvrier. Ce rapport est de 2,2 en France.

Bonnet d’âne pour le développement humain

Les inégalités salariales entre la Polynésie et la France hexagonale se conjuguent avec un retard de l’Indicateur du développement humain (IDH-2) par rapport à la métropole. Cet indice synthétique s’intéresse aux niveaux de santé, d’éducation et de vie pour estimer le développement humain d’une région donnée. Il est de 0,43 en Polynésie, contre 0,65 à 0,80 selon les régions métropolitaines.
La variable santé est calculée à partir de l’espérance de vie à la naissance. En Polynésie française, elle est que de 74,7 ans pour les hommes et 79,1 pour les femmes, largement en-dessous de tous les départements français à l’exception de Mayotte, et de l’ensemble des collectivités d’outre-mer, y compris la Nouvelle-Calédonie, où elle est d’au moins 76 ans pour les hommes et 81 ans pour les femmes.
Le niveau d’éducation mesure la proportion de la population de plus de 15 ans diplômée du système scolaire. En Polynésie française, elle est de 69 %, contre au moins 75 % dans les autres régions métropolitaines. Enfin, le niveau de vie est estimé avec le revenu médian par personne dans un foyer. En Polynésie française, il est évalué à environ 86 400 Fcfp, mais est probablement sous-estimé. Néanmoins, il reste nettement inférieur aux chiffres de Métropole. En cause : Un plus faible taux d’emploi en Polynésie, des salaires inférieurs, des ménages plus nombreux et des allocations moins importantes.

​Egalité hommes-femmes en trompe-l’œil

Si le dernier bilan de l’emploi diffusé début novembre par l’ISPF sur la base des observations réalisées en 2020 faisait état “pour la première fois” d’une rémunération moyenne des femmes de 334 400 Fcfp (brut et en équivalent temps plein) supérieure à celle des hommes (333 900 Fcfp) au fenua, le directeur de l’ISPF, Nicolas Prud'Homme avoue se montrer “prudent” par rapport à ce constat : “Le chiffre de 2020 est mesuré en période de crise. Les secteurs les plus touchés, notamment le tourisme et certains secteurs où les emplois sont les moins bien rémunérés, ont fait disparaître une partie des salaires les plus faibles. Parallèlement, les femmes sont mieux représentées dans le secteur public. On se retrouve donc en 2020 avec une surreprésentation de femmes plutôt bien rémunérées. Cela peut expliquer l’inversion de tendance. Mais c’est à suivre sur le long terme.”
En 2018, les salariées polynésiennes étaient en effet globalement 3,7% moins bien payées que les hommes, alors qu’une sur trois (29%) était titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur, contre un homme sur cinq (19%). Cette disparité salariale est d’ailleurs très marquée parmi les diplômés : Les femmes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur gagnent en moyenne 357 500 Fcfp net par mois (en équivalent temps plein) contre 454 900 Fcfp pour les hommes, soit un écart de 21%. En outre, sur les 1% des salariés les mieux rémunérés on ne trouve qu’une femme pour six hommes (15%). 

​Meilleurs salaires en zone urbaine

Avec 66% de cadres, 77% de titulaires d’un Bac+3, 68% de fonctionnaires d’Etat, les salariés de la zone urbaine de Tahiti (Paea-Mahina), gagnent un salaire net moyen de 290 500 Fcfp (ETP), contre 227 600 Fcfp dans le reste de Tahiti et à Moorea et 229 200 Fcfp dans le reste de la Polynésie.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 24 Novembre 2021 à 18:30 | Lu 6796 fois