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​“Clipperton est loin d'être une île déserte”


Tahiti, le 03 mars 2022 - Anthony Tchékémian, maître de conférence en géographie à l'UPF, a participé à une mission scientifique sur le “presqu'atoll” de Clipperton en 2015. De cette mission est né le livre Clipperton, les restes de la Passion, publié en décembre dernier aux Presses Universitaires des Antilles et préfacé par le géopoliticien et poète français Gérard Chaliand. Au cours d'une interview, il revient sur son séjour là-bas, ses observations et son étude sur le recensement des “traces” de l'humanité, ainsi que les enseignements qu'il en a rapportés et qui l'ont amenés à écrire ce livre.

(Photos : Anthony Tchékémian)

Le “presqu'atoll” de Clipperton est un des lieux les plus isolés du monde et peu nombreux sont ceux qui ont eu la “chance” de le visiter. Est-ce que vous pouvez nous détailler les circonstances de votre séjour ?

“Je suis parti dans le cadre d'une expédition scientifique internationale organisée par des géographes de l'UPF. Cette expédition a bénéficié du soutien logistique de la Marine nationale et de l’Armée de terre, ainsi que des financements de l’Agence française de développement et du Fonds Pacifique, pour les plus importants d’entre eux. Elle s’est tenue du 1er avril au 6 mai 2015 et s’est déroulée ainsi : Nous sommes partis de Papeete le 1er avril 2015, à bord de la frégate de surveillance (FS) 731 de la Marine nationale, le Prairial, avec une escale le 6 avril à Hiva Oa, pour arriver le 14 avril sur l’île de Clipperton, soit quatorze jours de traversée. Le séjour sur l’atoll a duré quinze jours, du 14 au 29 avril, avec l’assistance du Détachement terre de Polynésie/Régiment d’infanterie de marine du Pacifique-Polynésie (DTP/RIMaP-P), “Les Dragons” ; il s’agit donc de la première occupation militaire de Clipperton depuis la mission Bougainville de 1969. Au retour, cinq jours de traversée à bord du Prairial, du30 avril au 6 mai 2015, ont été nécessaires afin de rallier le sud du Mexique, puis nous sommes rentrés en avion, de Tapachula (Mexique) à Faa’a.” 
 
Comment un géographe décrirait-il cet atoll ?

“L'atoll, de 12 km de circonférence, est issue d’un point chaud, d’une fissure par laquelle le magma s’est accumulé il y a environ 3,7 millions d’années, pour former un volcan. Les atolls ont été constitués par des colonies de madrépores, qui ont construit les récifs coralliens en se fixant autour de ces îles tropicales. Une fois que l’activité volcanique et la poussée en direction de la croûte terrestre se sont opérées, l’île s’est progressivement enfoncée dans l’océan. Les coraux, quant à eux, se sont maintenus en s’élevant pour rester à sa surface, là où l’eau est claire, lumineuse, renouvelée. Le mont volcanique a fini par disparaître, tandis que subsistait l’anneau corallien qui le ceinturait. Quant au prétendu “trou sans fond” présent sur les cartes, il s’agit en réalité d’une cuvette de 200 mètres de diamètre, dont la profondeur n’excède pas 34 m, avec un épointement d’une douzaine de mètres de haut près de son centre. Le jeu tectonique agite parfois à nouveau la plaque lithosphérique, soulevant progressivement l’atoll et les récifs coralliens, tout comme à Makatea en Polynésie française, ou à Maré et Lifou en Nouvelle-Calédonie.
 
D’ailleurs, on parle de presqu’atoll en raison de la présence du Rocher, point culminant de Clipperton à 28,4 mètres. Ce rocher est un reliquat de l’ancienne activité volcanique : une catégorie entourée de lagon dans lequel la partie montagneuse a presque disparu. Puis, à l’opposé, le point le plus profond se situe entre 33 et 34 m sous le zéro de référence du lagon. Improprement nommé “Trou sans fond”, la cavité correspond à une ancienne cheminée volcanique. La coupe bathymétrique permet de remarquer, au centre du trou, le sommet d’une remontée qui se situe à 18,5 m sous le zéro de référence du lagon. Cette remontée au centre du trou rend peu probable le fait qu’il puisse être “sans fond”, car pour qu’elle puisse se former, elle doit prendre appui sur de la roche. L’hypothèse la plus courante concernant ce trou serait qu’il s’agisse d’un bouchon constitué de sédiments. La cavité correspondrait davantage à une ancienne cheminée volcanique.
 
Clipperton évolue continuellement, tel un vortex. Plusieurs sens participent alors de notre définition du paysage de l’île : la vue, mais aussi l’ouïe, du fait de l’omniprésence des sons émis par les vents, les vagues, les oiseaux ; le toucher, car le visiteur marche souvent sur une “soupe de corail” instable et meuble, sapée par les galeries creusées par les crabes ; l’odorat, l’île dégage en effet un parfum très particulier, mélange d’émanations de sel, d’embruns et de guano. Le bruit du vent, des vagues, et des oiseaux, comme les odeurs de mer et de guano constitueraient alors des permanences, tandis que le paysage visuel évoluerait quant à lui beaucoup plus vite. Ce dernier est en effet relativement uniforme : il se caractérise par un sol pauvre constitué de sable et de graviers coralliens, surmonté de petits monticules ; on relève un faible couvert végétal constitué de plantes herbacées, vivaces et rampantes, de type xérophyte et halophyte. Une cocoteraie étique et un rocher complètent cet ensemble paysager. Celui-ci a du reste été dégradé et passablement modifié par l’exploitation du phosphate entre 1892 et 1917, notamment dans la partie nord-ouest de l’île.”
 

Qu'est-ce que le fait d'étudier un tel atoll, complètement isolé et inhabité, peut apporter comme connaissances ?

“En dépit de l’élévation des eaux, le récif corallien y demeure l’un des mieux conservés de la région (plus de 50% de couverture corallienne), tant dans sa biomasse de poissons de récif (4,4 t./ha), que dans ses espèces marines spécifiques, son lagon d’eau saumâtre (environ 710 ha) unique en plein océan, et sa faune aviaire caractérisée par l’une des plus grandes colonies au monde de fous masqués et bruns. L’île comprend donc une mosaïque d’écosystèmes différents imbriqués les uns aux autres dans un espace réduit : cocoteraie, steppes arbustives, dunes, plages de sable, soupe de corail, cordon littoral, lagon fermé, couvert végétal herbacé, massif volcanique et fonds marins à proximité. De par sa densité animale (poissons, oiseaux, crabes terrestres, rats) comme végétale (quinze espèces de plantes recensées en 2015), et son état de conservation des milieux, l’ensemble représente un intérêt scientifique majeur. Par sa situation, ce presqu’atoll offre en effet l’opportunité d’étudier les relations océan-atmosphère, notamment le phénomène El Niño, l’impact du changement climatique sur les coraux, les mouvements tectoniques et les variations du niveau marin. L’île de Clipperton m’apparaît donc comme un système où se crée à la fois de l’ordre et du désordre, dans un processus auto-organisateur, ce qui pousse à y questionner les relations entre règles et libertés. On peut donc s’interroger sur la façon dont les espèces animales et végétales s’agencent selon une complexité qui semble désordonnée aux observateurs.
 
La complexité d’un territoire s’observe d’abord à travers des structures organisationnelles hiérarchisées. Elle transparaît aussi dans les coopérations comme dans les luttes interespèces. L’agencement des réseaux trophiques et des espèces, tout comme leurs relations au sein d’un écosystème, peuvent engendrer de la complexité et des luttes perturbant l’équilibre. A Clipperton, par exemple, la présence des crabes, des fous, puis des rats, engendre une complexité organisationnelle, qui se traduit par des déséquilibres entre espèces : l’arrivée du rat (accidentelle, suite à l’échouage d’un navire) dans les années 2000 a ainsi causé une diminution de la population de crabes et de fous.”
 
 
Et dans ce cadre, quel a été le travail de recherche de votre expédition et plus particulièrement, le vôtre ?

“L’expédition a permis de regrouper des scientifiques français et mexicains afin d’évaluer la dynamique littorale et la géomorphologie de la couronne, de réaliser une étude diachronique du couvert végétal, d’étudier la macrofaune benthique et les hydraires du platier récifal, puis, l’objet de ma contribution, de géolocaliser et d’inventorier les restes : les vestiges témoignant des occupations humaines passées et les déchets amenés quotidiennement par la mer.”
 

En quoi l'étude de ces restes est intéressante pour un géographe ?

“L’île de Clipperton, actuellement exempte d’installation et d’occupation humaine, subie tout de même des interactions anthropiques, de façon continue et régulière, et constitue un laboratoire in situ et in vivo, en temps continu. L’étude des restes nous renseigne sur l’histoire de l’île, les usages, les activités, les économies, les loisirs, les appropriations humaines, jusqu’aux revendications territoriales. De façon globale, elle permet de comprendre les formes de gestion, d’échange, de transformation, de récupération des éléments matériels laissés et voués à disparaître. D’un point de vue méthodologique, j’ai étudié la nature de ces restes, leur dispersion, leur dynamique et leurs effets sur l’environnement. Le traitement de ces données représente une valeur heuristique importante en sciences humaines et sociales, notamment en géographie et en aménagement du territoire. La problématique des restes est donc envisagée non seulement comme un revers de la production, mais aussi comme un objet de recherche associant les dimensions historiques, géographiques, économiques, géopolitiques, paysagères, environnementales, écologiques et symboliques. Le travail de terrain a ainsi permis de géoréférencer les restes présents sur l’île, de les mesurer, de comprendre leur origine et fonction, de déterminer leur nature, de réaliser 255 photographies au sol, puis de cartographier 118 éléments de restes, correspondant sur la carte réalisée, soit à des vestiges unis, dans ce cas ils sont comptabilisés en tant qu’un élément; soit à des vestiges éparpillés d’un même élément, mais éparpillés sur une surface, dans ce cas les morceaux sont considérés comme un ensemble, comptabilisé et cartographié comme un élément, et il en est de même pour les déchets, généralement regroupés en amas.
 
Ces données ont été comparées avec celles relevées lors des missions précédentes, grâce aussi aux nombreuses photographies d’un couple de passionnés Danielle et Alain Duchauchoy, des radioamateurs, qui ont embarqué avec nous. D’ailleurs, un heureux hasard a permis à Danielle de mettre à jour les restes d’un wagonnet mexicain du XIXe siècle utilisé lors de l’exploitation de phosphate. Cependant, aucune carte aussi exhaustive des vestiges et déchets n’avait encore été réalisée. À partir de cette recherche, il sera donc possible de suivre ces restes, au travers d’une approche dynamique en fonction de leur dégradation, déplacement, apparition (par exemple, des restes enfouis ont émergé de l’estran au grès des marées et des vagues). Cette recherche s’intéresse aussi aux déchets humains laissés et transportés par les courants marins, jusqu’à Clipperton. D’importantes zones d’amas de déchets, essentiellement de plastiques et de verres, ont été référencées, comme sur la côte nord. Ainsi, cette étude est l’occasion de penser les effets des crises économiques et environnementales actuelles.
 
Au-delà des rapports entre espèces animales et végétales, la spécificité de la complexité à Clipperton tient à l’abondance des restes d’activités humaines. Les naufrages anciens et récents sur l’atoll témoignent d’abord des limites persistantes de la cartographie : malgré les évolutions technologiques et informatiques, cette discipline n’a pas entièrement résolu les difficultés de navigation. Les nombreuses épaves échouées sur les récifs qui entourent l’île attestent la permanence des difficultés éprouvées par ceux qui souhaitent y débarquer. En mars 2016, un plaisancier qui souhaitait débarquer sur l’île a ainsi déploré un mort lors de l’accostage. D'ailleurs, dans le cadre de notre expédition, la Marine a eu recours à deux navigateurs polynésiens, recrutés pour leur capacité à lire la mer, à compter les vagues et à saisir les courants. Les épaves et les restes présents sur l’île apparaissent et disparaissent au gré des vagues et des tempêtes.
 
Vu du ciel, l’atoll apparaît comme sauvage, vide d’activité et de présence humaine, mais au sol, les restes le parsèment, reflétant plusieurs stades d’anthropisation tout en révélant les actuelles crises environnementales. À ce titre, l’épave du Lily Mary, un thonier échoué en 2000, est particulièrement révélatrice, puisqu’elle conjugue des problématiques anthropiques et environnementales. Outre son caractère de reste, elle pose la question de l’introduction d’une espèce animale invasive –le rat– et de ses conséquences. Avant 1997 l’expédition “SurPacClip” n’avait dénombré aucun rongeur ; en 2001, leur présence a, en revanche, été attestée par les membres de la première expédition “Passion”. Cette épave n’est pas isolée et l’on peut aussi mentionner celle du chalutier costaricain, le OCO (situé au sud-ouest du Rocher), qui se serait échoué entre 2005 et 2008, mais les informations manquent. La houle démantèle progressivement ces restes qui demeurent cependant visibles ; ceux-ci voisinent avec les nombreux déchets transportés par les courants marins et déposés par les vagues sur les plages, notamment à marée haute. Des vents violents les dispersent ensuite à travers l’île. Leur poids sur la couronne de l’atoll a été estimé entre 12 et 35 tonnes de plastiques et 10 de verre, sans compter les nombreux bois flottés qui s’échouent et s’ajoutent aux restes métalliques déjà présents (munitions, épaves, moteurs de bateaux…). Mobiliser le concept de restes à Clipperton se révèle également stimulant. Leur étude renseigne sur les usages, l’histoire et l’économie de l’île, disputée entre la France, le Mexique et les États-Unis. C'est un géosymbole, au sens du géographe Joël Bonnemaison.
 
Cette approche s’inscrit dans le renouvellement actuel de la géographie et permet d’articuler de façon novatrice sciences sociales et sciences naturelles, initiée à mon sens par l’inspirante scientifique qu’est pour moi Nicole Mathieu. Puis comme l’explique Nathalie Blanc, cette dimension de l’espace, intime et temporelle, était peu prise en compte par la géographie. Et je pense que la question du développement durable, qui réintroduit une forte dimension temporelle, force la géographie à aller sur d’autres types de réflexions.”
 
Votre livre, "Clipperton, les restes de la passion", n'est pourtant pas un article de recherche uniquement destiné aux universitaires, il a aussi une visée plus grand public. Qu'est-ce qu'un lecteur non-averti peut y trouver ?

“Je l’ai écrit pour inviter le lecteur au voyage, au dépaysement et lui apporter une “carte postale” factuelle de Clipperton. Outre les nombreuses photographies couleurs prise sur place (et donc inédites) je présente Clipperton par les légendes qui l’entourent, les événements historiques passés (qui nous aident à appréhender le présent : car finalement, il n’y a que deux temps convoqués, le passé et le présent). L’expédition m’a donc permis d’explorer une île isolée –mais pas déserte vous l’aurez compris– d’en observer la faune, la flore et les paysages, d’en ressentir les éléments sur une note iodée, au son des vagues, des vents et des chants d’oiseaux.”
 

En tant que chercheur, comment voyez-vous le futur de ce “presqu'atoll” ?

“Je plaiderai pour une complémentarité entre scientifiques et militaires. Cette mission de terrain m'a permis de constater qu'il serait pertinent, voire nécessaire, de renforcer ce type de coopération, en proposant l'implantation permanente sur l’île d'une base militaire et scientifique, sur le modèle de celles présentes dans l'océan Indien [dans les îles Eparses, ndlr]. En préalable à toute installation, une campagne de dératisation améliorerait le quotidien des hommes. Construite en dur, la base serait établie selon des normes anti-séismiques et pourrait être implantée sur la vaste surface située derrière le Rocher ; elle serait ainsi protégée des déferlantes en cas de cyclone et autres tempêtes. Cette installation pourrait accueillir de petits groupes de chercheurs afin d’observer les évolutions de l’environnement insulaire océanien tout au long de l’année. Il y aurait là une formidable opportunité pour les chercheurs français, notamment ceux des outre-mers (Polynésie française, Guyane, Antilles, Réunion), comme étrangers (Mexique...). Les résidents se relayeraient, sur le modèle de ce qui se pratique dans d’autres territoires reculés, en Arctique ou dans l’Antarctique, afin de compiler, d’observer et d’anticiper les crises environnementales. Au-delà des aspects scientifiques et économiques, cette présence de l’armée affirmerait la souveraineté française. Cette implantation supprimerait le délai des 14 jours de navigation pour se rendre dans la ZEE, depuis le port de Papeete, permettrait de contrôler les pêches et de prévenir les débarquements illégaux, en particulier ceux de narcotrafiquants.
 
La France pourrait ainsi encadrer l’exploitation des ressources halieutiques (thons, bonites, marlins, espadons), tandis que l’armée soustrairait l’île aux activités touristiques, comme la plongée d’aventure ou la pêche au gros, pour éviter le pillage des espèces endémiques, comme le poisson-ange de Clipperton (Holacanthus limbaughi), ou certains coquillages, comme le cône textile de Roosevelt (Conus tiaratus). Défendre Clipperton permettrait aussi de préserver les terres rares et les trésors énergétiques futurs qui tapissent le fond de la ZEE, dans l’éventualité de leur exploitation. Certes, en cheminant sur l’île, on réalise qu’elle n’a pas connu l’industrialisation depuis la fin de l’exploitation du phosphate. Mais la découverte, en 1997, de nodules polymétalliques au fond des eaux de l’océan Pacifique nord-oriental (entre 3 et 5 000 m), entre la fracture de Clarion et celle de Clipperton, entre Hawaii et le Mexique, pourrait changer la donne. L’île échappera-t-elle à une nouvelle exploitation minière ? Les coûts élevés de prélèvement et la disponibilité de réserves métallifères sur les continents la rendent peu probable à court terme. Mais à long terme, le développement des techniques d’exploitation pourrait rendre viables leurs prélèvements.”
 

Brève histoire de Clipperton

Clipperton tient son nom du flibustier John Clipperton qui l'aurait découverte en 1704, mais aucune preuve n'existe. Le premier a prouvé être passé par l'atoll est Michel Dubocage, commandant de la Découverte, le 3 avril 1711. La première carte fut dressée à cette occasion et l'île baptisée île de La Passion, en référence à la Passion du Christ. Jusqu'en 1753, l'atoll n'apparaît même pas sur les cartes. En 1835, sur une carte de l'Océanie elle apparaît sous le nom d'île Clipperton.
 
Intéressé par sa position stratégique dans le Pacifique face au Panama, dans la perspective d'un percement futur du canal, Victor Édouard Le Coat de Kerveguen en prit possession au nom de la France, ce qui fut confirmé par un décret impérial en date du 17 novembre 1858 officiellement, et par publication dans divers journaux, sans qu'aucun État ne vienne contester cette possession à cette époque. Le projet était de faire de l'île un port de relâche pour les bateaux à vapeur.

En 1895, la Pacific Islands Company, une compagnie britannique, s'installe sur l'île pour y exploiter le guano. En 1897, le Mexique l'occupe puis en 1906, y construit un phare et y laisse un gardien. En 1907, le président mexicain, le général Porfirio Díaz, y dépêche une petite troupe d’une dizaine de soldats et leurs femmes, afin de revendiquer la souveraineté mexicaine.

Le 2 mars 1909, la France et le Mexique se décident à faire arbitrer leur désaccord sur la souveraineté de l'île. Le Mexique n'a pu fournir de documents écrits prouvant l'antériorité de la découverte de l'île Clipperton par les Espagnols pas plus que les Anglais n'ont pu le faire à leur tour. En présence des seules preuves écrites fournies à l'arbitrage international, à savoir les journaux de bord du Havrais Michel Dubocage  et du Rochelais Mathieu Martin de Chassiron  contenant le premier relevé de l'île, et bien que l'îlot n'ait jamais eu de population française, la souveraineté de la France fut reconnue le 28 janvier 1931 par l'arbitrage de la Cour internationale  et du roi Victor-Emmanuel III d'Italie. Le Mexique reconnaît définitivement la souveraineté française sur l'île en 1959.

En 1944, les États-Unis  occupent l'île d'autorité. Ils ouvrent une passe dans la couronne (qu'ils refermeront en partant) et nivellent une piste d'aviation qui pourrait aisément être remise en service. À la suite d'une protestation de la France  qui vient tout juste d'être libérée, les États-Unis rétrocèdent le territoire à la France le 21 mars 1945.
 

Rédigé par Antoine Launey le Vendredi 4 Mars 2022 à 13:16 | Lu 7310 fois