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​“2025, année de la réforme fiscale, de la refonte des comptes sociaux et du logement”


Le président prendra un nouveau ministre dans son équipe début février
Le président prendra un nouveau ministre dans son équipe début février
Tahiti, le 7 janvier 2024 – À l’occasion de cette nouvelle année 2025, le président du Pays, Moetai Brotherson, qui n’accepte que rarement nos demandes d’interview, s’est arrêté avec nous près de deux heures pour balayer un grand nombre de sujets. Réforme fiscale, grève de la Fraap, déplacement à Paris, arrivée de Google, délibération de Tony Géros ; une année 2025 chargée qui débutera aussi par l’arrivée d’un nouveau ministre dans un mois.
 

Commençons en évoquant tout de suite les négociations avec la Fraap. Comment se profilent les discussions et ne risque-t-on pas de se retrouver à nouveau face à un blocage le 14 janvier prochain ?

“J’ai invité la Fraap en fin de journée. Nous avons fait hier soir (lundi, NDLR) le point avec la ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, sur les différentes options. Je veux juste rappeler mon étonnement sur ce préavis de grève. La Fraap a déposé un préavis alors que rien n’a été signé. Le 23 décembre, nous avons présenté les différentes options après la sortie de grève, au conseil supérieur de la Fonction publique (CSFP). Première option, celle du gouvernement, qui consiste à augmenter l’indice de 5 points. Deuxième option, celle de la Fraap, qui correspond à ce qu’ils avaient compris de nos discussions avec une augmentation de 20 points pour le premier échelon puis faiblement dégressif à mesure que l’on augmente les échelons. Le CSFP a donné son avis favorable à l’option 5 points, mais rien n’a été acté en conseil des ministres. La Fraap a déposé un préavis de grève sur une non-décision.”
 

Qu’allez-vous leur proposer ? De se revoir en mars pour discuter comme vous le demandiez en décembre ?

“(…) Je vais leur redire que toutes les discussions sur le point d’indice ne se tiendront qu’en mars, avec l’ensemble des syndicats. Nous ne bougeons pas sur le sujet. Deuxièmement, sur le calendrier des revalorisations des grilles indiciaires, il existe déjà. Il doit juste être complété des représentants de la Fraap dans certaines commissions. Enfin, sur l’exigence que soit adoptée l’option des 20 points d’augmentation présentée par la Fraap lors du CSFP, il faut d’abord qu’ils apprennent à compter. Les chiffres qu’ils annoncent sont faux. Ils sont plus de 200 millions de francs en deçà de la réalité. Ce que je veux leur rappeler, c’est que cet argent-là, il n’appartient pas au président. C’est celui des Polynésiens. Nous avons aujourd’hui une masse salariale dans l’administration du Pays qui est déjà, pfff, élevée. Les infirmiers ont récemment été reclassés en catégorie A. Les assistants sociaux et d’éducation de la DSFE ont été revalorisés… Rien que ces deux éléments-là, c’est 300 millions en plus sur la masse salariale de l’administration. Si nous rajoutons ce que demande la Fraap, plus les résultats des discussions à venir en mars, nous pouvons dépasser la masse salariale de l’administration du Pays de près d’un milliard de francs supplémentaire. Je veux bien discuter, mais avec les bons chiffres, en se posant la question de la pérennité de ce que l’on demande.”
 
En juin 2024, vous preniez plusieurs portefeuilles ministériels en annonçant que vous prendriez probablement un ministre supplémentaire dans les six mois. Qu’en est-il ?

“Effectivement, à mon retour de France et après le conseil des ministres délocalisé à Nuku Hiva en février, je ferai une annonce sur des changements dans l’équipe. Je confirme qu’il y aura la nomination d’un nouveau ministre, et une redistribution de certains portefeuilles. Ce sera fait certainement la première quinzaine de février.”
 

2025 est l’année du mi-mandat. Êtes-vous satisfait de ce qui a été accompli jusqu’à présent et comment voyez-vous la seconde partie de votre mandat ?

“Je suis un éternel insatisfait. Je passe mon temps à dire à mes ministres de faire plus. Mais nous ne pouvons pas aller plus vite que la musique non plus. Je pense que nous avons fait pas mal de choses qui vont dans le bon sens. Je vais citer la dépolitisation de l’embauche des catégories D. Nous avons également fait cette grande réforme des bourses étudiantes. Il y a la réforme des CAE. Malgré toutes les critiques, je pense que nous allons dans le bon sens. Les chiffres de l’emploi le démontrent. 2 500 nouveaux emplois, 900 créations d’entreprise, près de 4 000 personnes sorties du RSPF. (…) 2024 était l’année pour mettre à profit toutes les concertations et toutes les études préalables à la mise en place de la réforme de la Protection sociale généralisée, les comptes sociaux et la réforme fiscale. Des textes ont été transmis au Cesec en fin d’année sur la réforme de l’affiliation, la réforme des cotisations RNS…”
 

C’est étudié cette semaine au Cesec et les patrons sont déjà vent debout contre celle-ci.

“Oui, mais bon. Ce sera la grève des Porsche, ça nous changera. Ce que nous voulons, c’est avoir une fiscalité plus équitable, ce que n’était pas la taxe sociale, qui s’appliquait à tous. Ce que nous voulons, c’est taxer plus ceux qui ont plus de moyens et taxer moins ceux qui ont le moins de moyens. Il faut veiller que cette fiscalité ne soit pas confiscatoire et qu’elle aille dans le sens d’une productivité accrue.”
 

Cette réforme est annoncée depuis longtemps, et ne vient pas.

“On nous reproche de ne pas avancer dans cette réforme. Mais ce n’est pas un bloc monolithique. C’est l’intégral d’un ensemble de dispositifs qui vont composer une réforme. Nous avons commencé à poser les premiers éléments. Des baisses de fiscalité sur l’immobilier. Il y a aussi la taxation sur les produits sucrés, qui nous paraît indispensable. Quand nous avons 23 milliards de francs de dépenses de santé liés aux carnets rouges, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur cette dérive. 2025 sera vraiment l’année de la réforme fiscale, de la refonte des comptes sociaux et nous allons mettre l’accent sur le logement avec un renforcement de l’OPH avec Arana qui va permettre des financements sur de très longs termes. Ça va changer la donne et nous permettre de démultiplier le nombre de logements intermédiaires. On a 4 000 demandes en logements groupés, 3 000 en fare OPH. Ce n’est pas chose facile. Tous les gouvernements ont essayé de résorber ce stock. Nous avons mis en place un fond de 500 millions de francs pour l’OPH afin qu’elle puisse acquérir des terrains quand un foncier intéressant se présente avant que le privé ne mette la main dessus. (…) S’il y a trois priorités cette année, c’est vraiment la réforme fiscale, la réforme des comptes sociaux et le logement.”
 

Et dans la rue, c’est aussi le prix du caddie qui est souvent mis en avant.

“Ce raisonnement, s’il se comprend, est un raisonnement un peu étriqué. Ce qui est important, c’est le pouvoir d’achat, ce n’est pas seulement le prix du caddie. Quand il se crée 2 500 emplois, c’est du pouvoir d’achat créé. Pour lutter pour le pouvoir d’achat, il y a plusieurs leviers d’action. Il faut créer de l’emploi, améliorer l’accès au logement. Vous trouverez toujours des gens pas concernés par les mesures mises en place. Une personne qui n’a que faire de la réforme du logement ; quelqu’un qui n’a pas d’enfant étudiant et qui dira que les bourses ne le concernent pas. Je ne suis pas là pour gérer des situations individuelles, mais pour gérer une situation générale qui prend en compte la moyenne de ce qu’il se passe dans la société. Nous ne pouvons pas agir de manière ponctuelle sur chaque cas qui se présente dans notre société. Pour moi, si on veut lutter contre la précarité, il faut créer de l’emploi durable, pas des CAE. Il faut essayer de mieux cibler les aides. Nous ne sommes pas favorables au système des PPN. Quelqu’un qui gagne 2 millions de francs par mois en bénéficie, autant que celui qui est au Smig. Nous préfèrerions récupérer ce manque à gagner fiscal et le distribuer uniquement à ceux qui en ont besoin. C’est l’idée derrière la carte Faatupu. Quand elle sera techniquement au point, elle sera distribuée à un public ciblé, déjà connu de nos organismes sociaux. Cette carte sera modulable, y compris en prenant en compte le quotient familial. Cette carte permet d’avoir un moyen d’action très souple. La carte Faatupu existe déjà et est gérée par la CPS. Cela ne concerne que des aides sociales. La nouvelle carte est en cours de réalisation afin qu’elle puisse être utilisée aussi bien dans les grandes surfaces que dans les petits magasins de quartier. (…) Cette carte Faatupu amènera à l’extinction du système des PPN. Nous allouerons les sommes pointées sur les PPN directement aux personnes qui en ont réellement besoin.”

Moetai Brotherson rencontrera le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Paris pour parler de la C24 (AFP)
Moetai Brotherson rencontrera le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Paris pour parler de la C24 (AFP)
Vous partez pour Paris ce samedi, quel sera votre agenda ?

“Ce déplacement était prévu avant la censure du gouvernement Barnier. Nous sommes retenus comme exemple au niveau des finances parce que nous lançons le chantier de la mise en place du code des finances publiques. Chose qui n’existait pas. Un colloque est organisé les 15 et 16 janvier sur le sujet. Nous devons à nouveau reprendre langue avec les différents ministères pour faire le point sur les dossiers engagés et voir les impacts de cette espèce de chaos parlementaire qui règne en France sur la Polynésie. C’est préoccupant pour le Pays, mais aussi pour les communes. Les dotations aux collectivités sont reconduites, mais que sur le volet fonctionnement, pas sur le volet investissement. Il y a aussi la convention santé, la convention décennale sur l’éducation. J’ai sollicité des rencontres avec le Premier ministre, avec Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, pour parler de la conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC), mais aussi de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites) pour le développement de l’aquaculture de rori (…). Je vais voir aussi Manuel Valls, ministre des Outre-mer, je suis dans l’attente d’une confirmation avec le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, le ministre de l’Économie et des Finances, Éric Lombard, et je dois faire un saut de puce à Bruxelles pour discuter avec Younous Omarjee d’une meilleure façon de fonctionner entre la Polynésie et l’Europe.”
 

Et il est urgent de le faire avant que ce gouvernement ne soit à nouveau censuré…

“(rires) Le nouveau Premier ministre fait son discours de politique générale le 14 janvier et une motion de censure devrait être déposée par LFI. On verra si elle passe. Je n’ai pas de sympathie particulière pour les uns et les autres, mais d’un point de vue pratique, ce serait une mauvaise nouvelle qu’une nouvelle censure repasse. Nous devons préparer l’UNOC à Nice en juin, nous n’avons plus d’interlocuteur sur le sujet. Il faut de la stabilité pour que les choses avancent.”
 
Ce qui est paradoxal, c’est que vous souhaitez de la stabilité, mais que la député Mereana Reid Arbelot, qui vous a remplacé à l’Assemblée nationale, a voté cette censure.

“Je ne sais pas si elle pourrait la revoter. Elle est parlementaire nationale. Elle défend les intérêts de la Polynésie, mais doit avoir une vision plus large, mais j’ai pleinement confiance en sa capacité de jugement et d’analyse pour savoir si elle doit voter, ou pas, cette motion. Vu depuis la perspective de l’exécutif polynésien, et j’en discutais encore ce matin avec le haut-commissaire de la République, c’est pénalisant de ne pas avoir d’interlocuteur stable à Paris.”
 

L’arrivée de Google se précise. Quels sont les chantiers qui arrivent ? Et surtout comment respecter la concurrence. L’Autorité de la concurrence reste vigilante sur la distribution du signal qui serait une fois encore réservé à l’OPT.

“L’APC a son avis, le gouvernement a le sien. Ce qui est clair, c’est que le seul qui soutient réellement le service public, c’est l’OPT. Onati a le monopole sur les communications extérieures et il n’est pas question, pour l’instant, de le remettre en cause. (…)”
 

Faisons un crochet sur le sujet avec la plainte de Te tia ara contre Onati qui oblige ses clients fibre à prendre le téléphone fixe, pour financer l’entretien des réseaux. Prenons un exemple par l’absurde, une entreprise qui produit du lait et des clés à molette n’oblige pas les acheteurs de lait à prendre aussi des clés à molette pour financer l’intégralité de ses coûts d’entretien…

“Analogie bizarre, mais je la comprends. C’est une question à laquelle l’OPT se doit d’apporter des éclaircissements. (…) La remarque faite par Te tia ara est pertinente et l’OPT doit y apporter des réponses adaptées.”

 
Revenons à Google…

“C’est une fusée à plusieurs étages. Google va apporter une bande passante 50 fois supérieure à ce que l’on connait. Pour tous les secteurs qui dépendent d’une connexion internet, ce sera une révolution. Il y aura deux centres de contrôles, avec un certain nombre d’investissements de Google avec des dépenses non négligeables. Le premier à Papeno’o, en partie géré par Onati, qui sera une source de revenus supplémentaires pour l’OPT, le deuxième, à ma demande, sera dans le sud de l’île. Soit à Faratea, soit sur un terrain privé dans la zone de Taravao. Google n’a pas encore arrêté son choix. Ces installations vont booster l’écosystème polynésien. Des entreprises étrangères sont aussi intéressées pour venir s’installer chez nous.”
 

Des projets dans le cadre du système “follow the sun” ?

“Pas uniquement. Ce sont aussi des activités qui auront juste besoin d’avoir de gros débits. Je ne cite pas les noms tant que les contrats ne sont pas signés, mais depuis que Google a confirmé l’installation de ses câbles chez nous, j’ai un certain nombre de très grandes sociétés internationales qui m’ont contacté. Certaines doivent venir en mars pour commencer à discuter. Ça peut être des centres de recherche, des data centers, plusieurs choses. Des appels générateurs d’emplois locaux. Avec Google, on va pouvoir former nos jeunes. Nous avons lancé l’école Kanea, il y a un projet d’école d’ingénieur sur tout ce qui est câbles sous-marins, qui pourrait être implanté sur le terrain dit Kosovo (Punaauia). Un établissement ouvert à l’international.”
 
Ces projets bénéficieront principalement à Tahiti, Moorea et aux Raromatai. Quid des autres archipels ? De nombreuses personnes demandent à laisser entrer Starlink par exemple.

“On ne peut pas accueillir Google, augmenter l’attractivité numérique de Tahiti, Moorea et des Raromatai sans se soucier des archipels éloignés. Starlink est une option technique que je connais bien. À peine arrivé à la présidence, je recevais déjà des demandes de dérogation pour l’importation d’antennes Starlink. Certains bateaux de pêche l’utilisent déjà, on le sait. Je ne suis pas là pour les blâmer. À Raivavae, j’ai été accueilli dans une pension qui possède une antenne. Ils avaient peur que je vienne pour la démonter. Je les ai rassurés. Tant qu’on n’a pas d’offre alternative, on ne va pas venir les embêter. Maintenant, quand on aura une alternative, on demandera une mise en conformité. Nous partons plutôt pour celle de Oneweb. Starlink emploie 0 Polynésien, investit 0 franc, paie 0 taxe et impôt et vend ses offres sans passer par aucun opérateur. Si nous laissons entrer Starlink demain sans encadrement, la Polynésie et tous les opérateurs y perdent. Oneweb possède la même technologie et est prêt à discuter avec nous. Des discussions avancent avec Onati. Nous serons alors en capacité d’offrir des services dans les archipels éloignés, avec une offre qui ne détruit pas de valeurs. On a utilisé Oneweb lors de notre déplacement à Rapa. On va l’utiliser aussi lors des conseils des ministres délocalisés pour faire des POC (proof of concept).”
 

Vous avez aussi la casquette du Tourisme, comment faire pour aider Air Tahiti Nui ?

“(…) ATN parvient à exister dans le concert des compagnies, avec bien sûr 22 milliards de soutien public depuis sa création, et achemine la majeure partie des touristes qui viennent en Polynésie. C’est un acteur important et nous ne pouvons pas faire sans. Ceux qui prétendent qu’il suffit de fermer ATN et de se reposer sur les autres compagnies ont oublié les leçons du passé quand les compagnies étrangères se sont du jour au lendemain désengagées. Nous ne pouvons pas être dans une situation de dépendance.”
 

Il y a quelques mois, vous évoquiez le soutien d’une structure étrangère. Tous les regards se tournent vers Alaska Airlines, qui vient de racheter Hawaiian Airlines et qui est un acteur majeur à Seattle…

“Alaska est une compagnie qui a toujours été partenaire d’ATN. Un certain nombre de choses sont possibles avec cette compagnie. Mais quand je parlais de partenaire extérieur, je ne parlais pas forcément de compagnie aérienne. Ce qui est certain, c’est qu’ATN est à la croisée des chemins. Il y a une concurrence accrue, introduite de façon trop précipitée. La situation est un peu compliquée, notamment avec Air France et Delta qui forment une joint-venture. Quand on attribue des fréquences supplémentaires à Air France, on l’attribue en fait à cette joint-venture. Cela en fait une force de frappe incroyable, une capacité de récupérer des pertes sur nos lignes par d’autres lignes… Il faut se poser la question de savoir si cette concurrence est loyale ou si elle est faussée.”
 

Vous-même êtes en capacité de réduire les demandes de fréquences.

“Oui, mais l’exercice est très contraint. On est sur une convention de 1998 sur le ciel libre, signée par la France où tous les pays des compagnies signataires peuvent demander des fréquences. On ne peut leur refuser que dans des conditions très restreintes, sous peine de se voir appliquer des mesures de rétention.”
 

L’enquête demandée à KPMG sur le schéma d’hébergement touristique et maritime a-t-il déjà livré ses premiers éléments ?

“Nous avons déjà eu les deux premiers livrables. Nous attendons le dernier. Ce que nous attendons surtout, ce sont les préconisations sur les sites remarquables et sur les dispositifs incitatifs pour la création d’activités hôtelières. Nous avons des premiers enseignements, nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec tout, mais une étude n’est pas quelque chose qui s’impose à un gouvernement sur 100% des recommandations. Il y a des choses sur lesquelles nous sommes totalement d’accord comme le fait d’avoir des offres différentes en fonction des archipels, ne pas imposer un modèle touristique à des îles qui n’en voudraient pas. Certains projets demanderaient le déploiement de la défiscalisation, d’autres, non. Nous attendons le troisième livrable avant la mise en place des appels d’offres. Cela va prendre un peu de temps, mais cela avance.”

Dans l’actualité, il y a eu une polémique sur le limogeage de l’agent-comptable de la CPS qui n’était pas favorable à la prime de 23 500 francs aux retraités. La secrétaire générale de Otahi, Lucie Tiffenat, y voit une mainmise du politique sur la CPS. Qu’en est-il ?

“C’est une interprétation très éloignée de la réalité. Nous aurions dû le faire avant l’adoption du budget. Nous avons préféré attendre pour ne pas rajouter du bruit au bruit. Dans les différents travaux autour de la réforme de la PSG, on a besoin de données fiables et stables. Or, l’ancien agent comptable a contribué au retard de la mise en place de certaines mesures en nous fournissant des données changeantes. Ce n’était plus acceptable, et cela n’a rien de politique.”
 

En novembre, la presse a reçu un mail d’invitation à l’inauguration du nouveau terminal de croisière, puis un autre mail d’annulation de cette invitation, sans explication. Ce terminal sera-t-il inauguré un jour ?

“(rires) L’inauguration est prévue, je crois, le 16 février, qui correspond à l’arrivée du Star Breeze. Il y a eu un souci technique sur les rampes d’accès. Certains bus ne pouvaient pas passer et il a fallu les raboter. Mais ça y est, le terminal est prêt.”
 

Le président de l’assemblée de la Polynésie française, Tony Géros, a fait passer une délibération le 12 décembre dernier lui permettant de saisir les instances judiciaires internationales pour porter plainte contre l’État qui bloque les discussions sur l’indépendance. Lors de l’étude de ce texte, vous avez quitté l’hémicycle pour aller au Noël de la présidence. Ne pouviez-vous pas rester dans l’hémicycle et donner votre avis sur ce texte ?

“J’avais déjà donné mon avis.”
 

En commission, un lieu qui est fermé au public.

“Je ne pense pas que cela soit nécessaire. C’était à l’initiative de l’assemblée. J’ai dit dès le départ que je pensais que la probabilité que ce soit déféré devant les tribunaux, puis annulé, était de 100%. On s’oriente vers ça. Dans l’esprit même de ceux qui ont porté ce texte, il n’y avait pas de grand espoir que cela réussisse. Il s’agit d’une initiative politique. Je ne suis pas en désaccord avec la démarche, mais j’étais conscient qu’elle n’allait pas aboutir.”

 
C’est quand même le marqueur d’une assemblée qui vous dit : “Puisque vous ne le faites pas, on va le faire à votre place”.

“Ce n’est pas l’assemblée, ni la majorité qui dit ça. C’est un homme (Tony Géros, NDLR), qui l’a dit aux médias. Chacun a sa manière d’opérer. Je suis dans le dialogue. Si on tape du poing sur la table, il faut que cela ait une utilité. Si c’est juste pour bomber le torse et dire ‘j’existe’, je ne vois pas l’utilité. Pour obtenir ce que l’on veut, à savoir le démarrage des discussions sur l’autodétermination, on n’a pas besoin de poursuivre l’État en justice. C’est mon analyse. Les discussions que j’ai eues avec le président de la République, avec l’actuel Premier ministre, avec le ministre des Affaires étrangères, m’amènent à penser qu’on arrivera à obtenir au comité des 24 en juin le démarrage de ces discussions.”
 

Vous irez au C24 en juin justement pour discuter de l’indépendance ?

“J’irai discuter des conditions de l’autodétermination. C’est une confusion que j’entends souvent. Ce que nous demandons, c’est la mise en place d’un processus d’autodétermination. Je le fais avec une conviction profonde, celle d’Oscar Temaru, qui est de faire les choses dans le respect strict du droit international, sans aucune violence, et par un processus démocratique. Ce sont les trois brins de mon ADN politique qui ne varient pas d’un iota. Le jour où on viendra m’expliquer que ce n’est pas comme ça qu’on va aller à l’indépendance, je dirai mon désaccord. (…) En aucun cas, on ne va à l’ONU pour qu’elle décrète notre indépendance. Si c’est ça que certains veulent, ils font erreur.”
 

Une dernière question, personnelle celle-ci. Vous êtes écrivain aussi. Tenez-vous un journal de bord de votre carrière politique que vous pourriez publier un jour ?

“Je prends des notes dans mon téléphone. Peut-être que je publierai un jour mes écrits là-dessus. Je suis revenu des États-Unis après le 11 septembre 2001. J’ai vécu le Taui, qui est un moment extraordinaire de réflexion dans la vie de ce pays. J’ai vécu les années d’instabilité qui ont suivi. J’ai des épisodes personnels peu communs. J’ai quand même démissionné quand celle qui est aujourd’hui mon épouse (Teua Temaru) a été nommée ministre (ministre de l’Environnement du gouvernement UDSP de Gaston Flosse à 26 ans de février à avril 2008, NDLR). J’étais à l’époque chef du service des postes et télécommunication et je voulais me porter en faux contre ce qui apparaissait alors comme du népotisme. J’apprenais après qu’en fait, c’était Gaston Flosse qui avait exigé cette nomination. J’ai aussi les souvenir du lobbying, en lavalava, savates, chemise à fleurs, à faire 300 rendez-vous dans les ambassades à l’ONU. Il y a eu des moments durs comme le procès de radio Tefana. Certainement un jour, je sortirai un bouquin là-dessus.”

Rédigé par Bertrand PREVOST le Mardi 7 Janvier 2025 à 18:38 | Lu 4607 fois