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"Sponsoring" politique à Tumara'a : 2 ans ferme et 5 ans d'inéligibilité requis contre Cyril Tetuanui


Cyril Tetuanui et son avocat, Me Quinquis, à la sortie de l'audience.
Cyril Tetuanui et son avocat, Me Quinquis, à la sortie de l'audience.
PAPEETE, le 13 décembre 2016 - Le maire de Tumara'a à Raiatea était renvoyé devant le tribunal correctionnel ce mardi matin pour trafic d'influence passif. Il lui était reproché d'avoir reçu, en 2013, 1,5 million de francs d'un ami commerçant pour favoriser ses affaires avec la commune. Délibéré le 14 février 2017.

Le représentant du ministère public a requis 2 ans de prison ferme, la révocation d'un sursis de 12 mois de prison et 5 ans d'inéligibilité, ce mardi, à l'encontre du maire de Tumara'a, Cyril Tetuanui. Le tribunal correctionnel a mis sa décision en délibéré au 14 février prochain. L'élu local et président du syndicat pour la promotion des communes (SPC) était renvoyé devant la juridiction pour trafic d'influence passif. Il lui est reproché d'avoir accepté 1,5 million de francs des mains d'un ami commerçant de Raiatea, lors des élections territoriales de 2013, en échange de menus services.

Dans une lettre gravant noir sur blanc les termes de ce "sponsoring" politique, et destinée au départ à l'épouse du maire, Lana Tetuanui, mise hors de cause dans cette affaire, Mederic Tavaearii enjoignait la commune de se fournir dans sa boulangerie pour le pain à distribuer aux écoles, de lui attribuer six lots pour ses stands de vente à emporter lors des Heiva, ou encore de mettre gratuitement à sa disposition une remorque du parc municipal. Les enquêteurs de la gendarmerie avaient découvert la missive fortuitement, à l'occasion d'une perquisition chez le commerçant dans le cadre d'une enquête distincte pour trafic de stupéfiants.

Un "cas typique de trafic d'influence" pour le parquet, "clochemerlesque" s'insurge la défense

A la barre, les deux hommes se sont défendus de toutes basses manœuvres. "Tout ce que je voulais faire, c'est aider mon parti pour qu'il fasse des choses bien pour les jeunes et les petits Tetuanui, ce n'était pas pour qu'il s'achète une voiture ou quoi que ce soit", a déclaré Mederic Tavaearii. Ce dernier est poursuivi pour trafic d'influence actif dans cette affaire et n'a pas été épargné par le parquet qui a aussi requis 2 ans de prison ferme contre lui, ainsi qu'une exclusion des marchés publics pendant 5 ans.

"Il n'y a pas de lien entre cet argent-là et et ce dont Mederic a pu bénéficier" a sobrement répété Cyril Tetuanui au moment de conclure, expliquant que ce n'était pas en tant que maire mais en tant que président de la fédération locale du Tahoeraa Huiraatira qu'il avait accepté ce "sponsoring politique". L'argent, in fine, avait servi à financer le grand tamara'a à l'issue des élections.

Son avocat, Me Quinquis, s'est montré plus virulent contre des réquisitions du ministère public jugées "extravagantes" et même "révoltantes" dans un dossier "clochemerlesque". "On veut envoyer mon client à Nuutania pour deux ans et le priver de ses droits civiques pendant cinq ans pour cinquante baguettes par jour au profit d'une école !", s'est époumoné l'avocat, rappelant qu'il s'agissait en outre de la seule boulangerie du secteur et qu'elle traitait déjà avec la mairie bien avant la remise de fonds entre les deux hommes. Me Quinquis qui a aussi assuré, sur les suspicions de favoritisme dans l'attribution des stands de vente de ma'a et d'alcool lors des Heiva, que Mederic Tavaearii s'était toujours acquitté de la redevance de 600 000 francs pour leur location.

Le parquet, après avoir émis de sérieux doutes sur la réalité de l'engagement partisan du commerçant, a pour sa part relevé un "cas typique de trafic d'influence", s'appuyant sur les relations entre les deux prévenus. "Le marché du pain, les stands pour le Heiva sans même participer aux réunions d'attribution, la mise à disposition de la remorque, l'embauche de la fille de Cyril Tetuanui dans une boulangerie dont Mederic Tavaearii est le gestionnaire, cela commence à faire pas mal de choses concomitamment à ce "don" ". Délibéré le 14 février.

Rappelons que Cyril Tetuanui a déjà été condamné pour prise illégale d'intérêt et abus de confiance par un élu et faux en écriture en 2011 par la cour d'appel de Paris. Il avait écopé de 12 mois de prison avec sursis simple et 1 an d'inéligibilité. La peine d'inéligibilité n'avait pas été effectuée suite à un problème administratif de transmission de la condamnation dans les délais d'exécution.


8 mois de prison avec sursis pour favoritisme dans l'affaire dite des gymnases

Actualité judiciaire chargée ce mardi pour Cyril Tetuanui. C'est en effet ce matin que le tribunal correctionnel devait rendre son délibéré dans l'affaire des gymnases de Raiatea. Cyril Tetuanui a finalement écopé de 8 mois de prison avec sursis dans ce dossier, pour "atteintes aux règles de liberté et d'accès aux marchés publics". Il échappe toutefois à la peine de 2 ans d'inéligibilité que le parquet avait requis à l'audience du 4 octobre dernier. Il lui était cette fois reproché d'avoir envoyé au règlement, en sa qualité de maire à l'époque, huit factures présumées frauduleuses transmises a posteriori par l'entrepreneur bénéficiaire du marché et censées couvrir près de 20 millions de francs de dépassement de budget dans la construction des deux salles omnisports des districts de Fetuna et Tehurui. Une enquête avait été ouverte en janvier 2011 pour favoritisme sur ces faits datant de la période 2008-2010.

L'accusation soutenait que ces travaux complémentaires de peinture, d'assemblage, de couvrage des structures métalliques et les études de faisabilité afférentes avaient été abusivement facturés à la collectivité, car compris dans le cahier des charges initial du projet. Ils auraient au mieux du faire l'objet d'un nouvel appel à concurrence, au pire d'un recours en contentieux devant le tribunal administratif.

Pour sa défense, Cyril Tetuanui avait répété qu'il n'avait fait que prendre le train en marche, récupérant le règlement final d'un projet lancé et monté par l'ancienne mairesse et contre lequel il s'était d'ailleurs élevé du temps où il était dans l'opposition. L'élu qui a aussi rappelé l'approbation unanime de ces règlements litigieux par le conseil municipal, pressé de régulariser la situation de la commune vis-à-vis de l'entrepreneur pour récupérer les ouvrages finis au plus vite, sur fond d'élections municipales à venir.

Jacques Cadet, l'entrepreneur qui a mené le chantier, a quant à lui écopé de 12 mois de prison avec sursis et 5 millions de francs d'amende pour recel de l'infraction. Le chargé d'étude Yves Cogoni, ancien expert judiciaire, est condamné à 4 mois de prison avec sursis et 500 000 francs d'amende.


Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 13 Décembre 2016 à 12:11 | Lu 4124 fois