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Richard Tuheiava : sanction confirmée en Cassation sur fond d’inquiétude pour la profession


(photo d'archives) Richard Tuheiava et maître Miguel Grattirola
(photo d'archives) Richard Tuheiava et maître Miguel Grattirola
PARIS, 17 octobre 2012 -- La première chambre civile de la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Richard Tuheiava contre l’arrêt rendu le 17 février 2011 par la cour d’appel de Papeete confirmant la sanction disciplinaire prononcée en novembre 2009 à l'encontre du sénateur de Polynésie française, avocat de profession, lui interdisant d’exercer son métier pour deux ans dont un an avec sursis.

>Le sénateur Tuheiava interdit d'exercer la profession d'avocat

Mais cette décision de la cour de cassation ébranle, dans ses attendus, selon le sénateur de la Polynésie française, la notion même de secret professionnel des cabinets d’avocats, en créant une jurisprudence appuyée sur le concept nouveau d’"impérieux devoir".

Richard Tuheiava avait notamment motivé son pourvoi en dénonçant une démarche inquisitrice effectuée dans son cabinet par maître Jacquet, bâtonnier par intérim de Papeete, en 2008, en son absence et à son insu, afin d’y "réaliser des opérations de contrôle et de renseignements".

Le rapport ainsi constitué par le bâtonnier avait servi de base, en septembre 2008, à l’ouverture d’une procédure disciplinaire décidée par le conseil de l’ordre des avocats de Papeete. Etaient prononcée ensuite la sanction disciplinaire de novembre 2009, confirmée en février 2011, alors que les éléments reprochés à Richard Tuheiava avaient été recueillies par le bâtonnier "en violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des droits de la défense".

La cour de cassation a confirmé que "cette visite (...) loin d'être critiquable, constituait pour le bâtonnier un impérieux devoir" et que "régulière l'enquête déontologique n'a pu entacher la validité de la procédure disciplinaire".

Interrogé au sujet de cette décision, maître Miguel Grattirola, avocat à Papeete, ne cache pas son inquiétude quant au respect du principe du secret professionnel des avocats : "Cet arrêt remet en question la confiance que l’on peut avoir dans l’appareil judiciaire. Il porte une atteinte considérable à la profession d’avocat. Le cabinet d’avocat est un lieu secret, un lieu qui doit être protégé, et dans lequel personne ne doit pourvoir s’introduire sans accord. C’est fondamental. Là, un bâtonnier par intérim s’est introduit dans le cabinet de Richard Tuheiava, sans l’accord de l’intéressé et s’est fait remettre des documents qui étaient couverts par le secret professionnel. Et la cour de Cassation vient de dire que cela était légitime. On est dans un contexte qui est extrêmement inquiétant. C’est pour cela que je prétends que cet arrêt fissure la confiance que l’on peut avoir envers la cour de cassation. Le système judiciaire peut dysfonctionner : il est en train de dire qu’un simple particulier – puisqu’un bâtonnier n’est pas détenteur de la puissance publique – peut légitimement s’introduire sans l’accord de l’intéressé dans le local du cabinet d’avocat et prendre connaissance de documents lorsque cette démarche constitue pour lui un « impérieux devoir ». C’est la formule, qui peut-être fera jurisprudence ; un concept nouveau… A mon sens ce concept ne pourra pas se maintenir. Je crois que cela est très dangereux, il s’agit d’une atteinte au secret professionnel de l’avocat.."

Richard Tuheiava a diffusé un communiqué de presse



Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 18 Octobre 2012 à 17:56 | Lu 3632 fois