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Les aires marines éducatives, une préoccupation quotidienne pour les élèves de Hakaetau à Ua pou


Les aires marines éducatives, une préoccupation quotidienne pour les élèves de Hakaetau à Ua pou
UA POU, Le 7 mars 2017 - Aux Marquises, un concept est né en 2014, celui des aires marines éducatives. Depuis, à Ua pou, les élèves s'investissent toujours plus pour protéger leur environnement. Reportage dans la vallée de Hakaetau avec Pierre Tahiatohuipokao, enseignant d'une classe de primaire multi-niveaux (CP, CE1 et CE2). Dans quelques semaines il emmènera ses élèves au Chili et à l'Île de Pâques pour partager l'expérience.

Qu'est-ce qu'une aire marin éducative, que faites-vous pour elle tous les jours? "On apprend la nutrition, le mode de vie, la reproduction, les déplacements des poissons" répètent à l'unisson les élèves de la classe de Pierre Tahiatohuipokao. "On va voir les poissons dans la baie, on a même vu une murène un jour. On a mis un drapeau pour que les pêcheurs n'aillent pas pêcher."

Dans la vallée de Hakaetau, à Ua pou, l'aire marine éducative n'est pas qu'un simple concept. C'est une sensibilisation concrète au milieu, une prise de conscience globale du fonctionnement et des menaces qui pèsent, une réflexion autour des moyens à mettre en œuvre pour protéger en amont et en aval les eaux nourricières de l'île.

Un concept marquisien

Les aires marines éducatives sont nées aux Marquises en 2014. Une conférence de presse s'est tenue le 21 août de cette année pour présenter le concept. Six aires marines éducatives ont vu le jour à cette occasion, une dans chaque île de l'archipel. Il s'agit, selon l'agence française pour la biodiversité, "d'une zone maritime littorale gérée de manière participative par une école ou un groupe d'élèves". C'est "une démarche de gestion participative impliquant des élèves autour d'un projet d'action citoyenne de protection et de gestion du milieu marin".

L'implication et les actions vont crescendo depuis le lancement. Pierre Tahiatohuipokao emmène ses élèves dans la baie, certains plongent, d'autres apprennent à nager pour pouvoir enfiler masque et tuba. "Depuis quelques années, on voit que le stock de poissons s'épuisent. Les élèves, il y a un an, ont assisté en direct ou presque au blanchiment des coraux qui a fait suite au dernier épisode El niño." Pour le professeur, 60% du corail est mort à ce moment-là.

Quand ils rentrent chez eux, en famille, le soir ou le week-end, ils pointent du doigt les écarts aux règles établies au niveau de l'aire marine éducative. Dans une moitié de la baie, la pêche n'est pas autorisée. "Ils sont mes yeux, ils sont les premiers à dire ce qui ne va pas."

Les sanctions après la sensibilisation


Une nouvelle étape a été franchie il y a quelques semaines. La classe a réfléchi aux sanctions possibles. "On a parlé de Rapa et de la façon dont le conseil des sages gèrent les cas de non-respect au rahui, ils coupent l'électricité, c'est une piste que nous avons retenu. Nous avons aussi pensé confisquer les affaires de pêche, donner une amende qu'il a fallu estimer. Tout cela a donné lieu à de nombreuses discussions en classe ainsi qu'avec les pêcheurs et les membres de la société civile." Les élèves vont faire part de leurs conclusions au conseil municipal.

Mais qui pour verbaliser? "Nous nous sommes arrêtés sur une équipe composée de deux enfants, un gendarme ou mutoi, un représentant communal." Bientôt, la classe devrait faire une demande pour étendre la surface de l'aire marine éducative. Pierre Tahiatohuipokao parle par ailleurs de bouturage de corail.

Les élèves de la baie de la vallée Hakaetau on fait part de leurs travaux aux habitants de vallées proches. La sensibilisation fait partie du concept. "Les enfants parlent aux enfants à cette occasion, ça leur permet de gagner en confiance et de prendre conscience que le projet a des répercussions ailleurs que sur la seule baie qu'ils voient." L'environnement est un tout. Dans cette optique, bientôt, une dizaine d'élèves se rendra au Chili et à l'Île de Pâques.

Pierre Tahiatohuipokao, enseignant d'une classe de primaire multi-niveaux (CP, CE1 et CE2), il mène le projet d'aire marine éducative.
Pierre Tahiatohuipokao, enseignant d'une classe de primaire multi-niveaux (CP, CE1 et CE2), il mène le projet d'aire marine éducative.

Les aires marines éducatives, une préoccupation quotidienne pour les élèves de Hakaetau à Ua pou
"Tous les élèves passent par Hakahau"

Jacob Kahia, responsable du Centre scolaire primaire de Hakahau espère faire naître une nouvelle aire marine éducative à Ua pou. Après Hakaetau, il aimerait en mettre une en place dans la baie de Hakahau. Les démarches ont commencé et les validations sont en cours. Toutefois il reste à définir la zone et réaliser un état des lieux de l'existant pour confirmer le projet. "J'aimerais qu'on fasse une aire éducative dans la baie de Hakahau car tous les élèves passent par-là. Les enfants peuvent débuter leur scolarité dans les vallées, où qu'ils soient, mais ils ont obligé de venir à Hakahau après le CE2. C'est un dossier qui me tient à cœur car les élèves, impliqués dans la gestion d'une aire marine éducative, deviennent des relais. Ils découvrent le milieu marin, y sont sensibilisés et cherchent ensuite à la protéger à l'école et en famille. Ils font qu'on arrive à ce que les enfants gèrent eux-mêmes leur environnement."


Le concept prend racine ailleurs dans le monde

Nées aux Marquises, les aires marines éducatives se déploient maintenant dans les eaux métropolitaines et dans les départements d'outremer. À la fin de l'année scolaire 2016-2017, huit initiatives pilotes devraient obtenir le label officiel aire marine éducative (en métropole, Martinique, Guadeloupe, à la Réunion et à Mayotte). D'autres écoles pourront ensuite s'inscrire en vue d'une labellisation au printemps 2018.

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 7 Mars 2017 à 10:52 | Lu 1794 fois