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La Légende de Tafa'i


Tritype, trois tableaux assemblés de Bobby Holcomb, représentant le début de la légende de Tafa’i : les amants Hina et Monoihere, Nona la mère cannibale, la mort de Nona.
Tritype, trois tableaux assemblés de Bobby Holcomb, représentant le début de la légende de Tafa’i : les amants Hina et Monoihere, Nona la mère cannibale, la mort de Nona.
MAHINA, le 19 février 2016. Tahiti Heritage, vous raconte cette semaine, les premiers amours de la douce Hina, avec le beau Monoihere, le mariage de Hina et les aventures de son fils Hema et de son petit fils Tafa’i, l’un des héros mythique de la culture polynésienne.

NONA LA SAUVAGEONNE

Au pied de la grande falaise de Tahara’a, se trouve un tunnel que les personnes pouvaient utiliser à marée basse et qui leur évitait de faire le tour de la colline. Dans cette grotte, connue jusqu’à maintenant sous le nom de « cachette de Nona », vivait une femme sauvage du nom de Nona. Elle avait de longues dents de carnivore et une terrible passion pour le cannibalisme, et pour cela était surnommée Vahine’ai ta’ata (la femme mangeuse d’homme). Dans sa jeunesse, elle attaquait les passants et les tuait, pour les cuire ou tout simplement pour les manger tout crus. Mais un jour naquit en son cœur le désir de conquérir un homme, un mari. Elle en épousa un et quelques temps plus tard naquit une ravissante petite fille à qui elle donna le nom de Hina.
Quant elle eut mis au monde cet être cher, elle prit le temps d’admirer la beauté de la nature. Elle réalisa qu’elle devait donner à son enfant tous les produits de la terre et de la mer, mais pas de chair humaine. Alors tous les jours, elle se rendait dans la vallée de Ahonu à la recherche de fruits et légumes et au récif pêcher du poisson pour sa fille.

LES AMOURS DE HINA ET MONOIHERE

Lorsqu’elle devint une jeune fille, Hina, allait souvent se baigner dans un lieu retiré appelé Orofara où se trouvait la source Vaipi’ihoro, qui remplissait un bassin qui s’appelle encore de nos jours Te hopura’a vai o Hina (le bain de Hina). A cause de la limpidité de l’eau, c’était un lieu où Hina aimait s’admirer, se baigner, s’allonger de tout son corps, adoucir son corps et sa peau brunâtre.
Non loin de ce lieu vivait un beau jeune homme,Monoihere. Tous les jours, il enduisait son corps de monoï au Tiare Tahiti. Lorsqu’il parcourait les chemins de la vallée, les feuilles des arbres se redressaient et les jeunes filles tombaient amoureuses.

Un jour, il se rendit à la source et là il vit une jeune fille aux longs cheveux qui lui tombaient jusqu’aux genoux, à la peau d’un éclat doré du rayon des premières lueurs du soleil, des yeux semblable à la beauté de la mer au sable blanc. Elle s’amusait dans l’eau et de temps en temps elle reprenait du souffle en sortant sa tête de l’eau.

Elle était si belle qu’il ne put s’empêcher de s’en approcher et de la courtiser avec insistance.

Hina sortit de l’eau, s’assit sur un rocher, se couvrit, et regarda l’homme qui se trouvait en face d’elle. Le désir naquit soudain en elle, car c’était la première fois qu’elle voyait un homme, et elle se demandait d’où sortait celui-ci et que faisait-il là.

Monoihere posa une main sur son épaule alors que l’autre main caressait les cheveux de Hina. Elle recula brutalement tout en le repoussant. Ils se mirent alors à se chamailler et Hina fut lacérée par les épines des rosiers sauvages. Monoihere s’empara doucement de Hina, prit du citron et nettoya et pansa les plaies de sa belle.

LA GROTTE DE MONOIHERE

L’amour prit forme entre ces deux êtres. Hina ne voulait plus rentrer chez elle. Mais Monoihere connaissait bien l’histoire de Nona, et dit à Hina, « il te faut rentrer chez toi » sans omettre de lui donner rendez-vous dans une grotte qui se trouvait pas très loin de la source. La grotte de Monoihere, Te ana o Monoihere, avait la particularité d’être obstruée par un gros rocher, qui s’ouvrait et se fermait lorsque l’on prononçait certaines paroles.

Dès que Nona partait pêcher sur le récif de la baie de Matavai, Hina se précipitait rejoindre pour son amant qui était caché dans la grotte et lui porter un panier de nourriture. Lorsqu’elle s’en approchait, ils échangeaient les paroles suivantes :

Hina : « Mono’i-Here est l’homme et Hina est la femme ! »
Monoi Here : « Où est ta mère Nona aux dents longues ? »
Hina : « Elle est sur le long récif, sur le court récif, prenant du poisson pour nous, mon amant. O fondation de rocher ouvre-toi. »

Aussitôt le rocher s’entrouvrait pour laisser passer Hina et les deux jeunes gens restaient ensemble jusqu’à l’heure du retour de Nona. A ce moment Monoihere retournait dans sa grotte ou rentrait chez lui selon les circonstances, mais évitait en tout cas de rencontrer la mère.

LA CACHETTE DECOUVERTE

Hina rentrait chez elle en même temps que sa mère Nona qui revenait de sa pêche. Elle regarda Hina et lui dit : « Qu’est ce que tu as changée, tu n’es plus la même, je sens une odeur d’être vivant. »

Hina répondit en disant, « il n’y a point d’hommes dans notre grotte, et personne n’est venue dans notre grotte ». Nona n’insista pas, mais elle voyait que sa fille changeait.

Un jour arriva où la mère s’aperçut de la disparition d’une partie de la nourriture et décida de résoudre ce mystère. Après avoir cuit le repas elle feignit un malaise et se coucha faisant semblant de dormir profondément. Elle vit alors sa fille s’approcher avec précautions des victuailles et mettre quelques morceaux de choix dans un panier, puis s’en aller sans bruit.

Le lendemain soir, à la seconde lune, Nona partit à la pêche et alluma une torche qu’elle plaça du côte du récif frangeant, puis elle se rendit au récif des grandes vagues et y plaça une autre torche.

Hina regarda du côté de la mer, vît que les torches brûlaient et se dirigea tranquillement vers la grotte de Monoihere. Pendant ce temps, Nona revint vers la grotte pour guetter les mouvements de sa fille. Lorsque Nona eut compris le chemin que prenait sa fille, elle prit un raccourci et, arrivant avant elle au lieu du rendez-vous, elle grimpa dans un pua (Fagraea berteroana) de façon à pouvoir entendre et voir sans être aperçue. Nona, ignorant l’existence de la grotte, fut bien étonnée de ce qu’elle vit. Elle se répéta les paroles magiques pour s’en souvenir et demeura immobile jusqu’à ce que les amants se fussent séparés, puis descendant rapidement de l’arbre elle rentra chez elle et se recoucha avant le retour de la jeune fille.

Le lendemain, Nona prit congé de sa fille en lui disant qu’elle allait confectionner des torches pour pêcher la nuit. Elle se rendit en réalité à la cachette du jeune homme et, debout devant la grotte, se mit à parler imitant du mieux qu’elle pouvait la voix de Hina. Mais Mono’i here ne s’y trompa pas et répondit « E’ere oe o Hina, o te vahiné nihoniho roroa ra ’oe, o Nona ! » (Vous n’êtes pas Hina, mais bien Nona aux dents longues !).
Malheureusement elle avait appris les paroles magiques et s’écria «Te tumu o te papa e, vahia ! » (O fondation de rocher ouvre-toi !).

L’HORRIBLE TRAGEDIE

La grotte s’ouvrit et Nona y entra. Monoihere regarda et vit Nona, la femme sauvage. Il ne pouvait plus rien faire, ni même s’enfuir, car cette femme était dotée d’une puissance et d’une rapidité extraordinaire semblable à l’éclair. Elle s’empara du jeune homme et le tua, pris son cœur et le jeta par terre, et retourna à sa pêche.

Peu de temps après Hina arriva, et comme la porte était ouverte elle pénétra à l’intérieur et découvrit l’horrible tragédie et réalisa que sa mère était au courant de cette aventure. Elle chercha le cœur du jeune homme et l’ayant trouvé, constata qu’il battait encore. Elle le plaça sur son cœur et, guidé par lui, rentra chez elle pour agir. Profitant de l’absence de sa mère, elle prit un tronc de bananier et le plaça dans son lit pour imiter son corps et installa sur l’oreiller un ’a’ano (gourde faite d’une noix de coco) pour imiter sa tête. Elle recouvrit le tout de tapa et s’enfuit vers la Pointe Vénus. Là, toujours guidée par le cœur battant de son amant, elle se rendit à la demeure d’un jeune chef appelé No’a (Odeur suave), bien connu dans la région parce qu’il était extrêmement velu, quoique de belle prestance, elle fut bien accueillie par toute la maisonnée.

LA FIN DE NONA

Lorsque Nona rentra chez elle, elle prépara le repas du soir et appela sa fille pensant qu’elle reposait, mais elle ne reçut pas de réponse. Après avoir appelé plusieurs fois elle entra dans une violente colère et menaça sa fille de la dévorer. Ne recevant toujours pas de réponse, elle s’écria au comble de la fureur : « Tera mai au, e Hina, ua pau oe ia ’u ! » (J’arrive, ô Hina, tu seras dévorée par moi !) et se précipitant sur le lit, mordit le tronc à travers le tapa , à sa grande surprise, elle constata que sa fille avait été plus rusée qu’elle et s’écria « A ua ora ’oe ! » (Ah tu t’es échappée !).

Le lendemain de bonne heure Nona partit à la poursuite de sa fille et réussit à retrouver ses pas jusqu’à la maison du chef. Voyant Hina, elle se précipita sur elle mais le chef s’interposa et, après une lutte violente, réussit à étrangler Nona et c’est ainsi que se termina son existence.

LE MARIAGE DE HINA


Quelque temps après ces événements Hina épousa celui qui l’avait protégée et délivrée, elle donna naissance à deux fils nommés Pûa’ari’i tahi et Hema. Les deux garçons devinrent de beaux adolescents et étaient des surfeurs émérites. Un jour qu’ils se préparaient à sortir pour pratiquer leur sport favori, Hina demanda à son fils aîné Pua’ari’i tahi de lui peigner les cheveux et comme il refusait elle lui dit « Ah ! ta femme ne sera pas une personne de haut rang ». Elle demanda ensuite la même chose à Hema et celui-ci accepta avec empressement. Tandis qu’il peignait ses longues tresses et les tressait, il aperçut un pou qu’il montra à sa mère, celle-ci lui dit alors « Ta femme sera une personne de haut rang ».

HEMA, RENCONTRE HINA LA MAGICIENNE

Un jour Hina dit à son second fils Hema de se rendre le matin de bonne heure sur la rive Est de la Vai-po’opo’o (Rivière creuse), à la Pointe Vénus, et d’y creuser un trou dans lequel il se cacherait. Il verrait alors une femme merveilleuse venant de la région des Ténèbres pour s’y baigner. Elle serait très vigoureuse et il faudra qu’il la saisisse par les cheveux et dépasse quatre maisons en la portant avant de lui laisser toucher terre.

A la pointe du jour Hema exécuta ces instructions et, au bout de peu de temps, il vit arriver la déesse. Elle plongea dans l’eau, nagea, puis remontant sur la rive, laissa sécher ses longs cheveux. Comme elle se trouvait à cet instant tout près de Hema, celui-ci, lui saisit les cheveux, les enroula autour de son poignet et l’emporta alors qu’elle se débattait vigoureusement. Après être passé devant deux maisons elle le supplia de la lâcher. Il le fit pensant qu’elle marcherait à ses côtés, mais à peine avait-elle posé les pieds à terre qu’elle disparut dans un trou qui se referma sur elle. Bien triste, il rentra chez lui et sa mère lui conseilla de recommencer le lendemain en prenant bien soin cette fois de passer devant quatre maisons avant de la lâcher. Son désir de s’emparer de cette femme magnifique était tel qu’il ne put manger de toute la journée. Le lendemain matin la déesse vint plus tôt pensant échapper à son ravisseur, mais Hema était déjà là et l’attendait. Se précipitant sur elle, il la prit dans ses bras et l'emporta d’une traite jusque chez lui.

Elle décida de rester avec lui car elle s’était attachée à lui et ne désirait plus repartir. Le nom qui lui fut donné dans ce monde était Hina tahutahu (Hina la magicienne) à cause de son origine surnaturelle et la possibilité qu’elle avait de faire des choses merveilleuses telles que guérir les malades, lire dans la pensée des gens et de prédire l’avenir.
Elle donna à Hema deux enfants, Arihi nui apua et un enfant blond et géant qui était velu comme son grand-père et reçut le nom de Tafa’i.

TAFA’I, LE PETIT FILS DE HINA

Dès son plus jeune âge, Tafa’i montra qu’il avait hérité des pouvoirs surnaturels de sa mère et qu’il était en contact permanent avec les Dieux. La tendre enfance de ces deux garçons se passa agréablement à jouer avec leurs cousins et d’autres enfants, leurs jeux étaient la toupie, les petits bateaux à voile, le jeu de balle, les bains et la natation.

Alors que Tafa’i n’était encore qu’un adolescent sa mère lui transmit tout son pouvoir magique dont il se pénétra en ouvrant la bouche au-dessus de la tête de sa mère.

Tafa’i sillonna l’océan et pêcha les îles une à une jusqu’à celle de Hawaï grâce à ses pouvoirs surnaturels. Il est un des héros mythique de la culture polynésienne.

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La source Vaipi’ihoro sépare les deux communes de Mahina et Papenoo. C’est à cet endroit, peu après le virage du village de Orofara, que les mamas des deux communes se rencontraient pour se baigner. A cette époque, les femmes se laissaient glisser sur l’eau de la source jusque la mer. Malheureusement, avec les agrandissements successifs de la route de ceinture, la source n’a pas été aménagé correctement et ressemble plutôt à un caveau humide. Photo Tahiti Heritage
La source Vaipi’ihoro sépare les deux communes de Mahina et Papenoo. C’est à cet endroit, peu après le virage du village de Orofara, que les mamas des deux communes se rencontraient pour se baigner. A cette époque, les femmes se laissaient glisser sur l’eau de la source jusque la mer. Malheureusement, avec les agrandissements successifs de la route de ceinture, la source n’a pas été aménagé correctement et ressemble plutôt à un caveau humide. Photo Tahiti Heritage

L’entrée de la grotte de Monoihere à Orofara a été coupée lors de l’agrandissement de la route de ceinture par l’Equipement sans aucun respect de l’histoire du fenua. Actuellement, derrière les branches d’un Tamanu, à cinq mètres de hauteur, on ne peut voir qu’un tunnel, un lavatube. Françis Sanford, qui a visité la grotte de Monoihere dans les années 1960, a parcouru 200 mètres sous terre, mais n’a pu aller plus loin car un rocher bloquait le passage. Il signale toutefois que la galerie qui s’apparente à un lavatube continue bien au delà.  Photo Tahiti Heritage
L’entrée de la grotte de Monoihere à Orofara a été coupée lors de l’agrandissement de la route de ceinture par l’Equipement sans aucun respect de l’histoire du fenua. Actuellement, derrière les branches d’un Tamanu, à cinq mètres de hauteur, on ne peut voir qu’un tunnel, un lavatube. Françis Sanford, qui a visité la grotte de Monoihere dans les années 1960, a parcouru 200 mètres sous terre, mais n’a pu aller plus loin car un rocher bloquait le passage. Il signale toutefois que la galerie qui s’apparente à un lavatube continue bien au delà. Photo Tahiti Heritage

Rédigé par TAHITI HERITAGE le Vendredi 19 Février 2016 à 13:50 | Lu 4353 fois