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L'avenir de la Polynésie passe par la mer


Patrick Galenon a réalisé un rapport très apprécié par ses collègues au CESC
Patrick Galenon a réalisé un rapport très apprécié par ses collègues au CESC
PAPEETE, le 22 janvier 2015 - Le développement économique de notre territoire ne peut pas négliger la mer. Un rapport très complet du CESC, adopté à l'unanimité mercredi dernier par le Conseil économique social et culturel, quatrième institution du Pays, étudie toutes les pistes liées à nos lagons et à notre océan, du tourisme au poisson en passant par l'énergie. Nous commençons à l'analyser avec trois thèmes tirés du rapport : la perliculture, l'aquaculture et les ressources minières.


Le CESC étudiait mercredi dernier un rapport rédigé par deux experts de la mer, membres du CESC : Patrick Galenon (représentant les syndicats au CESC mais aussi océanographe de formation) et Winiki Sage (représentant plusieurs associations de défense de l'environnement).

Le document de 132 pages qui a nécessité 51 séances de réunions, neuf mois de travail et l'audition de "pas moins de 65 personnalités qualifiées du monde économique, social, culturel et politique" fait le point sur les menaces (réchauffement climatique en tête) mais aussi toutes les ressources de notre océan et de nos lagons : pêche, aquaculture, perle, métaux et minerais, tourisme, énergie… Il en tire à chaque fois un bilan et des propositions. "C'est important car nous avons un patrimoine colossal qu'il faut pouvoir gérer, même s'il n'y a pas d'Eldorado. Il y a des technologies que nous n'avons pas mais que des grandes puissances, en Amérique, Europe ou Asie peuvent nous apporter, et dont nous devons nous rapprocher" assure Patrick Galenon.

Jean-François Wiart (médecin représentant les travailleurs indépendants) assure avoir travaillé pendant 60 heures sur ce document avec la commission sur l'Aménagement du Territoire du CESC, et il est laudatif : "c'est vraiment un travail remarquable, c'est la première fois que je vois un rapport aussi intéressant passer par le CESC. La première phase du développement la Polynésie était apportée par le nucléaire, et avec ce rapport on voit bien que la deuxième phase passera par la mer."

La Perle : essayer de contrôler les prix sur le marché mondial

Deuxième activité de la Polynésie derrière le tourisme, et vecteur de développement dans les Tuamotu et les Gambier, la perle de culture a commencé à être exploitée dans nos îles dès les années 60. Mais dans les années 2000, le secteur est entré en crise.

Selon le rapport, même si des épidémies et la crise mondiale ont mis le secteur en difficulté, l'origine de la chute incontrôlable des prix remonte à l'année 1990 et à la libéralisation des concessions maritimes. Les petites structures se sont multipliées, et l'arrivée de greffeurs chinois inexpérimentés mais 7 à 10 fois moins chers que les greffeurs japonais a provoqué une explosion du nombre d'exploitations et du volume de perles produites et exportées. Le prix de la perle a été divisé par 10 dans la première décennie du millénaire et son image s'est dégradée.

Les solutions préconisées par le CESC :

Prenant exemple sur des oligopoles de (mauvaise) renommée mondiale comme l'OPEP (alliance des pays producteurs de pétrole), De Beers (qui maintient le prix des diamants à un niveau élevé malgré leur relative abondance) ou des quotas australiens sur leurs perles, le rapport préconise de contrôler les quantités mises sur le marché pour influer sur les cours et maximiser le profit potentiel.

Il s'agirait de mettre en place "une à trois structures capables d'imiter le comportement d'un acheteur unique" pour contrôler les ventes à l'export, et de limiter la production de chaque perliculteur. En parallèle, des mesures pour améliorer l'organisation de la filière et la qualité du produit sont suggérées.

L'aquaculture a le vent en poupe

La filière aquacole existe en Polynésie depuis les premières fermes de perliculture. Aujourd'hui, elle inclut aussi la chevrette, le bénitier, le paraha peue… Mais aucune n'a vraiment pris beaucoup d'ampleur, regrette le rapport.

Mais l'explosion du secteur viendra sans doute du projet chinois à Hao, où 150 milliards Fcfp seront investis par Tian Rui dans les 15 ans, avec l'objectif de produire jusqu'à 50 000 tonnes de mérous et de napoléons par an.

Recommandations du CESC :

Pour développer les activités déjà existantes, de nombreuses contraintes réglementaires devraient être allégées et la poursuite des marchés asiatiques devrait être intensifiée.
Par contre, le manque d'informations techniques sur le projet chinois à Hao, en particulier sur les mesures pour préserver les lagons des Tuamotu des effets néfastes de la pollution des fermes et de l'introduction de farines de poisson étrangères, "est angoissante et c'est pourquoi le CESC recommande la plus extrême prudence et une vigilance du Pays dans la conduite de cette opération à terme."

Des ressources minières bientôt exploitables… avec un peu d'aide

Les technologies d'exploitation de Nautilus Minerals sont en test en Papouasie
Les technologies d'exploitation de Nautilus Minerals sont en test en Papouasie
Le potentiel minier de Polynésie se regroupe, sur terre, autour du phosphate de Makatea et Mataiva et des terres rares de Tahaa. Mais l'impact environnemental des exploitations à Makatea, où 11 millions de tonnes ont été extraites en 55 ans avant que l'île soit abandonnées avec un tiers de sa surface criblée de trous énormes, provoque une réticence de certains habitants et des associations écologistes.

Les ressources marines profondes sont de différents types, plus ou moins exploitables. Des études anciennes indiquent que la Polynésie pourrait avoir ces ressources non renouvelables en abondances, et une nouvelle étude scientifique lancée en juillet 2014 et financée par l'Etat et le Pays devrait faire un point complet qui sera révélé fin 2015.

Les recommandations du CESC :

Concernant les ressources en eaux profondes, le Conseil met en garde contre "des sanctuaires marins ou des aires marines protégées mal gérés (qui) ne doivent surtout pas faire obstacle (…) aux possibilités d'exploration et d'exploitation futures". Il recommande aussi de faire évoluer le statut de 2004 pour assurer le contrôle de la Polynésie sur une éventuelle extension de notre ZEE de presque un million de km² suite à la demande d'extension du plateau océanique. Il faudra aussi se rapprocher des entreprises et pays qui maîtrisent les techniques d'exploitation de ces ressources, ce qui passe par des robots très high tech.

Concernant le phosphate et les terres rares, ce sont les aspects environnementaux et la protection des îles qui prennent la priorité pour le CESC, qui ne veut pas refuser l'exploitation de ces millions de tonnes de ressources dont les prix s'envolent sur les marchés internationaux.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 22 Janvier 2015 à 17:20 | Lu 2087 fois