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L'appel de détresse des APRP pour les travailleurs handicapés


Michel Gay, président et fondateur des APRP
Michel Gay, président et fondateur des APRP
PAPEETE, 22 juin 2015 – Les Ateliers pour la réinsertion professionnelle des personnes handicapées (APRP) adressent une lettre ouverte au Président Edouard Fritch. La seule entreprise polynésienne adaptée est aujourd'hui sous la menace imminente d'une cessation de paiement.

"Nous avons beaucoup d'incertitudes sur les possibilités de financement des APRP. Aujourd'hui, nous n'avons toujours aucune garantie sur l'attribution des subventions qui sont nécessaires à notre fonctionnement. (…) Si aucun soutien ne nous est apporté avant la fin juillet, nous seront contraints d'envisager une procédure de redressement judiciaire", annonce gravement Michel Gay, le président des Ateliers pour la réinsertion professionnelle des personnes handicapées (APRP), qui agit à titre bénévole. "Trente familles sont concernées". Par une lettre ouverte présentée lundi à la presse, les APRP interpellent le Président Edouard Fritch pour dénoncer cette situation.

Basés à l'entrée de la vallée de Titioro, à Papeete, APRP est une entreprise adaptée prévue par le code du travail pour œuvrer en faveur de l'insertion des travailleurs handicapés, dans le monde ordinaire du travail. L'entreprise fait du conditionnement, du façonnage, de la reprographie pour des sociétés tierces et du démantèlement de déchets électroniques. Elle accueille aujourd'hui 18 travailleurs en CDI et une dizaine de stagiaires.
Mais en dépit d'un statut juridique de droit privé, l'entreprise réalise une mission d'ordre solidaire, en employant des personnes handicapées. APRP reçoit à ce titre de l'aide de la part du Pays. C'est ce soutien financier qui tarde à venir en dépit de multiples démarches que prétend avoir effectuées l'entreprise auprès du ministère du Travail.

Fonds pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés

"On se bat contre des silences", déplore le directrice des APRP, Candice Simier, face à l'indifférence apparente des autorités publiques. Un "silence" contesté au demeurant par le Pays. Contacté dans la matinée de lundi, la Présidence affirme que la première tranche de la dotation est en cours de versement. Et que les retards sont liés à la fourniture tardive, en avril dernier, de justificatifs relatifs à la subvention 2014. La Présidence assure qu'une première subvention d'aide au poste de 21,114 millions Fcfp doit être visée par le Commission de contrôle budgétaire et financier (CCBF) tandis qu'une aide au développement de 27,4 millions Fcfp doit encore faire l'objet d'un avenant à la convention 2015-2018 signée par les APRP avec le Pays en janvier. Reste une troisième aide de 7,4 millions Fcfp l'an, payée directement aux salariés des APRP par le Pays qui prend en charge 80% de leur salaire.

APRP doit faire face à 65 millions Fcfp de dépenses annuelles tandis que son chiffre d'affaires annuel plafonne à 40 millions. "Il faut avouer qu'il y a un vrai problème de gestion", commente un observateur. Mais pour Candice Simier, la situation est simple : "On ne peut pas être une structure qui accueille les plus fragiles et en même temps courir un marathon et souhaiter le gagner".

Les APRP bénéficient d'un agrément délivré par le ministère des Affaires sociales pour l'accueil de travailleurs handicapés reconnus pour tels par la Commission d'orientation technique et de reclassement professionnel (Cotorep). L'entreprise adaptée œuvre en outre dans le cadre d'une convention triennale, dont la dernière en date a été signée avec le Pays en janvier 2015. Cet accord-parties détermine la mission de réinsertion et de resocialisation de ces travailleurs. Mission en contrepartie de laquelle le ministère s'engage à verser deux types de subventions aux APRP. Ce soutien financier est prélevé sur le Fonds pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés (FIPTH), alimenté par les entreprises polynésiennes qui l'obligation légale d'embaucher des personnes handicapées. En 2014, le Pays avait versé aux APRP 21,1 millions Fcfp au titre de la prise en charge directe de ses 18 employés et 27,5 millions Fcfp pour l'aide au développement de l'entreprise. L'entreprise adaptée croit pouvoir compter avec au moins les mêmes montants de subvention en 2015.

Communiqué du ministère du Travail sur la situation des APRP

La ministre en charge des solidarités, Tea Frogier, souhaite répondre aux assertions de la direction des APRP tendant à faire croire que ces ateliers sont victimes d’une mécanique administrative qui les exclut de toute possibilité de se comporter en bon gestionnaire
L’insertion des travailleurs handicapés dans le monde du travail est une priorité du gouvernement et tout particulièrement du ministère en charge des solidarités.
Les établissements de travail protégés qui ont pour fonction d’employer des travailleurs handicapés bénéficient de subventions de la Polynésie française via le Fonds pour l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés (FIPTH). Les modalités d’intervention en faveur de ces établissements sont définies par le code de travail qui stipule la signature d’une convention d’objectifs entre la société bénéficiaire et le Pays.
A ce titre, l’APRP bénéficie d’un soutien financier très substantiel de la Polynésie française pour accomplir cette mission d’intérêt général. L’entreprise perçoit en effet deux types de subvention : une aide au poste permettant la prise en charge partielle (80%) du salaire des travailleurs reconnus handicapés et une aide au développement liée aux conditions d’encadrement, de suivi social de ces travailleurs. L’APRP a ainsi bénéficié d’un soutien financier d’un montant de 48 539 614 Fcfp en 2014, soit une aide mensuelle de 225 000 Fcfp par travailleur handicapé.
L’entreprise s’est par ailleurs vue accorder une quinzaine de stagiaires STH, dont les indemnités sont prises en charge à 100 % par la Polynésie française (budget FELP-SEFI), ce qui représente une aide supplémentaire de 7,38 millions Fcfp à l’entreprise.
En 2014, la somme des subventions représente 55% des ressources de cette entreprise de droit privé qui œuvre, il y a lieu de le souligner, dans un domaine concurrentiel (le chiffre d’affaires n’étant que de 39,2 millions Fcfp).
Il convient en effet de rappeler que l’APRP exerce une activité économique de prestations de services sous le statut de société par action simplifiée unipersonnelle (SASU). Inscrite au registre du commerce, l’APRP n’est donc pas un établissement sous la tutelle du ministère du Travail.
Malgré les efforts très conséquents du Pays, l’obligation d’insertion annuelle de 20 % de ses travailleurs handicapés n’a jamais été atteinte. Aucun travailleur handicapé n’a fait l’objet d’une insertion en 2013 et en 2014. Pourtant, la convention n’a jamais été dénoncée et les subventions toujours versées malgré ce manquement.

Pour mémoire, le dossier complet se rapportant à la demande d’aide au poste n’a été réceptionné à la direction du travail que le 28 avril dernier. Le 21 mai 2015, l’APRP informait la direction du travail de l’impossibilité de fournir des éléments justificatifs permettant de fixer un montant d’aide au développement prévisionnel.

Le ministère du Travail, qui a à cœur de permettre la pérennité de cette entreprise, s’attache à garantir le versement des subventions qui lui sont accordées dans les délais les plus diligents. Il appartient à la direction de l’APRP d’analyser les difficultés structurelles auxquelles elle est confrontée de façon à permettre la mise en œuvre de mesures d’assainissement ayant pour objectif de maintenir l’activité de l’entreprise.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 22 Juin 2015 à 12:14 | Lu 1136 fois