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Décolonisation : le débat porté à l'Onu


(Crédit photo : la présidence)
(Crédit photo : la présidence)
PAPEETE, le 3 octobre 2017 - Le sujet a été abordé à New-York, ce mardi, dans l'enceinte des Nations unies. Le président du Pays, Edouard Fritch, et 15 élus indépendantistes ont exposé leurs points de vue sur la situation du territoire.

Deux visions de la Polynésie se sont affrontées ce mardi à l'Onu. Une opposition qui dure depuis des années et qui s'est exportée, pour la deuxième fois, ce mardi, à la tribune des Nations Unies.

Le président du Pays, Edouard Fritch, et 15 élus indépendantistes ont fait le déplacement jusqu'à New-York pour s'exprimer devant la Quatrième commission des Nations Unies, en charge des questions de décolonisation. Le 17 mai 2013, l’ONU a adopté une résolution qui a placé la Polynésie française sur la liste des 16 territoires à décoloniser, affirmant ainsi le droit inaliénable de la population à l’autodétermination et à l’indépendance. L’Etat français, qui n’avait pas pris part au vote, a, depuis, contesté cette décision.

Ce mardi matin, à New-York, les élus polynésiens ont à nouveau débattu de la question de la décolonisation. Le match était quelque peu déséquilibré. Edouard Fritch, président du Pays, était le seul du camp autonomiste face à 15 indépendantistes.

Cette infériorité numérique n'a pas empêché le président de réaffirmer sa position : " Je suis heureux d'être à nouveau à cette tribune pour vous démontrer que la Polynésie française est un véritable Pays autonome et qu'elle n'est pas sous domination coloniale."

"JE VEUX UNE POLYNÉSIE MODERNE"

Pour défendre cette position, Edouard Fritch a rappelé que le 8 septembre dernier, le Pays a siégé en tant que "full member" au Forum des îles du Pacifique. i["C'est le résultat de 13 années d'observations et d'analyses de la situation institutionnelle et politique de la Polynésie française par les instances du Forum dont vous connaissez le sérieux, a souligné Edouard Fritch. Si mon Pays n'était pas autonome, le Forum des Iles du Pacifique, n'aurait jamais accepté d'intégrer la Polynésie française en son sein [...]" ]i

Selon Edouard Fritch, c'est ce paramètre que le comité des 24 doit intégrer dans sa perception de la Polynésie française. Dans son discours, il s'est insurgé contre le point 6 du projet de résolution qui explique que, selon les conclusions d'une évaluation du niveau d'autonomie du territoire, le territoire ne remplit pas l'ensemble des critères d'autonomie. "L'expert qui a établi ce rapport, un certain monsieur Corbin, rémunéré par un parti indépendantiste polynésien, était assis au banc des pétitionnaires en 2016 et le sera encore en 2017. Permettez-moi donc de douter fortement de l’objectivité de ce rapport. Aurait-il plus de légitimité que moi-même ?"

Le président a poursuivi son allocution en rappelant que la Polynésie jouissait d'un large panel de compétences et que la situation économique du territoire s'était améliorée.

Enfin, il a exposé aux ambassadeurs la qualité des relations entretenues entre le France et le Pays. Il a insisté sur les réponses favorables données par le gouvernement central au polynésien quant aux essais nucléaires et à leurs effets. "Vous l'aurez compris, je veux une Polynésie moderne, attachée à sa culture et ouverte sur le monde. Après moi, 15 orateurs indépendantistes polynésiens vous dresseront, à nouveau, un tableau sombre de notre pays", a-t-il conclu.

"LA POLYNÉSIE FRANÇAISE EST ENCORE UNE COLONIE"

Stanley Cross s'est lui aussi exprimé.
Stanley Cross s'est lui aussi exprimé.
Oscar Temaru, leader indépendantiste et habitué de la tribune onusienne, a pris la parole en premier. Il s'est empressé de tacler le président du Pays : i["Le colonialisme est bien vivant au 21ème siècle. […]Il peut être défendu par un élu du gouvernement qui ne reconnait pas l'indépendance du territoire. Le colonialisme a encore de beaux jours devant lui."]i

Il a ensuite fustigé l'absence de la France dans le débat qu'il a accusé de ne pas respecter la charte des Nations unies. Le patron du Tavini Huira'atira a ajouté : "Malgré les apparences, la Polynésie française est encore une colonie", avant de critiquer le statut d'autonomie. La situation de l’aéroport de Faa’a, à Tahiti, et la nouvelle taxe sur le transport aérien, « qui rapporte beaucoup d’argent à la France », a également été soulevée.

Les 14 interventions suivantes ont abondé dans ce sens. Plusieurs élus ont critiqué le statut d'autonomie du territoire. A l'image d'Anthony Géros, président du groupe UPLD (Unis pour la démocratie) à l'assemblée : "C'est une illusion dont se berce un gouvernement qui a accepté le colonialisme."

Les indépendantistes polynésiens ont, pour la 13ème fois, rappelé leur volonté d'acquérir plus de compétences. Stanley Cross ou encore Eliane Tevahitua ont insisté sur l'importance pour le développement de la Polynésie de pouvoir disposer et gérer ses propres ressources naturelles. "La puissance administrante continue à contrôler pleinement les ressources de la Polynésie française", a affirmé l'avocat.

Le troisième point soulevé par les indépendantistes concernait les essais nucléaires. Les élus réclament les indemnités et la reconnaissance du fait nucléaire par l'Etat. Pour le député Moetai Brotherson : "Nous n'avons pas choisi d'être annexé par la France. Nous n'avons pas choisi de devenir le terrain de jeux des essais nucléaires." Pour ce dernier, la France entretient une situation de déni par son redus d'inclure la Polynésie dans la liste des territoires non autonomes. "Les choses se sont déroulées de la même manière avec l’Algérie", a-t-il signalé.

Frère Maxime, membre de l'association 193, a été le dernier à prendre la parole. Il a été le plus virulent quant à la position de la France sur la question du nucléaire.i[ "La réalité est que la Polynésie est un paradis empoisonné par l'Etat français. Les Polynésiens ont servi de cobaye […] La France doit prendre à sa charge tous les frais de maladie." ]i

Porté à l'Onu, la dimension de ce débat ne se cantonne plus seulement au fenua. Cette question sera abordée à nouveau devant l'assemblée générale de l'Onu.

Qu'est-ce que la quatrième commission?

La quatrième commission est une instance onusienne qui traite de différents sujets comme : les questions relatives à la décolonisation, aux effets des rayonnements ionisants, l'information, au maintien de la paix, au suivi des missions politiques spéciales, à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), au Comité spécial chargé d'enquêter sur les pratiques israéliennes et à la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l'espace. La Quatrième Commission examine aussi à l'action anti-mines tous les deux ans et l'Université pour la paix tous les trois ans.

C'est lors de cette commission que se préparent les questions soumises à l'assemblée générale de l'ONU. Les différentes parties sont entendues.

Rédigé par Amelie David le Mardi 3 Octobre 2017 à 17:35 | Lu 4043 fois