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Crash d'Air Moorea : la chambre de l'instruction tranchera le 25 juillet


La chambre de l'instruction a examiné ce matin l'appel des parties civiles contre l'ordonnance de non-lieu partiel rendue en mars par le juge d'instruction Thierry Fragnoli au bénéfice des anciens dirigeants des services de l'Etat de l'aviation civile.
La chambre de l'instruction a examiné ce matin l'appel des parties civiles contre l'ordonnance de non-lieu partiel rendue en mars par le juge d'instruction Thierry Fragnoli au bénéfice des anciens dirigeants des services de l'Etat de l'aviation civile.
PAPEETE, le 20 juin 2017 - Trois magistrats de la cour d'appel ont étudié, ce mardi, l'appel des parties civiles contre l'ordonnance de non-lieu partiel rendue en mars dernier par le juge d'instruction Thierry Fragnoli dans ce dossier. Les plaignants, comme le parquet général mais contre l'avis du juge, réclament en effet que toutes les personnes mises en examen dans l'affaire soient renvoyées, sans exception, devant le tribunal correctionnel. La chambre de l'instruction a mis sa décision en délibéré au 25 juillet.


Le juge d'instruction Thierry Fragnoli avait ordonné, début mars, le renvoi devant le tribunal correctionnel de six personnes mises en examen pour "homicide involontaire" dans ce dossier : Freddy Chanseau, ancien directeur général d'Air Moorea, Jacques Gobin, directeur technique, Jean-Pierre Tinomano, responsable de production, Stéphane Loisel, responsable du bureau d’étude et de documentation de la compagnie, Didier Quemeneur, contrôleur de production et qualité, et enfin la compagnie Air Moorea en elle-même en tant que personne morale.

Le magistrat avait en revanche, au plus grand désarroi de l'association des proches des victimes du crash, rendu une ordonnance de non-lieu partiel concernant Guy Yeung, en sa qualité d'ancien directeur du service d'Etat de l'aviation civile (SEAC), Andriamanonjisoa Ratzimbasafy, directeur du groupement pour la sécurité de l'aviation civile (GPSEAC) et le groupement lui-même pris dans son entité.

Les proches des victimes avaient fait appel de ces non-lieux partiels après avoir manifesté leur mécontentement en déployant une banderole à l'entrée du palais de justice de Papeete, quelques jours après la diffusion des conclusions du juge, y voyant là "une justice d'Etat qui protège ses services et notamment la direction de l'aviation civile".
"Si on présente uniquement le mécano au tribunal, on a un procès de pacotille, on n'a rien", s'était insurgé Nikolaz Fourreau, porte-parole de l'association 987. "Le système, la structure de contrôle de l'aviation civile sur la direction de l'entreprise, ne répond pas de ses fautes. Cela me semble inadmissible".

La chambre de l'instruction a mis sa décision en délibéré après trois heures de débats ce mardi matin, comme l'annonçaient vendredi nos confrères de TNTV, en présence des avocats des parties et de l'avocat général José Thorel qui, lui aussi, a requis comme lors de l'instruction le renvoi de l'ensemble des mis en examen devant le tribunal correctionnel, dirigeants des services d'Etat de l'aviation civile compris. Pour le parquet, s'appuyant sur une jurisprudence, ils ne sauraient être exonérés de leur responsabilité pénale en tant que garants de la sûreté et du respect de la réglementation par les exploitants aériens. L'enquête ouverte après le drame avait pointé de graves dysfonctionnements au sein d'Air Moorea. Les magistrats rendront leur arbitrage dans un mois, le 25 juillet.

Rappelons que la chambre de l’instruction possède une fonction juridictionnelle en matière d’appel des décisions des juridictions d’instruction du premier degré. Elle connaît notamment du contentieux de l’annulation des actes du juge d’instruction et de la réformation de ses ordonnances. Sa lecture du dossier s'imposera à l'ordonnance du juge Fragnoli et déterminera qui prendra place sur le banc des prévenus, pour un procès qui pourrait avoir lieu "au premier semestre 2018" selon Me Dominique Antz, avocat d'un grand nombre de parties civiles.

19 passagers et le pilote de ce Twin Otter d'Air Moorea avaient perdu la vie après que l'avion se soit écrasé en mer, le 9 août 2007 au décollage de Temae, en raison de la rupture d'un câble de gouverne imputable à un défaut d'inspection et de maintenance de l'avion selon les experts du bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) pour la sécurité de l'aviation civile. Une version contestée par la défense de la compagnie aérienne et ses propres expertises.

Me Simon Foreman, avocat de Guy Yeung : "Un procès qui ne peut pas être le sien"

"Nous avons demandé à la chambre de faire ce constat qu'il n'y a rien que Guy Yeung aurait pu faire qui aurait pu empêcher cet accident", a réagi à l'issue de l'audience Me Simon Foreman, avocat de l'ancien directeur du service d'Etat de l'aviation civile. "C'est un accident absolument terrible qui a traumatisé toute la communauté aéronautique au même titre que tout Tahiti et toute la Polynésie. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'un haut-fonctionnaire est responsable à chaque fois qu'il se passe un accident. Il aurait fallu montrer qu'il avait commis une faute et qu'à cause de cette faute l'accident avait eu lieu. Mais dix années d'instruction n'ont pas montré qu'il aurait commis une faute qui aurait provoqué cet accident. Je pense donc que la chambre de l'instruction devrait confirmer la décision du juge (...) Je comprends très bien que les victimes aient envie et besoin d'avoir un débat public pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé. Ce débat public va avoir lieu, puisque de toute manière un procès va être organisé. Faut-il que le représentant de l'Etat soit dans le box des prévenus alors qu'on ne lui reproche rien de particulier qui aurait contribué à provoquer cet accident ? La justice est là aussi pour statuer en droit. Il suivra ce débat, je pense que sa compassion à l'égard des victimes et de leur famille est intacte dix ans plus tard, mais cela ne justifie pas de l'obliger à être dans le box des prévenus d'un procès qui ne peut pas être le sien (...) Le parquet interprète la jurisprudence comme voulant dire qu'à chaque fois qu'il y aurait un accident d'avion, il y aurait nécessairement une responsabilité pénale du représentant de l'Etat. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne en droit pénal".

Me Dominique Antz, avocat de parties civiles : "

"Nous nous sommes associés aux réquisitions de l'avocat général (...) Nous militons pour un débat plein, complet devant le tribunal correctionnel", a confié pour sa part Me Dominique Antz, avocat de plusieurs parties civiles dans ce dossier. "Nous avons encore des éléments à apporter et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons que tout le monde soit renvoyé devant le tribunal. Nous souhaitons que les deux personnes physiques qui représentent les services de l'Etat soient à la barre au même titre que les représentants de la compagnie aérienne (...) Nous avons des témoignages que nous n'avons pas encore pu faire entendre parce que l'instruction était achevée et il est vraisemblable que l'audience devant le tribunal correctionnel donnera lieu à un débat contradictoire autour de ces nouveaux éléments de preuve. Des personnes se sont fait connaître, notamment une fois que les réquisitions définitives ont été portées à la connaissance du public (...) Si le directeur de l'aviation civile a été mis en examen dans ce dossier spécifique, comme il l'avait été dans le crash du Dornier en 1991, c'est parce qu'on lui imputait des responsabilités personnelles, spécifiques. On ne met pas les gens en examen pour le plaisir de les mettre en examen. Le problème qui s'est posé dans ce dossier, c'est que le juge qui a mené les investigations, qui instruisait au contact des parties, des enquêteurs, des experts, a été muté. Il a été remplacé par un juge d'instruction qui s'est contenté de régler le dossier. Ce que nous craignons, à la lecture de l'ordonnance, c'est qu'il a fait un travail d'étude mais n'était pas imprégné de toute l'instruction. Il s'est plus comporté en juridiction de jugement qu'en juge d'instruction".

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 20 Juin 2017 à 14:54 | Lu 2147 fois