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Apnée – Umberto Pelizzari : Rencontre avec le disciple de Jacques Mayol

Umberto Pelizzari est venu en Polynésie pour animer un stage d’apnée à l’initiative de l’école d’apnée et de yoga Kumbaka, de Lili Cottier. L’Italien est une légende vivante de l’apnée, multi recordman du monde. Il est également un pêcheur au fusil et il entretien un lien avec la nature et l’océan très fort. Il fut le disciple de Jacques Mayol, l’homme qui inspira Luc Besson pour le « Grand Bleu ».


Umberto Pelizzari avec Lili Cottier
Umberto Pelizzari avec Lili Cottier
L’apnée intéresse en Polynésie française. Elle intéresse car la Polynésie est entourée de l’océan pacifique, l’océan est au centre de nombreuses activités professionnelles ou récréatives. Elle intéresse également car beaucoup de polynésiens pratiquent la chasse sous-marine, avec tous les dangers que cela comporte. La venue d’Umberto Pelizzari est donc une aubaine pour la Polynésie.
 
La liste complète de records du monde d’Umberto Pelizzari, 51 ans, serait trop longue à donner. Alors que l’apnée de compétition en était à ses balbutiements dans les années 90, sa rivalité avec le cubain Francisco Ferreras « Pipin » fut épique, avec une série de records qui donnent le vertige. On peut relier cette rivalité à celle, tout aussi mythique, entre l’Italien Enzo Maiorca et le Français Jaques Mayol qui eut lieu dans les années 60-70.
 
En 1991, Umberto fut recordman du monde d’apnée statique en retenant son souffle pendant plus de 7 minutes. Il aura également détenu trois records en simultané : record en « no limit » de -150 mètres, -80 mètres en « poids constant » et -131 mètres en poids variable. Il faudra attendre 2010 pour qu’il soit détrôné par l’Autrichien Herbert Nitsch sur ces trois records. Ce dernier eut un accident à la remontée lors d’une nouvelle tentative de record « no limit » à 253 mètres en 2012 mais il reste le nouveau recordman.

Umberto avec Jaques Mayol
Umberto avec Jaques Mayol
Alors que l’Autrichien Nitsch surnommé « le robot » est connu pour être pragmatique, fabriquant son propre matériel et planifiant méticuleusement ses plongées, Umberto s’inscrit plutôt dans la continuité de Jacques Mayol en étant un adepte du yoga et de la sophrologie. Il est connu aussi pour avoir participé activement à la démocratisation de ce sport en parcourant les plateaux de télévision.
 
L’apnée fait partie des sports extrêmes. L’histoire de ce sport de compétition est ponctué d’accidents mortels : Patrick Musimu, recordman du monde en « no limit » lors d’un entrainement en apnée statique, Audrey Mestre la compagne de Francisco Ferreras, Natalia Molchanova la championne du monde, Loïc Leferme recordman mondial en « no limit » y ont laissé leur vie. D’autres ont échappé de peu à la mort comme Guillaume Nery en 2015.
 
Le héros du « Grand Bleu » Enzo Maiorca est toujours vivant alors que le légendaire précurseur Jacques Mayol a mis fin à ses jours en 2001.

L'apnée est avant tout une discipline de vie
L'apnée est avant tout une discipline de vie
Umberto Pelizzari à Tahiti :
 
Comment est tu arrivé vers l‘apnée ?
 
« Lorsque j’ai débuté l’apnée, ce n’était pas pour devenir champion du monde. L’homme peut rester quelques jours sans manger, sans dormir mais sans respirer ce n’est pas possible. Trouver du plaisir dans quelque chose qui est contre nature, c’est particulier. Si tu le fais, c’est parce que tu aimes cette manière différente de sentir ton corps. C’est quand j’ai arrêté la compétition en natation que je me suis intéressé à l’apnée. A l’époque, il n’y avait pas d’école ni de manuel, on ne savait rien de l’apnée. J’écrivais des lettres à Jacques Mayol, à Majorque mais il ne m’avait jamais répondu. Je faisais comme des tests sur moi même et j’agissais en fonction de ce que mon corps me disait. C’est comme ça que j’ai progressé pour devenir un jour un champion du monde. »
 
Qu’est ce que Jacques Mayol t’a appris ?
 
« Jacques Mayol m’a appris que l’apnée ce n’est pas quelque chose de physique, ce ne sont pas les muscles, les jambes qui te poussent vers le bas puis vers le haut, l’apnée c’est surtout un état mental. C’est une discipline de vie, c’est quelque chose que tu prépares à travers la relaxation, la respiration, la concentration. Il faut d’abord se relaxer avant de penser à la performance. »
 
Aurais-tu quelques conseils pour les pêcheurs de Tahiti ?
 
« La règle n°1 est de ne jamais pêcher seul car en cas de problème personne ne pourra t’aider. En Italie, tous les ans il y a des apnéistes qui ne rentrent pas à la maison. Certains te diront « je suis conscient d’être seul donc je ne pousse pas mon corps à la limite » mais quand tu vois le poisson tu oublies que la partie critique t’attend en phase de remontée. Le deuxième conseil, c’est d’éviter de dépasser sa limite. C’est important de s’entrainer et d’éliminer les erreurs qu’on fait quand il n’y a pas un instructeur. Donc l’idéal, c’est de faire un stage avec un moniteur qui va t’apprendre ce qu’il faut éviter pour pouvoir descendre plus profond ou pour descendre à la même profondeur avec moins d’effort. »
 
« L’apnée ce n’est pas la plongée bouteille, il ne faut pas expirer pendant la remontée. Arrivé en surface, il faut souffler pour vider partiellement ses poumons et inspirer le plus possible, c’est quelques chose qu’instinctivement on ne fait pas. Instinctivement, on vide ses poumons et on aspire fort, c’est justement ce qui va provoquer la syncope. Il faut faire le contraire, il faut contrôler l’expiration et forcer l’inspiration puisqu’en fin d’apnée il faut se concentrer à faire rentrer de l’air plutôt qu’à expirer le peu d’air qu’il nous reste. »

Umberto Pelizzari, une légende vivante de l'apnée
Umberto Pelizzari, une légende vivante de l'apnée
Tu as parfois affaire à des chasseurs expérimentés ?
 
« Oui, c’est l’élève le plus difficile à « travailler », car il a pris l’habitude de ses mauvais mécanismes : la tête en arrière, le palmage, le leste, c’est difficile de convaincre quelqu’un que ce qu’il fait depuis 15 ou 30 ans n’est pas correct. Il n’y pas le « palmage apnée » ou le « palmage chasse », il y a le palmage le plus économique. Mais j’ai vu aussi des chasseurs expérimentés très ouverts à recevoir des conseils qui ont énormément progressé techniquement. »
 
Quel est ton quotidien aujourd’hui ?
 
« Je vis en Italie. En juillet-août je suis en Sardaigne, je me consacre à la famille, aux amis. J’adore la chasse sous-marine. Avant et après, je fais des stages en méditerranée ou ailleurs. La partie formation est une partie importante de mon travail. »
 
Ton rapport avec la nature est particulier ?
 
« Le vrai chasseur a un respect énorme pour l’environnement. C’est ce que l’écologiste ne comprend pas. Si quelqu’un va pêcher au fusil avec ses copains pour manger un poisson le soir, il ne nuit pas outre mesure à l’environnement. Quand tu mets un filet tu ne sais pas ce que tu vas prendre. J’ai un profond respect pour la nature. Je peux passer de longues minutes à observer les couleurs d’un poisson, c’est un animal sacré, comme le bison pour un indien. J’ai trois enfants, mon 2e est fou de chasse, je lui apprends à ne tirer que ce qu’il va manger le soir. »
 
Quelques mots sur le « Grand Bleu » qui a fait connaître l’apnée ?
 
« Je faisais de l’apnée avant le Grand Bleu mais c’est clair que c’est un chef-d’œuvre, c’est le film qui a fait découvrir l’apnée à tous. Il a rendu populaire notre discipline. C’est une fiction mais en le regardant tu n’as qu’une envie, c’est de te mettre à l’eau tellement c’est fort au niveau sensations. Pour nous les apnéistes, c’est clair que ce film a été très important. »
 
La notion de risque reste toujours présente ?
 
« On a pu voir en 2015 lors de l’accident de Guillaume Nery que les mesures de sécurité ont pu le sauver. Pour l’exemple de la championne Russe disparue près d’Ibiza, on ne connaît pas les raisons. A mon avis, elle a eu un malaise qui aurait pu arriver à quelqu’un à tout moment, sauf que pour elle c’était en apnée. Elle s’amusait à faible profondeur, il n’y avait pas de sécurité, c’est la preuve que même un apnéiste de haut niveau peut avoir un accident. Je ne chasse jamais tout seul, j’amène avec moi des personnes que je connais, pas des personnes qui veulent me montrer leur niveau. »
 
Content d’être à Tahiti ?
 
« Absolument. A Tahiti, il y a vraiment cette culture de la chasse et de l’apnée. Je suis venu il y a 20 ans, les gamins en sortant de l’école avaient soit la planche de surf, soit des palmes pour faire de l’apnée. C’est dans la culture de cette population. En plus il y a l’eau chaude 12 mois par an, des zones abritées du courant et du vent. Il y a toujours moyen de se mettre à l’eau. C’est idéal. Quelqu’un qui vient de l’extérieur sait qu’il va pouvoir s’amuser à nager ou à chasser sans problème. Merci à tous. »

La formation fait désormais partie du quotidien d'Umberto
La formation fait désormais partie du quotidien d'Umberto
Les différents types d’apnée :
 
Apnée statique = Apnée sans bouger
Apnée dynamique = Apnée en nageant horizontalement
Apnée en immersion libre = Descente et remontée à la force des bras
Apnée à poids constant = Descente à la seule force des bras et des jambes
Apnée à poids variable = Descente à l’aide d’une gueuse, remontée en palmes
Apnée « no limit » = Descente en gueuse, remontée en « parachute »

Umberto Pelizzari avec Herbert Nitsch
Umberto Pelizzari avec Herbert Nitsch
Les records en « no limit »
 
•214 m par Herbert Nitsch, Grèce, 14 juin 2007
•184 m par Herbert Nitsch, Grèce, 13 juin 2007
•183 m par Herbert Nitsch, Croatie, 28 août 2006
•209 m par Patrick Musimu, Égypte, 30 juin 2005 (non homologué)
•172 m par Herbert Nitsch, Autriche, 2 février 2005
•171 m par Loïc Leferme, France, 30 octobre 2004
•170 m par Francisco Ferreras dit Pipin, 2003 (non homologué)
•162 m par Loïc Leferme, France, 20 octobre 2002
•162 m par Francisco Ferreras dit Pipin, 2000 (non homologué)
•152 m par Loïc Leferme, France, 2000
•150 m par Umberto Pelizzari, 24 octobre 1999
•137 m par Loïc Leferme, France, 5 juin 1999
•131 m par Umberto Pelizzari, 1996
•125 m par Francisco Ferreras dit Pipin, novembre 1993
•123 m par Umberto Pelizzari, octobre 1993
•120 m par Francisco Ferreras dit Pipin, 1992
•118 m par Umberto Pelizzari, 26 octobre 1991
•115 m par Francisco Ferreras dit Pipin, 1991
•112 m par Francisco Ferreras dit Pipin, 1989
•105 m par Jacques Mayol, 1983.

Rédigé par SB le Mardi 6 Septembre 2016 à 14:48 | Lu 6809 fois