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Cannabis thérapeutique : consensus politique


de gauche à droite Philippe Cathelain-Tauotaha de l'Institut du cannabis, Heitapu, Karen, Hérald et Karl de l'association THC
de gauche à droite Philippe Cathelain-Tauotaha de l'Institut du cannabis, Heitapu, Karen, Hérald et Karl de l'association THC
Tahiti le 09 novembre 2021 - L'étude par la commission de la santé de l'assemblée de la proposition de loi relative à l'expérimentation du cannabis thérapeutique au fenua a été reportée, mais un consensus se créé. Cette décision de report satisfait l'élue Nicole Sanquer à l'origine de ce texte, car “le débat n'est pas clos”.
 
Les membres de la commission de la santé de l'assemblée de la Polynésie se sont réunis mardi matin pour étudier notamment la proposition de loi de l'élue A here ia Porinetia Nicole Sanquer, relative à l'expérimentation du cannabis thérapeutique au fenua. Après avoir passé plus de deux heures à discuter, débattre et échanger, les membres de la commission de la Santé ont décidé de reporter l'étude de ce texte.

Une bonne chose selon la présidente de la commission Virginie Bruant. Elle assure que les membres “à l'unanimité” sont d'accord quant aux “bienfaits de l'usage du cannabis thérapeutique (...). C'est un sujet qui est au cœur du débat”. Elle explique que ce report a été décidé pour éviter que ce texte ne soit retoqué en Conseil d'État en cas de vote précipité. Certaines consultations doivent être faites auprès de la Caisse de prévoyance sociale. Elle explique : “Qui paie l'expérimentation ? Il faudra qu'on s'appuie sur une structure hospitalière comme le CHPF, l'ordre des médecins, des pharmaciens. Il va falloir former des médecins dans la prescription des médicaments, l'envoi des médicaments. Toutes ces consultations sont indispensables pour faire avancer le dossier (...). Il faut que tout soit sécurisé”. Virginie Bruant affirme que deux pistes sont étudiées : celle de l'expérimentation, mais “cela va être long (...) et on risque de perdre du temps” et celle de “l'autorisation de l'utilisation du cannabis thérapeutique” au fenua. Cette seconde option “sera peut-être la plus rapide”. Pour la présidente de la commission, “ce débat n'a plus lieu d'être”. Concernant le cannabis thérapeutique, la question est maintenant : “Comment le mettre en place, le cadrer et le règlementer (...) le plus rapidement possible”

Sanquer : “Le débat n'est pas clos”

L'élue A here ia Porinetia Nicole Sanquer, à l'origine de ce texte, explique que certains de ses collègues étaient venus en commission avec “une idée de leur vote”. “Et à force de débattre cela peut changer les lignes”.

Mais selon elle le problème rencontré est que le Pays a également ses objectifs. Le Plan de relance 2025 envisage la culture du cannabis thérapeutique, mais là “on est dans le développement économique”. Ce qui n'est pas le cas de la proposition de Nicole Sanquer qui ne vise qu'à l'expérimenter. De son côté, l'élu Tavini Moetai Brotherson envisage carrément une dépénalisation du cannabis. Dans ce cas, pour Nicole Sanquer, “on sort aussi du champ de la loi”.

L'élue A here ia Porinetia préfère elle mettre les “résilients” au centre du débat. Sa loi vise à “permettre aux résilients de se soigner légalement”. Nicole Sanquer se dit “satisfaite” du report de ce texte car “le débat n'est pas clos, la loi de Pays reste sur la table. On s'attendait ce matin à un rejet de la loi et finalement c'est une très bonne nouvelle”. L'occasion aussi de “mieux s'informer” lors du colloque prévu la semaine prochaine. Elle considère qu'il y a “un côté hypocrite de savoir que cela existe dans notre Pays et qu'on ne veut pas légiférer. En plus le ministre de la Santé à Paris Olivier Véran est pour. Maintenant il faut trouver le financement”.

Nicole Sanquer ajoute qu'avec ce traitement, beaucoup de résilients “ont retrouvé une vie normale. Ils ne sont pas guéris mais acceptent la maladie, les douleurs sont apaisées”.

L'élue du parti orange Vaite Le Gayic fait partie des membres de la commission de la santé et va dans le sens de Nicole Sanquer : “On a eu des avis favorables des uns et des autres pour pouvoir progresser dans ce sens mais il manque des éléments sur le cadre règlementaire”. L'élue Tahoeraa assure que lorsque le texte sera abouti et bien ficelé, elle le votera.

Des personnes qui souffrent

L'élue Nicole Sanquer a d'ailleurs invité Karen et Heitapu à témoigner à la commission de la Santé avant le débat. La première est atteinte d'un cancer et le second d'une dégénérescence de la colonne vertébrale. Karen considère que cette proposition de loi va aider beaucoup de personnes qui souffrent et qui n'ont que cela pour soulager leurs souffrances. “A toutes les réunions, on parle technique, juridique, mais on nous oublie. Cela permet aux élus de se rendre compte que derrière ce dossier, il y a des gens, et pas que des chiffres, des statistiques, ce n'est pas que du papier”.  

Karen et Heitapu regrettent que ce dossier ait été reporté en 2022 : “Le problème c'est que nous vivons au jour le jour”, soulignent-ils. Heitapu, atteint d'une dégénérescence de la colonne vertébrale, affirme “ne pas avoir le temps”. Pour calmer ses douleurs chroniques, son médecin l'a mis sous morphine, et les effets secondaires sont difficiles à supporter. “Quand j'en prend, je suis un légume, je suis mort, je ne vis plus mon cerveau bugge, mon estomac bugge, je ne mange plus (...) J'ai envie de me suicider avec cette douleur”. Depuis quatre jours, Heitapu prend des gélules dans lesquels il y a du cannabis et selon lui les résultats sont autres. “Je suis bien, je ne bafouille pas. Mon combat, il est là, je veux me soigner avec le cannabis thérapeutique et je veux vivre décemment. Alors libérez le cannabis”, exhorte-il.
 
Philippe Cathelain-Tauotaha, de l'Institut du cannabis, regrette que cela n'aille pas assez vite. “La réflexion sur l'expérimentation en France date de 2019 et l'expérimentation a démarré en mars dernier. Ici, on a beaucoup d'excuses, de blocages qui nous sont annoncés mais cela ne m'intéresse pas. Ce qu'on attend d'eux, ce sont des solutions”. Philippe Cathelain-Tauotaha affirme que depuis la visite du Président de la République Emmanuel Macron au fenua, “il y a tout qui bouge” et beaucoup de courriers sont échangés entre les ministères de la Santé local et national. “Ils ont des préoccupations administratives et on oublie nos malades, et je n'arrête pas de dénoncer cela. Ici il y a des cas d'urgence. Nos malades se mettent dans l'illégalité pour se soigner”.   

Karl Anihia de l'association Tahiti Herb Culture a “volontairement” refusé de participer à cette commission “pour que l'ambiance soit sereine”. Il attend que les élus prennent leurs “responsabilités”. Il dénonce d'ailleurs le “manque de volonté” dont font preuve les élus mais il veut tout de même garder espoir. Il considère que “c'est clairement un jeu politique, il n'y a aucune raison valable qui justifie ce refus”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 9 Novembre 2021 à 21:12 | Lu 2355 fois