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Cour d'Assises : le jeune "oncle" accusé d'avoir secoué et battu un bébé n'a été poursuivi que deux ans plus tard


L'enquête sur cette affaire de bébé secoué et frappé n'a véritablement abouti que plus de deux ans après, avec la publication d'un rapport médical accablant pour l'accusé.
L'enquête sur cette affaire de bébé secoué et frappé n'a véritablement abouti que plus de deux ans après, avec la publication d'un rapport médical accablant pour l'accusé.
PAPEETE, le 3 mars 2015. La Cour d'assises accueille depuis ce mardi et jusqu'à ce mercredi soir sa dernière affaire de cette session. Il s'agit cette fois du procès d'un homme de 28 ans accusé d'avoir secoué et battu un bébé de trois mois.
C'est la triste histoire d'un bébé de trois mois décédé à l'hôpital de Mamao en octobre 2010 des suites de blessures à la tête. Mais c'est aussi la triste histoire de sa mère, qui durant plus de deux ans, va vivre avec le terrible sentiment d'avoir été coupable de négligences envers son nouveau né, jusqu'à ce que la vérité apparaisse au grand jour.

Les faits se sont produits en septembre 2010 à Mahina. Une jeune mère de famille qui a déjà deux filles de 2 et 4 ans et a accouché en juin de jumeaux, laisse la garde de l'un des nourrissons à sa belle mère qui le lui réclame. Son mari est absent, il travaille dans une ferme perlière à Ahe. Au cours de la nuit, la belle famille prévient que le bébé a été hospitalisé. Les examens médicaux révèlent différents hématomes et une double fracture du crâne. Il meurt le 2 octobre après 15 jours de coma.
Une enquête confiée à la brigade de Arue s'oriente d'abord vers une thèse accidentelle. Durant la tragique journée où le nourrisson tombe dans le coma, il a été essentiellement sous la garde non pas de la grand-mère, mais de sa fille (la demi sœur du papa des jumeaux) et de son concubin. Celui qui se présente comme un "oncle" du nourrisson explique aux gendarmes que les jumeaux ont été victimes, quelques semaines plus tôt, d'un "accident de poussette". Leurs têtes se sont heurtées, il précise même qu'il a récupéré ce jour-là le bébé chez la mère avec un bleu sur la tête.

L'autopsie pratiquée le 7 octobre 2010 conclut pourtant que le décès ne peut absolument pas être imputé à une "chute domestique", que le traumatisme crânien massif est le reflet d'une "origine criminelle" et probablement de coups survenus le jour même, sans doute aussi d'un syndrome du bébé secoué. Il faudra pourtant attendre la fin de l'année 2012 et la remise à la justice d'un rapport d'expertise médicale complet pour réorienter l'enquête sur des "violences volontaires ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner". Les trois personnes au cœur de ce drame : la mère, la grand-mère et l'oncle sont entendues de nouveau. Ce dernier finit par avouer en janvier 2013 aux gendarmes avoir secoué, fessé, giflé, frappé de plusieurs coups de poing le bébé de trois mois qui n'arrêtait pas de pleurer. Mais dans cet intervalle, entre octobre 2010 et janvier 2013, la jeune mère a été suspecte aux yeux de certains. De son mari tout d'abord absent lors du drame et qui entend les commérages des membres de sa famille qui présentent la jeune mère comme instable et potentiellement violente envers ses enfants. La jeune mère a été suspecte aussi aux yeux de la justice. La preuve : la garde du jumeau survivant lui a été retirée. Le bébé a été placé chez une tante à Papenoo où il est toujours élevé actuellement. La belle mère a même essayé d'obtenir la garde des deux filles aînées du couple ! Depuis toutes les différentes enquêtes judiciaires et sociales ont démontré que cette jeune mère n'avait pas eu d'attitude répréhensible, toutes les recherches de maltraitance antérieures ont été vaines. N'empêche, le mal a été fait.

Or, durant la même période, le seul véritable auteur des violences commises envers ce bébé qu'elles soient volontaires ou non -ce sera au procès de le dire- "était libre et innocent" résume simplement l'un des juges assesseurs. Il vit néanmoins avec le poids de la culpabilité. Il ressort d'une expertise psychologique qu'il s'est confié sur ses véritables agissements à une personne alors qu'il était, en 2011, en Nouvelle-Calédonie pour du travail. Mais il n'ira pas jusqu'à se présenter spontanément aux gendarmes. Aujourd'hui, âgé de 28 ans, le jeune homme qui comparaît aux Assises présente encore au tribunal une nouvelle version du drame. Il indique que les aveux qu'il a faits en janvier 2013 auraient été obtenus sous la pression des enquêteurs. S'il dit au procès "vouloir assumer ses actes" il ne reconnait plus, désormais, les violences les plus graves. Il a fessé l'enfant, l'a secoué peut-être un peu et la tête du bébé a pu heurter l'accoudoir d'un fauteuil. Mais c'est tout. Ce sera au tribunal et particulièrement aux six jurés de savoir jusqu'où va sa culpabilité. Il risque 20 ans de réclusion criminelle. Le verdict sera rendu ce mercredi soir.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 3 Mars 2015 à 15:40 | Lu 2068 fois