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Vers une taxation sur la vanille exportée


En 20 ans (entre 2004 et 2024), les installations d'ombrières subventionnées à hauteur d'1,2 milliard de francs par le Pays ont rapporté “8 milliards de francs à l'exportation”. crédit photo Anne-Charlotte Lehartel
En 20 ans (entre 2004 et 2024), les installations d'ombrières subventionnées à hauteur d'1,2 milliard de francs par le Pays ont rapporté “8 milliards de francs à l'exportation”. crédit photo Anne-Charlotte Lehartel
Tahiti, le 4 novembre 2024 - L'Épic Vanille réfléchit à se restructurer en profondeur pour ne plus être dépendant de la perfusion du Pays et parvenir ainsi à s'autofinancer. L'établissement a donc présenté un plan de redynamisation 2025-2031 en commission de l'agriculture la semaine dernière. Plusieurs propositions ont été faites, parmi lesquelles l'éventualité de mettre en place une fiscalité sur la vanille exportée, mais pas seulement.
 

“Ce n'est qu'un projet, et il va falloir beaucoup de pédagogie”, insiste tout de suite Terupe Salmon, responsable administratif et financier de l'Épic (établissement public industriel et commercial) Vanille qui a évoqué avec Tahiti Infos le “plan de redynamisation 2025-2031” de l'établissement actuellement dans les tuyaux. Ce plan a été présenté en commission de l'agriculture de l'assemblée et, une fois n'est pas coutume, exécutif et législatif semblent ramer dans le même sens. Car comme d'autres Épic budgétivores à l'instar de l'OPH ou de l'OPT, l'Épic Vanille fonctionne essentiellement grâce aux subventions que lui octroie le Pays. Et les représentants de Tarahoi, qui votent ces subventions et ne veulent pas signer des chèques en blanc, ont évidemment un droit de regard. Leur souhait est de faire en sorte que l'établissement ne soit plus un outil administratif mais un outil de production qui augmente sa cadence et parvienne à s'autofinancer sur le long terme.

 
C'est justement ce qui s'est passé mercredi dernier à l'occasion de l'examen des comptes financiers de l'établissement pour 2023 par la commission de l'agriculture. Des comptes financiers plutôt sains d'ailleurs avec un résultat excédentaire de 28 millions de francs à la clôture de cet exercice. D'autant que la politique d'aide du Pays à ce secteur depuis de nombreuses années, avec notamment 35 hectares d'ombrières installées, a porté ses fruits. En 20 ans (entre 2004 et 2024), ces installations subventionnées à hauteur d'1,2 milliard ont rapporté “8 milliards de francs à l'exportation”. “En termes d'investissement/rentabilité, on est bons et on peut dire qu'une partie du boulot a été faite”, convient Terupe Salmon.

Il n'en demeure pas moins que la perfusion du Pays reste importante avec une subvention de 255 millions de francs attribuée à l'Épic Vanille en 2023, sachant que la masse salariale représente plus de 198 millions de francs. Il paraît donc impératif de dégraisser le mammouth, mais la réduction pure et simple de la masse salariale n'est pas envisagée par le gouvernement. Restructuration oui, mais sans licenciement. L'idée serait donc de “redistribuer les tâches de chacun” et de procéder à des “transformations de postes administratifs en postes d'ouvriers agricoles”, nous a expliqué Terupe Salmon, conscient qu'il faudra organiser des sessions de formation pour les agents qui accepteraient ce changement, ce qui n'est pas gagné non plus.
 
Mais surtout, l'objectif est de donner à l'Épic Vanille les outils qui lui permettraient enfin de remplir sa mission “commerciale” et donc d'engranger de l'argent en développant la production, la transformation et la vente.
 
Redonner à l'Épic Vanille sa fonction “commerciale”
 
C'est l'autre levier envisagé. “Un Épic, comme son nom l'indique, a vocation à faire du commerce et il doit normalement être destinataire de redevances. Or, depuis sa création en 2003, l'Épic Vanille fonctionne comme un EPA (établissement public administratif, NDLR)”, explique ainsi Terupe Salmon.
 
C'est pourquoi l'Épic a proposé ce “plan de redynamisation 2025-2031” afin de développer les ressources propres de l'établissement, sans qu'il n'ait à passer par la case subvention, et parvienne ainsi à s'autofinancer sur le long terme. “C'est la vocation même d'un Épic, car il faut savoir que normalement, un Épic est censé être destinataire de redevances qui l'aident à financer son fonctionnement, ce qui n'est pas le cas pour l'Épic Vanille. Donc on a réfléchi à des moyens pour que le Pays n'ait plus à le subventionner”, explique Terupe Salmon. L'une des pistes envisagées serait donc de mettre en place une “redevance” aux exportateurs. Elle serait à définir avec eux pour “ne pas les noyer sous des impôts injustes et trop importants”, et la concertation avec tous les acteurs du secteur sera donc une étape essentielle pour que chacun y trouve son compte.
 
Harmoniser les droits et taxes entre les secteurs
 
Parmi les autres pistes évoquées, il a aussi été question d'instaurer une fiscalité sur la vanille exportée. “C'est une proposition que nous faisons. Charge ensuite au ministre des Finances de faire une loi du Pays, et à l'assemblée de la valider”, souligne encore avec prudence Terupe Salmon. Sans vouloir se calquer complètement sur le modèle appliqué à la perle au travers du DSPE (dispositif de soutien des prix à l'exportation), il est proposé “d'harmoniser les droits et taxes” perçus sur ces différents secteurs.
 
Car si ces droits et taxes existent déjà sur la vanille exportée, “ils sont d'un niveau très bas”, explique Terupe Salmon puisqu'ils représentent “0,01% des montants exportés”. Il donne un exemple concret : “En 2022, le Pays a exporté pour 676 millions de francs de vanille, ce qui a rapporté 79 275 francs de droits et taxes, soit 0,01%. La même année, on a exporté pour 6 milliards de francs de perles pour un rendement de 287 millions de droits et taxes, soit 4,7%. Si on avait appliqué le même ratio pour la vanille en 2022, ça nous aurait rapporté 33 millions.”
 
Le curseur reste là aussi à définir, car il est bien évident que “personne n'est emballé à l'idée de devoir payer une nouvelle taxe”. Reste aussi à déterminer où seront fléchés les revenus issus de cette fiscalité. Cela devrait passer par le budget général du Pays qui affectera ensuite ces crédits à un fonds de soutien aux producteurs de vanille qui estiment ne pas être rémunérés à leur juste valeur et qui se plaignent de subir la pression des négociants. Cela reste une piste parmi d'autres. Car ce n'est pas avec 33 millions de francs que l'Épic Vanille va pouvoir fonctionner. Il faudra en parallèle poursuivre les dispositifs déjà mis en place en réhabilitant les serres existantes et en utilisant tout le foncier dont dispose l'Épic pour en installer de nouvelles. La vanille transformée peut représenter une manne financière importante car, selon Terupe Salmon, les simulations réalisées ont montré que ce faisant, le Pays pourrait atteindre “400 millions de francs d'extrait de vanille exporté d'ici 2031”.
 
Reste maintenant à mettre tout ça en musique pour accorder les violons de tous les acteurs du secteur, avant d'arriver à un arbitrage du gouvernement puis une validation par à l'assemblée. 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 4 Novembre 2024 à 18:30 | Lu 3301 fois