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Teaotua Dubois : “D'ici cinq ans, je veux être complètement autonome !”


Teaotua Dubois, agriculteur autodidacte, heureux de revenir au travail de la terre.
Teaotua Dubois, agriculteur autodidacte, heureux de revenir au travail de la terre.
Tahiti, le 11 janvier 2024 - Dans un contexte de remise en cause des systèmes alimentaires dans le Pacifique et d'une dépendance aux importations dans le secteur, la Polynésie sait qu'elle doit activement privilégier ses productions locales. Et si, aujourd'hui, le changement n'est toujours pas constaté, certaines initiatives individuelles rassurent. À l'exemple de celle de Teaotua Dubois, jeune trentenaire, reconverti à l'agriculture syntropique.  
 
Plus habituée à cueillir ses fruits et légumes sur les étalages des grandes surfaces que sur leur arbre d'origine, la population polynésienne s'est rendue dépendante, à bien des égards, des produits alimentaires étrangers. Une mauvaise habitude qu'il est désormais impératif de changer. En effet, en octobre 2023, à l'occasion du colloque dédié à la durabilité des systèmes alimentaires dans le Pacifique, organisé par le Projet régional océanien des territoires pour la gestion durable des écosystèmes (Protege), les spécialistes du secteur étaient unanimes : “Le changement climatique et la raréfaction des ressources dans les prochaines années auront un effet dramatique sur la durabilité des systèmes alimentaires dans le Pacifique. Les espaces insulaires seront les premiers concernés en raison de leur géographie et leur éloignement.” Une projection peu réjouissante qui exige de ces pays insulaires de mettre l'accent sur les productions locales et de privilégier les circuits courts. Mais si, aujourd'hui, la transition vers une souveraineté alimentaire reste anecdotique, certaines initiatives individuelles, quant à elles, méritent d’être saluées.
 
Teaotua Dubois, jeune trentenaire originaire de la côte est de Tahiti, s'est lancé dans l'agriculture syntropique au retour de ses études passées en Chine. Profondément marqué par son expérience là-bas, le jeune Tahitien réalise aujourd'hui la richesse du sol mā'ohi : “Là-bas, il y a des milliards d'individus qui vivent dans les villes. Les buildings ont remplacé la nature et c'est un spectacle désolant. Et pour nourrir cette population, les autorités chinoises ont du mal”, se souvient Teaotua, conscient des enjeux à venir pour la Polynésie. “Ici, la nature est encore omniprésente et tout est propice à la plantation de fruits et légumes, c'est une chance dont il faut être conscient et qu'il faut saisir.” Désireux d'atteindre un jour l'autosuffisance, ce dernier s'est fixé des objectifs concrets : “D'ici cinq ans, je veux être complètement autonome. Aujourd'hui, je bénéficie d'un terrain que je peux exploiter à Faaone, et avec l'agriculture syntropique, je peux varier et intensifier ma production grâce à ces nouvelles méthodes.”

Une nouvelle forme d'agriculture

En seulement deux ans, le jeune homme a su varier et intensifier sa production.
En seulement deux ans, le jeune homme a su varier et intensifier sa production.
L'agriculture syntropique trouve ses origines au Brésil, dans l'État aride de Bahia, où un agriculteur et chercheur suisse du nom d'Ernst Götsch s'est fait connaître pour ses méthodes de plantation atypiques, inspirées du fonctionnement de la nature et notamment des forêts. Le but, mettre en place des cultures denses et complexes, et remettre les plantes dans des conditions de lumière et de fertilité qu'elles auraient dans leur milieu naturel. “Concrètement, il s'agit de créer des rangées d'arbres fruitiers complémentaires de différentes strates, de différentes hauteurs, où l'homme vient accélérer le processus naturel de la succession végétale. À la fin de chaque cycle, on coupe ou on taille ces arbres afin d'utiliser les feuilles pour le paillage. Exactement comme ce qui se passe dans les forêts”, explique le jeune agriculteur. Les lignes sont orientées nord/sud afin de profiter d'une exposition maximale au soleil, ce dernier faisant sa course d'est en ouest.  
 
Loin des méthodes traditionnelles de la monoculture, et sans mentor, Teaotua Dubois apprend sur le tas : “On m'a souvent dit de ne pas planter différentes espèces d'un même fruit côte à côte, mais avec ces méthodes, force est de constater que ça marche. Dans mon fa'a'apu, on trouve de tout”, affirme fièrement le jeune homme, amusé par la situation face aux autorités compétentes : “Quand je vais à la direction de l'agriculture, ils me demandent ce que je plante et quelle quantité je produis. Les techniciens m'incitent à spécialiser ma production afin de pouvoir la quantifier. Or, avec l'agriculture syntropique, ce n'est pas vraiment l'objectif.” D'autant que le jeune homme n'a pas à rougir, affirmant qu'il est déjà capable de produire 600 kg de fruits et légumes en tout genre sur une récolte.

Un exemple à suivre

S'il n'est pas encore arrivé à l'autosuffisance alimentaire, Teaotua Dubois se satisfait du chemin emprunté jusque-là : “Je suis fier de m'être lancé dans l'agriculture, et plus particulièrement cette forme-là. Je pense que nos tupuna avaient déjà saisi ce principe d'une agriculture ‘garde-manger’ et de la facilité à l'appliquer ici.” Une conviction que le Tahitien compte pousser plus loin : “Outre le fait de pouvoir subvenir à mes besoins, mon objectif est de créer une ferme, avec un poulailler, des bovins, et inciter les gens à retourner à ces pratiques. Ce serait un plaisir pour moi d'accueillir des écoliers et de les sensibiliser à tout ça. La crise alimentaire à venir sera mondiale, nous serons tous concernés et il faut préparer les futures générations à cette réalité.”

Légumes ou arbres fruitiers, le jeune trentenaire ne se donne aucune limite.
Légumes ou arbres fruitiers, le jeune trentenaire ne se donne aucune limite.

Rédigé par Wendy Cowan le Vendredi 12 Janvier 2024 à 09:54 | Lu 3211 fois