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Tatouage : Rencontre avec Purotu, gardien de la tradition


Aujourd’hui, Purotu exerce son art à son domicile de Pihaena, Paopao à Moorea.
Aujourd’hui, Purotu exerce son art à son domicile de Pihaena, Paopao à Moorea.
PIHAENA (Moorea), 28 août 2018 - Une centaine d’artistes internationaux et locaux, dont 80 tatoueurs, exposeront leur savoir-faire au centre Te Pu Atiti’a de Moorea lors du Festival international de tatouage traditionnel, du 12 au 19 septembre. Purotu est aujourd'hui l'un des plus grands tatoueurs du fenua. Il se présente aux lecteurs de Tahiti Infos à quelques jours de l'ouverture de la première édition de cet événement.

Issus d’une famille de l’ile de Marokau, dans l'archipel des Tuamotu, Purotu a suivi sa scolarité dans une école catholique à Tahiti. A 15 ans, il s’installe à Moorea pour travailler à l’ancien Clud Med de Tiahura. En 1980, il part effectuer son service militaire en France en tant que parachutiste de l’armée de terre, pour un engagement de 2 ans. A l’issue de son service militaire, il revient vivre à Papeete et commence à travailler dans le milieu du tatouage au côté de deux pointures locales : Chimé Mau et Roonui Anania. Les deux tatoueurs ont une aura indiscutable au fenua. "Nous étions une bande de copains. On vivait en ville. A cette époque, nous faisions du tatouage pour survivre. Nous avions appris sur le tas avec comme seul outil de travail une aiguille attachée à un bois", se souvient Purotu.

En 1986, le jeune tatoueur s’inscrit au Centre des métiers d’arts à Papeete, afin de "compléter ses connaissances" dans des domaines tels que la gravure sur pierre, sur bois, sur ocre ou sur nacre, et la sculpture. "Cette formation m’a également aidé à avoir de l’inspiration pour les motifs à dessiner dans le tatouage", constate-t-il.

Par la suite, il exerce, en plus du tatouage, divers activités professionnelles dans le domaine de la sculpture ou de la gravure.

Parmi les souvenirs marquants de sa carrière, il y a notamment celui d’avoir participé, en 1995, à la réalisation d'une gravure représentant les cinq archipels de la Polynésie sur la grande pirogue double Tahiti Nui. L'embarcation était sur le départ pour une navigation vers Hawaii, où devait avoir lieu un rassemblement de pirogues traditionnelles venues de l'ensemble du Triangle polynésien. Purotu avait embarqué pour participer à cette manifestation culturelle internationale.

Il décide d'ailleurs de rester à Hawaii où il exerce pendant quelques mois sa profession de tatoueur. "Mes clients là-bas me demandaient de leur dessiner des motifs hawaiiens. Je n’avais aucun mal à le faire puisque j’avais appris les motifs de chaque île du Triangle polynésien au Centre des métiers d’arts", explique-t-il.

C'est de retour de Hawaii qu'il s’installe définitivement à Moorea. Il y ouvre alors son centre de tatouage dans la commune de Maharepa. "J'ai préféré rester ici. A l’étranger, les plats traditionnels tels que le "fafaru", le "uru" ou le "taro" me manquaient. En plus, on ne fait que travailler du matin au soir là-bas. Par contre, ici j’avais plus de temps pour me consacrer à ma famille à Moorea. Je pouvais aussi travailler dans mon fa'a'apu et aller à la pêche. J’avais plus de liberté", confie-t-il avec le recul.

Mais cela ne l’empêche pas de faire quelques déplacements à l’étranger, dans le cadre de l'exercice de sa profession. En 1999, par exemple, Purotu se rend à une convention de tatouage en Europe en compagnie de ses amis Chimé et Roonui. Plusieurs échanges sont organisés avec des tatoueurs européens. A Madrid d’ailleurs ils rencontrent le regretté Paulo Sulu’ape, célèbre tatoueur samoan décédé en 1999. "Outre les motifs européens, on a appris beaucoup de choses sur l’hygiène et la sécurité concernant l’activité du tatouage. On a aussi fait des échanges avec Paulo au sujet des motifs samoans et polynésiens", se rappelle Purotu.

Les trois Polynésiens participeront ensuite à plusieurs événements culturels locaux ou internationaux, tels que le Festival des arts du Pacifique, aux îles Salomon en 2012.

Aujourd’hui, le tatoueur de Moorea exerce son art à domicile, dans la commune de Pihaena à Moorea. Il pratique aussi bien le tatouage avec des outils traditionnels, tels que peignes en dent de requin ou de cochon, qu’avec des outils mécaniques. Il s'adapte à la demande des clients.

Apres plusieurs années d’expérience, Purotu constate l’évolution du tatouage en Polynésie française. La sécurité et l’hygiène sont aujourd'hui des incontournables. Il compte d’ailleurs sur les jeunes générations, ceux qui sont issus du Centre des métiers d’arts en particulier, pour porter le tatouage polynésien et tous les savoirs de nos ancêtres vers le haut. Cependant, il est attaché à la symbolique que véhicule ces motifs et déplore quelques petites dérives de la part des jeunes générations : "Certains jeunes tatoueurs n’hésitent pas à mélanger les motifs néo-zélandais, hawaiiens et samoans. Ils pensent plus à l’esthétisme qu’à la signification de ces tatouages. En plus, leurs clients, tout contents, ne comprennent même pas que leur motif ne veut rien dire", regrette-t-il avant d’ajouter que "c’est dommage car le respect de la vraie culture de chaque île du Pacifique fait aussi partie des valeurs du tatouage.

Aujourd'hui, Porutu s'efforce de transmettre sa connaissance du tatouage traditionnel. Il se félicite d'avoir déjà formé de bons tatoueurs à Moorea et se tient prêt à faire autant pour d’autres, s'ils le désirent. Ce maître est également vice-président de l’association Mana Tatau Maohi, organisatrice du Festival international de tatouage traditionnel. Un temps fort auquel Purotu invite la population locale et les touristes, du 12 au 19 septembre prochains. L'occasion de découvrir et d'admirer le savoir-faire de la centaine d'artistes locaux et internationaux attendus à ce grand rendez-vous culturel organisé dans le cadre magnifique de la baie de Cook, sur l’île sœur.

Rédigé par Toatane Rurua, à Moorea le Mardi 28 Août 2018 à 09:05 | Lu 8326 fois