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Sensibilisation au vivant : un chien en classe de 6e à Afareaitu


Isabelle Espitallier, professeure de lettres classiques avec Erika Darthenay, principale adjointe, entourent Jules, un chien prêt à entrer à l’école.
Isabelle Espitallier, professeure de lettres classiques avec Erika Darthenay, principale adjointe, entourent Jules, un chien prêt à entrer à l’école.
TAHITI, le 13 juin 2023 - Le collège de Afareaitu ouvre une classe dite “Sensibilisation au vivant” à la rentrée 2023-2024. Pour démarrer, un chien sera présent en classe avec des élèves de 6e pour les cours dispensés tout au long de l’année. L’objectif : apaiser les enfants, favoriser la concentration et transmettre des valeurs de respect des êtres vivants.

Apaiser les élèves, réduire le stress, mettre en place des conditions de travail sereines, favoriser l’attention des enfants, les sensibiliser au respect des animaux, tels sont les objectifs visés par le projet de classe “Sensibilisation au vivant” que met en œuvre le collège d’Afareaitu dès la rentrée prochaine. L’établissement prévoit en effet d’accueillir en classe de 6e… un chien. Concrètement, l’animal suivra les élèves tout au long de la journée. Il aura sa place avec eux en classe. Des rotations seront mises en place avec un emploi du temps établi car ce ne sera pas toujours le même animal.

Ce projet, adopté par le conseil d’établissement, est né du constat de la principale du collège, Annick Mescoff, que la présence de chiens calmait les échanges en cas de conflit entre élèves par exemple, ou même avec des parents. Ses chiens étant souvent présents dans son bureau assistent en effet à tout type de rendez-vous.

De même, plusieurs enseignants sont suivis par leur chien lorsqu’ils se rendent au collège. “Aussi, nous avons l’habitude de les voir aux abords des bureaux, et parfois même dans les bureaux de l’administration, dans la cour d’école voire dans les classes”, rapporte l’adjointe Erika Darthenay, qui pilote ce projet innovant. C’est dans ce contexte que l’idée de les faire entrer à l’école officiellement a germé au fil du temps. “Nous avons fait des recherches, vu que cela se faisait ailleurs. Cela n’est donc pas interdit, sauf dans certains cas particuliers, ne nous concernant pas.” De fait, il n’existe pas de liste d’animaux autorisés légalement dans les établissements scolaires, pas plus que d’animaux interdits. La détention d’un animal domestique y est libre.

René Chaulet est maître-chien.
René Chaulet est maître-chien.
Précautions

Pour ouvrir la classe, il a fallu mobiliser une équipe motivée et sensible à la question. Plusieurs personnes référentes et des professionnels ont également été contactés comme l’association Eimeo Animara Moorea, Animalia à Maharepa ainsi qu’un maître-chien parent d’élève, René Chaulet. Ce sont ces derniers qui interviendront dans la classe pour sensibiliser les élèves au vivant. René Chaulet se chargera de sélectionner l’animal car tous ne sont pas capables de vivre en collectivité. Toutes les précautions sont prises pour pouvoir concrétiser ce projet en toute sécurité.

L’idée d’emmener un animal dans une classe est une bonne idée : il permet d’apaiser les enfants. J’ai pu m’en rendre compte de nombreuses fois”, affirme René Chaulet. À aujourd’hui 65 ans, cela fait près de 50 ans qu’il dresse des chiens. Pas étonnant que ce papa d’une élève de 5e bilingue tahitien fasse partie intégrante du projet de classe “Sensibilisation au vivant”. C’est lui qui vérifiera le suivi vétérinaire, le carnet de vaccination des animaux et qui aura la charge de sélectionner les représentants canins pour le projet scolaire. “Je verrai en même temps le maître et son animal pour vérifier que ce dernier n’est pas agressif, qu’il est sociable et apte à la vie en collectivité. Certains animaux aiment les enfants, d’autres moins.”

Le maître-chien préconise, pour démarrer, de choisir le chien d’un professeur. René Chaulet sera en classe le premier jour de chaque nouveau chien introduit pour surveiller les comportements, recadrer les débordements si nécessaire. “Il est possible que certains enfants en profitent au début. Ensuite, je resterai disponible bien sûr”, promet-il. Il préconise ensuite de remplacer le chien par un autre animal comme un lapin, un cochon d’Inde ou autre : “Cela apportera un plus de variété.”

Le vivant au cœur des apprentissages

La loi contre la maltraitance animale 2021 a entraîné une modification du code de l’éducation. Du CP à la terminale, l’enseignement moral et civique doit désormais sensibiliser les élèves au respect des animaux de compagnie. Le projet du collège Afareaitu est idéal dans ce contexte. Pour aller plus loin les professeurs de la classe “Sensibilisation au vivant” monteront des projets cohérents. En français par exemple, ils étudieront des œuvres en lien avec les animaux.

Reste que le projet n’en est qu’à sa phase expérimentale. Seule une classe de 6e sur les six que prévoit d’ouvrir l’établissement sera concernée à la rentrée 2023-2024. “Nous avons par ailleurs deux classes de 6e bilingue auxquelles nous ne toucherons pas, nous ouvrons une classe axée sur la culture Pacifique et avons aussi une classe rituelle.” La classe rituelle consiste à démarrer chaque heure de cours par 5 minutes d’exercices de respiration, de concentration, de sophrologie. Le projet a été présenté aux classes de CM2 des quatre écoles primaires de rattachement, “globalement les élèves paraissent intéressés”, se réjouit l’équipe.

Un projet innovant, des expériences en cours

Les écoles qui ouvrent leurs portes aux animaux existent en France, mais elles restent rares. En 2018, une école privée hors contrat du Vaucluse a lancé le concept de “Ronron thérapie” : du CP à la 3e, les élèves étudient avec des chats qui se baladent librement autour d’eux. En 2021, dans la région Occitanie, une école primaire a lancé le projet “Un chien à l’école”.

Anne Grisel est l’auteure d’un livre intitulé “Un chien à l’école” paru en 2020. Elle retrace son expérience d’enseignante spécialisée et d’intervenante en médiation animale avec tous les niveaux de l’école primaire. “Pourquoi l’animal ne serait-il pas le bienvenu en classe ordinaire ?”, interroge-t-elle. “Il fait déjà un travail incroyable avec les enfants, qu’ils soient malades, en situation de handicap, en souffrance… Le point de croisement entre ces deux questions : développer l’intelligence émotionnelle des enfants en s’intéressant aux animaux présents. Le chien ouvre la porte à ce vaste sujet et aide les enfants à le découvrir. Ils apprennent à y voir plus clair avec leurs émotions et celles des autres.

Dans les maisons de retraite, les hôpitaux, et même les bars, l’animal est de plus en plus plébiscité. Il vient au service de médecins, infirmières, kinésithérapeutes. L’animal ne soigne pas mais il sert d’intermédiaire pour entrer en contact avec la personne qui souffre. À l’école, il pourrait aussi avoir toute sa place, non pas comme simple visiteur insolite, mais comme véritable compagnon de classe.

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 13 Juin 2023 à 20:32 | Lu 1759 fois