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Richard Tuheiava : " Gaston Flosse est capable d’utiliser la réinscription à ses propres desseins"


Richard Tuheiava et Vito Maamaatuaiahutapu, mercredi 15 mai.
Richard Tuheiava et Vito Maamaatuaiahutapu, mercredi 15 mai.
Le projet de résolution A/67/L.56 Rev 1 est à l’ordre du jour d’une réunion plénière de l’assemblée générale des Nations Unies, vendredi 17 mai. Oscar Temaru s'est rendu à New-York lundi soir, en toute discrétion, à la tête d'une délégation pour procéder aux ultimes rencontres avant l'examen du texte. C'est la dernière opportunité pour l'actuel président de la Polynésie française de voir cette résolution adoptée pendant son mandat.

Interrogé mardi matin, le sénateur souverainiste Richard Tuheiava a estimé que l'Etat français dispose d'une ultime "ficelle de procédure" pour surseoir au vote du projet de résoltion en faveur de la réinscription de la Polynésie française sur la liste onusienne des territoires non-autonomes, par le dépôt d'une motion de non action.

De source AFP, mardi 15 mai, Gaston Flosse a adressé une lettre au président de l'Assemblée générale de l'ONU demandant à Vuk Jeremic de repousser l'examen du texte. Cette demande pourrait servir la légitimité du dépôt d'une éventuelle motion de non action par la France, en préambule de l'assemblée plénière des Nations Unies, vendredi.

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Une délégation menée par Oscar Temaru est à New York pour le vote de la L56, vendredi à l’ONU. Un départ en catimini ; encore une fois, aucune communication. Cela vous a été reproché durant la campagne : pourquoi donnez-vous l’impression de mener cette démarche dans le dos des gens ?

Richard Tuheiava : Bah, je crois que ce n’est un secret pour personne que le Président suit cette démarche-là, pas seulement depuis 35 ans en tant que leader de l’opposition, mais depuis deux ans en tant que Président du Pays. Le haut-commissaire a rappelé il y a quelques mois, bien avant les élections, que c’était dans ses attributions de président de le faire. Je ne suis pas sûr qu’Oscar Temaru soit obligé à chaque fois qu’il se déplace sur New-York d’alerter la terre entière.

C’est une question de ressenti ; vos adversaires politiques l’ont utilisé en votre défaveur : pourquoi cette absence de communication ?

Richard Tuheiava : C’est aux adversaires politiques d’en faire encore leurs choux gras, s’ils l’estiment utile. Nous, on continue sur la même logique : le Président a souhaité être présent à New-York pour l’examen du projet de résolution. Oscar Temaru est tout de même le Président de la Polynésie française jusqu’à vendredi matin, 9 heures au moins. Si c’est l’impression que tout cela a donné aux 60 000 électeurs qui ont voté pour Gaston Flosse aux dernières Territoriales, eh bien c’est dommage. Le gouvernement Temaru a travaillé. Il a fait autre chose que se balader à New-York. (…)
Je le répète, le Président est dans ses attributions. Les démarches menées à l’ONU n’ont pas été inutiles : nous sommes dans une phase historique de la Polynésie française. La résolution est inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée plénière, à l’ONU. C’est historique, à ce stade, pour la Polynésie française. Et il y a dans le pays 40 000 personnes qui se sont prononcées en faveur de la politique menée par Oscar Temaru, pour sa méthode et aujourd’hui pour le résultat que nous sommes sur le point d’obtenir.


L’examen aura lieu vendredi. En cas d’adoption de cette résolution à New-York, que se passe-t-il ?

Richard Tuheiava : Si la résolution est adoptée, nous serons réinscrits : pour la deuxième fois de notre histoire, nous figurerons sur l’agenda du Comité des 24. Le calendrier onusien s’appliquera de nouveau pour la Polynésie française. L’UPLD prendra toute la place, auprès des intervenants onusiens pour se faire entendre. Tout ce que nous ne réussirons pas à faire entendre au sein de l’hémicycle de la Polynésie française, face à la majorité orange, mais également face à un certain mutisme du pouvoir central, à Paris, nous le ferons entendre à New-York, dans le cadre des travaux du comité des 24.
Nous ne sommes pas dans une démarche de défiance vis-à-vis de la France. Encore une fois, nous en appelons à la raison et surtout à l’histoire : si la France n’a pas peur de son histoire, qu’elle le démontre vendredi et qu’elle laisse le vote par consensus se réaliser à New-York.


L’Etat français a-t-il encore le pouvoir de freiner ce processus ?

Richard Tuheiava : Il peut encore tenter de faire passer des artifices procéduraux, jusqu’au dernier moment. (…) La France a des alliés puissants, en tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU. (…) Elle a toujours la possibilité par exemple de déposer une motion de non-action. Mais il faut avoir en tête que cette résolution est à l’agenda d’une assemblée plénière, vendredi, et qu’une telle ficelle de procédure serait très mal perçue. (…)
S’il y a rejet, que pouvons-nous faire d’autre que d'en prendre acte ? Cela voudra dire que l’ONU considère Polynésie française comme un territoire dont le degré d’autonomie est suffisant, en dépit d’un décalage de traitement entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, qui je le rappelle était dans la même situation que nous jusqu’en 1986. (…) Nous ne parlons pas d’indépendance à l’ONU, mais de droit à l’autodétermination.


Gaston Flosse, annonçait lundi 6 mai la programmation d’un projet de résolution de l’assemblée de Polynésie française demandant à l’Etat d’œuvrer pour annuler le processus de réinscription. Une telle mesure mettrait-elle un terme à vos démarches onusiennes ?

Richard Tuheiava : (…) Au plan territorial, il est certain que l’adoption de cette résolution vendredi sera vécue comme une douche froide, pour le clan autonomiste et notamment la majorité en place.
(…) Mais ce qu’on subodore c’est qu’une fois la Polynésie réinscrite, Gaston Flosse s’en saisisse pour faire de la surenchère et soit celui qui en accélèrera le processus. Rappelez-vous comment il s’est approprié le statut d’autonomie après en avoir été l’un de ses plus farouches adversaires, dans les années 70. Qu’aujourd’hui sa stature de faux père de l’autonomie le pousse à adopter une attitude contre la réinscription est une chose. Mais fondamentalement, nous observerons dans les six prochains mois quel sera son comportement face à une telle donnée institutionnelle historique. Pour continuer à exister au plan national, Gaston Flosse est capable d’utiliser la réinscription à ses propres desseins.
Maintenant, si vendredi l’assemblée générale des Nations Unies ne se prononce pas, et que la Polynésie française vote une résolution exprimant son souhait de ne pas être réinscrite, le combat pour la réinscription ne s’arrêtera pas parce que Gaston Flosse est revenu au pouvoir. (…)
L’UPLD est un parti souverainiste. Ce qui nous importe c’est l’avenir institutionnel de ce pays et surtout la réorientation son modèle de développement vers une forme d’autosuffisance.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 15 Mai 2013 à 14:54 | Lu 2520 fois