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Pōpoti



Fiu ! Pourquoi ça marche pas ? râla un jeune garçon devant des plaques de cuisson électriques.
Il fit quelques pas puis escalada avec agilité le poteau qui supportait les panneaux solaires alimentant l’habitation.
Hiro avait l’habitude et gratta avec ses ongles la croûte de sel blanchâtre qui recouvrait le verre noir des panneaux.
Une fois sa tâche finie, il se laissa retomber sur le sol de soupe de corail gorgé d’eau en éclaboussant légèrement ses jambes et son short.
Il fallait attendre encore un peu pour que ça chauffe.
Mince ! Si maman revenait avant que le mā΄a soit prêt, il allait se faire gronder fort !
Maman travaillait à la mairie de Hikueru, c’était une des rares mamans à avoir encore un travail. Les mamans des autres enfants de sa classe restaient à la maison à regarder leur vini toute la journée.
Du haut de ses neuf ans, Hiro savait déjà bien gérer une maison, il n’avait pas trop eu le choix, maman travaillait dur et papa était mort quand il avait quatre ans.
Il s’appelait Teahinui, c’était un bon pêcheur mais une violente tempête avait coulé son bateau.
L’instituteur avait dit en classe qu’avec le réchauffement climatique les cyclones devenaient de plus en plus forts, plus fort que son papa en tout cas.
De toute façon, même vivant, il n’aurait pas pu faire grand-chose. Le corail était devenu tout blanc il y a deux ans. Après ça, les poissons du lagon étaient partis et ceux du large avaient suivi. L’instituteur avait dit que, ça, c’était à cause de l’acidification des océans.
Hiro aimait bien l’instituteur, il venait de Tahiti et il savait plein de choses. Maman disait aussi qu’il gagnait beaucoup d’argent.
Plus tard, Hiro voulait devenir instituteur, comme ça, il gagnerait aussi plein d’argent. Avec sa fortune, il pourrait construire une fusée pour aller sur Mars comme le milliardaire américain Kelon Mus.
Dans sa fusée, il prendrait maman, Tym son meilleur copain, et aussi Hinanui, la plus jolie fille de la classe. Par contre, pas Rainui, il n’arrêtait pas de se moquer de lui en le traitant de ma΄au. Rainui n’avait qu’à rester à Hikueru, les pieds dans l’eau salée...
Un bip sorti soudainement Hiro de sa rêverie, les plaques étaient chaudes et il fallait commencer à préparer le repas.
Le garçon ouvrit en grimaçant une grosse boîte en plastique blanc ornée du logo du pays, ça grouillait dans la boîte et les occupants de celle-ci n’aimaient pas trop la lumière.
Hiro attrapa une bonne dizaine de grosses bestioles avant que celles-ci n’arrivent à s’enterrer dans leur substrat puis les jeta dans une cocotte qu’il venait de poser sur les plaques.
Tout le monde sur l’atoll en mangeait maintenant, la “solution à la crise alimentaire” expliquait régulièrement le président à la télé, les “Super Blattes”, mais tout le monde sur l’île appelait ça des pōpoti.
΄Ia ! s’exclama Hiro.
Il avait oublié de mettre le couvercle sur son récipient, les pōpoti commençaient à se carapater dans toute la maison.
Jamais le mā΄a ne serait prêt avant le retour de maman !
 
 
Auteur : Benjamin Cruz