Tahiti Infos

Philippines/guerre antidrogue: des détenus dans une "cellule secrète"


Manille, Philippines | AFP | vendredi 27/04/2017 - Une dizaine de personnes ont été découvertes dans un minuscule réduit dissimulé derrière un meuble de bibliothèque dans un commissariat des Philippines, alimentant de nouveau les craintes d'abus dans la guerre antidrogue meurtrière du président Rodrigo Duterte.
Des membres de la Commission gouvernementale des droits de l'homme, accompagnés de journalistes, ont retrouvé ces hommes et ces femmes lors d'une visite surprise jeudi soir dans ce poste de police situé au coeur des bidonvilles de Manille.
Les visiteurs ont entendu des cris -- "On est là, on est là" -- émanant de derrière un mur, ont-ils raconté. Puis, ils ont retrouvé une porte cachée derrière une bibliothèque et ouvrant sur le réduit. 
Les prisonniers se sont alors précipités au dehors. Certains réclamaient de l'eau, d'autres, en larmes, suppliaient les membres de la Commission de ne pas les abandonner.
Ils ont raconté avoir été détenus là pendant environ une semaine après leur arrestation pour usage ou trafic de drogue supposés. Ils accusent les policiers d'avoir exigé de fortes rançons pour les libérer.
"Ils les ont interpellés au prétexte de la drogue mais ils ne les ont inculpés d'aucun chef", a déclaré vendredi à l'AFP Gilbert Boisner, directeur pour Manille de la Commission des droits qui a dirigé l'opération.
 

- Ripoux -

 
Pour Human Rights Watch, il s'agit d'un nouveau témoignage des abus de droits de l'homme généralisés commis durant la campagne de répression contre la drogue, qui a vu des milliers de personnes tuées.
"La découverte de cette prison secrète n'est que le dernier signe de la manière dont la police exploite à des fins personnelles la campagne antidrogue abusive de Duterte", estime l'ONG.
En janvier, M. Duterte avait brièvement écarté les policiers de tout rôle dans cette répression lorsqu'une enquête avait révélé que des officiers de la brigade des stupéfiants avaient enlevé et assassiné un homme d'affaires sud-coréen pour extorquer une rançon à sa famille.
M. Duterte avait déclaré que la police était "corrompue jusqu'à la moelle", promettant de "nettoyer" ses rangs. Un mois après, les policiers étaient de nouveau à pied d'oeuvre sans réforme majeure.
Les défenseurs des droits avaient mis en doute la volonté du président --qui avait alors estimé que 40% des policiers se livraient à des activités illégales-- de débarrasser la police de ses ripoux. 
La police a annoncé avoir abattu au moins 2.724 personnes, en situation de légitime défense, dans le cadre de la lutte-anti drogue. 
Plusieurs milliers d'autres ont été tuées par des milices de l'ombre, selon les ONG. 
 

- Dédain -

 
Un avocat philippin a saisi lundi la Cour pénale internationale, déclarant que la guerre antidrogue avait fait environ 8.000 morts et accusant le président de l'archipel de meurtres de masse.
Amnesty International a jugé en février qu'il pourrait s'agir de crimes contre l'humanité. L'ONG avait accusé la police de tuer des gens sans défense, de monter des preuve de toutes pièces, de payer des assassins pour abattre des trafiquants, de voler les victimes ou leur famille.
Le commandant du poste de police de Manille, le commissaire Robert Domingo, a raconté aux journalistes présents à l'inspection que les détenus n'avaient été interpellés que la veille au soir et que les policiers s'apprêtaient à les inculper.
Il a été suspendu de ses fonctions le temps d'une enquête, a déclaré le chef de la police de Manille, Oscar Albayalde, qui a reconnu que les arrestations illégales étaient généralisées.
"Nous devons reconnaître que ce problème ne se limite pas à un seul poste de police mais est présent dans quasiment tous les postes de la région", a déclaré M. Albayalde. 
Cette affaire éclate alors que M. Duterte accueille à Manille les dirigeants de l'Asie du Sud-Est. Après une rencontre avec le sultan de Brunei, Hassanal Bolkiah, il a défendu sa politique anti-drogue dans son langage fleuri coutumier. 
Le quotidien américain New York Times est "un trou du cul" pour l'avoir critiquée, a-t-il dit, assurant: "les droits de l'homme, je ne suis pas un travailleur des droits de l'homme".

le Vendredi 28 Avril 2017 à 06:00 | Lu 541 fois