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Matari'i i ni'a célébrée en petit comité


Tahiti le 22 novembre 2021 – Samedi dernier, l'association Haururu célébrait l'arrivée de Matari'i i ni'a (l'apparition de la constellation des pléiades), signe de l'ouverture de la saison d'abondance en mer et sur terre. Un moment festif en comité restreint cette année, crise sanitaire oblige, mais tout de même partagé avec la population venue nombreuse à l'embouchure de la rivière Vaitū'oru de Papenoo. 
 
Cela fait plus de 20 ans que l'association Haururu célèbre Matari'i i ni'a à la date du 20 novembre. Le début d'une nouvelle saison d'abondance en mer et sur Terre appelée aussi "te tau 'auhune", signalée par l'apparition de la constellation des pléiades, et le début de la saison des pluies. C'est une cérémonie qui se veut festive, puisqu'après six mois de sècheresse (d'ordinaire du 20 mai au 20 novembre), les Polynésiens peuvent enfin profiter d'une terre plus généreuse, et des eaux plus poissonneuses. Cette année, en raison de la situation sanitaire, Haururu n'a pas envoyé d'invitation à d'autres associations culturelles, ni aux membres du gouvernement. La population de Papenoo, habituée de la tenue annuelle de cette cérémonie, est tout de même venue nombreuse. Les membres de l'association Haururu s'étaient réunis un mois avant l'apparition des Pléiades pour nettoyer les marae, et pour se préparer spirituellement afin de remercier les dieux de la fin de la période de disette.
 
Le choix de Vaitū'oru
 
C'est à l'embouchure de la rivière Vaitū'oru que l'association Haururu célèbre chaque année Matari'i i ni'a, précisément sur l'ancienne terre du clan "Hi'onui". Un peuple visionnaire dont la fonction était de tracer le chemin de vie des Polynésiens. Le choix de ce lieu pour la cérémonie annuelle a une symbolique très particulière. Vaitū'oru est la porte d'entrée de la plus grande vallée de Tahiti. Le lieu où les Polynésiens arrivant des autres îles entraient dans la vallée de Papeno'o à bord de leurs pirogues doubles et offraient du poisson aux habitants, en échange de fruits et tubercules tels que le taro, manioc... Les ari'i quant à eux, débarquaient sur la rive face à la terre de Hi'onui et étaient accueillis sur les marae. "À l'image de l'eau douce se mélangeant à l'eau de mer, Vaitū'oru était le lieu de rencontre de Tane, dieu de la vallée, et de Taaoroa, dieu de la mer, lieu de rencontre du peuple de la terre et du peuple de la mer", nous explique Léonne Teuira, trésorière de Haururu. La cérémonie débute par un 'ōrero d'Yves Doudoute, arata'i (président) de l'association Haururu, et d'Alphonse Faufau, membre fondateur. Suivi d'une prière du pasteur de l'église protestante mā'ohi de Papeno'o. Une fête rythmée par des chants traditionnels composés spécialement pour l'occasion par des membres de Haururu, et un spectacle de 'ori tahiti présenté par la troupe O Tahiti E de Marguerite Lai, elle-même membre de Haururu. Le public a aussi participé à des jeux proposés par l'animateur de soirée, afin d'apprendre ou de mieux comprendre Matari'i i ni'a. À noter que toute la cérémonie était officiée majoritairement en reo tahiti.
 
La cérémonie du 'ava et l'offrande du feu à la déesse Pere
 
À la tombée de la nuit, après les spectacles de chants et de danse, le public était invité à se rendre sur la plage pour la cérémonie du 'ava, et l'offrande du feu à la déesse Pere. Un périmètre délimité par des bambous recevait les membres fondateurs de Haururu et les invités d'honneur attendant patiemment la fin de la préparation du breuvage de 'ava. C'était un moment très solennel et codifié, une femme préparait le breuvage tandis que deux autres servaient les invités tour à tour. "On sait qu'avant, les cérémonies importantes étaient plutôt officiées par les hommes. Mais pour être cohérent avec les valeurs symboliques de cette cérémonie –le partage, l'unité, la paix– l'association Haururu encourage les femmes à officier", précise Vetea Avaemai, membre de Haururu. Une fois que chaque invité d'honneur a été servi, le public pouvait à son tour boire le 'ava. Avant d'allumer le grand feu, Léonne Teuira a déclamé la généalogie de Pere, déesse du feu. L'assistance pouvait alors y jeter des branches de miri ou tout autre plante odorante afin de demander aux dieux de porter cette offrande à Pere, partie de Tahiti vers Hawaii. La cérémonie s'est clôturée aux alentours de 21 heures par un mā'a tahiti. "Nous sommes agréablement surpris du bon déroulement de la soirée, en cette période sanitaire particulière", confie Yves Doudoute, avant d'ajouter qu'il est important que le peuple Polynésien réapprenne à rythmer sa vie en fonction de l'apparition des Pléiades (Matari'i i ni'a, saison d'abondance qui débute le 20 novembre) et leur disparition (Matari'i i raro, saison de sécheresse qui débute le 20 mai). "J'encourage les jeunes polynésiens à se réapproprier leur identité, ce n'est pas de leur faute s'ils sont perdus, il faut qu'on arrête de les culpabiliser. Et nous serons là pour les guider, s'ils le souhaitent", affirme Yves un peu ému.




Rédigé par Areatua Parau le Lundi 22 Novembre 2021 à 08:51 | Lu 792 fois