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Margaux Crusot, la passion de l’océan


TAHITI, le 3 mai 2023 - Ingénieure en aquaculture et environnement, Margaux Crusot consacre tout son temps au milieu marin. Une passion née au Vanuatu, il y a plus de dix ans. Installée à Tahiti depuis 2016, elle travaille sur le développement d’alternatives durables pour le secteur perlicole.

Elle est arrivée en Polynésie en septembre 2016. Margaux Crusot a répondu à une annonce de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) peu après ses études avec la volonté de travailler au contact de la mer dans une île tropicale. Depuis, elle savoure chaque jour “la chance” de vivre en Polynésie en l’affirmant : “Ma vie est ici.”

Ses travaux, à l’Ifremer d’abord et à l’université aujourd’hui, portent sur le développement de pratiques aquacoles durables. “Mon dada c’est l’aquaculture et l’environnement”, résume-t-elle. Elle réalise des états des lieux, développe des alternatives durables. Elle obtient des résultats qu’elle va publier en partie d’ici quelques semaines et qui devraient trouver un écho au-delà du seul bassin Pacifique.

Le Vanuatu, de “très beaux souvenirs”

Margaux Crusot est née à Lyon en 1993. Elle y a passé les neuf premières années de sa vie, jusqu’à ce que ses parents larguent les amarres pour le Vanuatu. Elle a vécu sur l’île d’Efate, à Port Vila, entre 9 et 14 ans. “C’est là-bas que ma passion pour le monde marin est née.” Elle garde de ce séjour de “très beaux souvenirs”. La beauté de l’île, la chaleur et la générosité de ses habitants l’ont profondément marquée. Inscrite à l’école, elle a passé tout son temps libre dans la nature en général, en mer en particulier. Son père avait monté une activité de croisières pour la pêche au gros, sa mère se chargeait de tout l’aspect marketing de ce commerce. “On avait un bateau. J’étais tout le temps sur l’eau. Les fonds sous-marins étaient magnifiques.” Son amour pour l’océan ne l’a depuis jamais quitté.

Elle est rentrée en France alors qu’elle était au collège. La transition n’a pas posé de problème, “car lorsque j’étais au Vanuatu, même si je me plaisais à Efate, la France me manquait”. Rapidement, toutefois, le Vanuatu a commencé à lui manquer une fois installée en métropole. Depuis, les îles l’appellent.

Devenir biologiste marin

Margaux Crusot a d’abord voulu être biologiste marin. Elle voulait étudier les fosses sous-marines, ces espaces situés à des milliers mètres sous la surface qui regorgent d’espèces vivantes uniques. En 3e, avec ses camarades de classe, elle a rencontré dans le cadre de son parcours, un homme du métier. “Je pense qu’il n’aimait pas son métier car il ne nous pas du tout encouragés à suivre sa voie, affirmant qu’il n’y avait pas de débouchés, que l’on pouvait passer sa vie à chercher quelque chose que l’on ne trouverait peut-être jamais...

Intéressée par l’aquaculture, elle a obtenu un baccalauréat scientifique et s’est inscrite en BTS aquacole à Annecy. “Une super expérience”, se rappelle-t-elle. “Quand on est passionné tout devient plus facile.” La formation, professionnalisante, lui a permis de faire des stages en ostréiculture, salmoniculture et en écloserie. Elle a pris conscience, que malgré tout l’intérêt qu’elle portait à l’aquaculture, elle ne pouvait imaginer un métier exclusivement technique. “J’ai eu peur de m’ennuyer.” Elle a donc poursuivi avec un Brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) supérieur. “L’idée était de faire l’équivalent d’une prépa pour intégrer une école d’ingénieur en 3e année.” Ce qu’elle a fait, et réussi. En 2013, Margaux Crusot est entrée à l’ISARA à Lyon, une école d’ingénieur engagée dans les transitions agricoles et alimentaires.

Un intérêt croissant pour l’environnement

Avec cette formation, Margaux Crusot a ajouté trois années d’études supplémentaires. Elle était en apprentissage à l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) où elle s’est penchée sur la génétique aquacole. “Grâce à cela, j’ai découvert que j’avais besoin d’aller sur le terrain et que je ne m’imaginais pas dans ce secteur : La génétique implique de passer beaucoup de temps devant un ordinateur.” Au cours de ce cursus, Margaux Crusot a également nourri un intérêt croissant pour l’environnement, la durabilité des pratiques, le management des ressources naturelles.

En 2016, peu avant d’être diplômée, elle s’est mise en quête d’un emploi. “J’avais besoin d’indépendance et d’autonomie.” Elle est tombée sur une annonce postée par l’Ifremer de Tahiti. “Je n’ai pas réfléchi : dans la foulée ma lettre de motivation était prête et envoyée. Je tenais à retourner dans les îles.” Le poste d’ingénieur en aquaculture consistait, via des méthodes durables, à améliorer les performances zootechniques et immunitaires des Paraha peue. Margaux Crusot a été embauchée à compter du mois de septembre 2016. Elle a été prise en contrat à durée déterminée d’un an, renouvelable une fois. L’expérience lui a plu. Elle a définitivement confirmé qu’elle voulait vivre sous les tropiques et travailler dans l’aquaculture marine.

En 2018, elle a trouvé un nouveau poste, à l’université cette fois-ci. Elle a été engagée pour mener à bien, au sein d’une équipe, le projet Perlibio. Ce projet poursuivait deux axes. Le premier était de réaliser un état des lieux global du gisement de déchets associés à la perliculture en Polynésie. “Je me suis basée sur des travaux existant effectué aux Gambier dans le cadre de Resccue.” Margaux Crusot a adapté la méthodologie éprouvée, reposant sur une enquête auprès des perliculteurs. Elle s’est focalisée sur deux atolls des Tuamotu, Arutua et Takapoto. Ils représentent à eux seuls 20% des activités perlicoles aux Tuamotu. “J’ai effectué plusieurs missions sur site. Ce projet, comme les suivants, a été mené en lien étroit avec les professionnels.” Le second axe était de développer une solution alternative pour remplacer les collecteurs actuels qui sont trop polluants.

Un deuxième projet a suivi. Baptisé Proto-Coll, il s’est étalé sur deux ans de 2020 à 2022. Un projet, comme Perlibio, cofinancé par la Direction des ressources marines et par l’université. “Il m’a permis de valider les prototypes de collecteurs mis au point dans le cadre de Perlibio, de prouver leur innocuité et de démontrer leur efficacité.” Enfin, s’en est suivi le projet Bioplates sur lequel Margaux Crusot œuvre toujours au sein d’une petite équipe. L’objectif ? Réduire la pollution plastique et la toxicité des collecteurs de bivalves en Polynésie et mettre au point des collecteurs biodégradables pour les perliculteurs dans le respect de leur pratique et leurs attentes.

Aujourd’hui Margaux Crusot se concentre essentiellement sur le développement d’une alternative. L’état des lieux des gisements est presque terminé. Elle s’apprête d’ailleurs à publier ses résultats. Elle vise, pour cela, le magazine Water Research, voire en deuxième intention le Journal of Waste managment. Il s’agit de titres de renom dans son domaine. Au-delà des chiffres, c’est toute la méthodologie qui devrait intéresser bon nombre de chercheurs du monde entier. “Il y a de nombreuses études en cours sur l’estimation du stock de déchets historiques produits par les pratiques aquacoles, mais très peu de publications paraissent sur les flux générés actuellement.” L’évaluation des gisements pose des difficultés, notamment parce qu’elle se base sur des données déclaratives. Les résultats de Margaux Crusot seront officiels d’ici un mois, ou deux.

Une thèse soutenue en septembre 2023

Depuis qu’elle est entrée dans le monde professionnel, Margaux Crusot est satisfaite de son statut d’ingénieur. Elle a tout de même décidé d’aller encore plus loin et de se lancer dans une thèse. “Cela s’est fait au fil des rencontres. Je m’aperçois que le statut de “docteur” légitime ce que l’on peut dire, faire ou encore écrire.” Elle soutiendra sa thèse intitulée Perliculture/environnement : vers une réduction des déchets plastiques produits à la fin du mois de septembre. Depuis janvier, elle est également attachée temporaire d’enseignement recherche (Ater). Malgré un emploi du temps (sur)chargé, elle trouve quand même le temps de suivre des cours de danse polynésienne, une activité commencée au Vanuatu, de plonger et de nager. Pour Margaux Crusot, tout reste possible, pourvu qu’elle soit à courte distance de l’océan.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 3 Mai 2023 à 22:03 | Lu 6306 fois