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Les victimes des essais nucléaires ont la parole


Tahiti, le 22 janvier 2025 – Deuxième journée d'auditions de la commission d'enquête réenclenchée par la députée Mereana Reid-Arbelot ce mercredi à Paris, autour d'une table ronde rassemblant des associations de victimes et des victimes des essais nucléaires. Des essais qui “étaient tout sauf propres”, ont notamment témoigné les intervenants, Michel Arakino pour le Sdiraf, dénonçant par ailleurs “l'opacité” du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).

 
Rien ne remplace les témoignages de première main”, a ainsi déclaré le président Didier Le Gac avant de céder la parole aux différents intervenants auditionnés pendant trois heures ce mercredi l'Assemblée nationale. La Fédération nationale des officiers mariniers (FNOM), l'association des vétérans des essais nucléaires (Aven), le Syndicat de défense des intérêts des retraités actuels et futurs (Sdiraf) mais aussi trois “vétérans isolés” étaient autour de la table ou en visio-conférence.
 
On a ainsi d'abord pu entendre le témoignage d'un ancien officier de marine atomicien, Michel Cariou. “L'État a toujours dit que les essais étaient propres. Quand j'ai entendu ça, j'ai sauté sur ma chaise. On fait exploser des bombes et on prétend que tout ça, c'est propre ? C'était impossible bien sûr”, a-t-il déclaré, expliquant que “la première bombe que nous avons fait exploser, c'était Aldebaran”, le 2 juillet 1966. Placée sur une barge dans le lagon de Moruroa, “c'était une bombe hyper sale” en raison du dépôt de produits radioactifs sur site qui se sont ensuite déplacés avec le vent sur le Pacifique.
 
“Le Civen ne joue pas pour nous”
 
Michel Arakino, vice-président du Sdiraf et ancien plongeur scaphandrier du centre d'expérimentation nucléaire avait 5 ans et demi quand ce premier tir a eu lieu. “J'ai grandi sur l'atoll de Reao et de Hao. J'étais enfant lors du passage des nuages d'Aldebaran et il n'y avait pas d'abris à l'époque”, a-t-il raconté. Devenu militaire puis plongeur, son travail consistait à faire des prélèvements sur les sites des essais et il a été contrôlé positif à la radioactivité. Il a ensuite pointé du doigt l'opacité du Civen qui “ne joue pas pour nous”, répondant ainsi au député Yoann Gillet qui s'interrogeait sur la “mauvaise foi” du Civen qui “recale des dossiers” alors que ces mêmes dossiers de demande d'indemnisation trouvent un écho favorable devant le tribunal administratif.
 
Même son de cloche pour Michel Cariou qui estime lui aussi que “le Civen ne fonctionne pas”, en se basant sur le rejet du dossier de son épouse atteinte d'une leucémie qui avait pourtant été reconnue comme maladie professionnelle par irradiation. L'ancien président de l'Aven, Jean-Luc Sans a lui aussi regretté que le Civen ne prenne pas suffisamment en considération “toutes les retombées directes sur Tahiti, certains problèmes dans les laboratoires, et les tirs sous-marins”. “J'ai le sentiment qu'il vaut mieux être Métropolitain que Polynésien pour faire valoir ses droits”, a réagi le député Jean-Paul Lecoq. La rapporteure Mereana reid-Arbelot a conclu en indiquant qu'il ne fallait pas oublier la période pré-CEP et qu'elle serait aussi abordée dans les prochaines auditions.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 22 Janvier 2025 à 14:31 | Lu 1191 fois