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Les prix bas à la pompe peuvent-ils tenir ?


Tahiti, le 22 septembre 2023 - Après avoir été quasiment à son plus haut entre août 2022 et février 2023, le prix du litre d’essence a graduellement baissé pour s’établir aujourd’hui à 155 francs. Mais avec la reprise des cours mondiaux à la hausse, une augmentation du prix à la pompe semble inévitable.
 
Ils sont loin les 107 francs du prix du litre d’essence à la pompe, première donnée recueillie en 1993 par l’Institut de la statistique de la Polynésie française en la matière. Aujourd’hui, ce même litre nous coûte 155 francs, après des fluctuations qui ont même conduit le prix du litre d’essence à 182 francs entre juillet 2012 et janvier 2013.
 
Dix ans plus tard, entre août 2022 et février 2023, après une décennie fluctuante, le litre d’essence se vendait à 181 francs à la pompe, avant de graduellement baisser, pour être arrêté par le gouvernement de Moetai Brotherson à 155 francs le litre en août 2023. Le gazole a suivi cette même courbe pour s’établir aujourd’hui à 160 francs le litre.
 
Cette baisse des prix est une aubaine pour les portefeuilles polynésiens. Mais pour autant, elle n’est pas sans conséquence pour le consommateur, et encore moins pour le Pays.
 

Soutien du Pays au FRPH

En effet, déjà en juin 2022, le gouvernement précédent expliquait dans un compte rendu du conseil des ministres que, alors que les prix étaient à 181 francs le litre pour l’essence et 183 francs le litre pour le gazole, le maintien de ces prix se faisait grâce à un soutien du Pays au Fonds de régulation des prix des hydrocarbures (FRPH). Ce fonds de régulation sert à la fois à offrir l'avantage d'un carburant subventionné à certaines professions aidées (pêcheurs, boulangers) et à amortir la fluctuation de prix des carburants à l’importation pour les stabiliser à la pompe. Cette participation du Pays au FRPH était alors pratiquée pour éviter “une augmentation des prix qui aurait dû être plus importante encore”.
 
Le baril de brut s’échangeait alors à 121 dollars sur les marchés mondiaux. Sur l’ensemble de l’année 2022, au total, si l'on ajoute les réserves initiales du FRPH, celui-ci aura englouti 11,5 milliards de francs, contre moins de 1 milliard de francs par an lors des trois derniers exercices budgétaires.
 
Depuis, à la faveur d’un prix du brut descendu progressivement jusqu’à 70 dollars le baril en avril 2023 et des promesses électorales locales, le prix n’a cessé de chuter avant que les cours mondiaux, eux, ne repartent à la hausse. 93 dollars le baril sur les marchés internationaux en septembre de cette année, soit autant qu’en février 2022, alors que le prix de l’essence à la pompe était au fenua de 146 francs.
 
Pas de quoi s’alarmer pour l’instant, sauf que de nombreux observateurs craignent aujourd’hui que les caisses du FRPH n’aient pas bénéficié de la chute des cours. “Le prix de l’essence à la pompe ne devrait pas continuer à baisser ainsi”, expliquait récemment un économiste de la place. “On aurait dû le maintenir légèrement plus haut pour regarnir le fonds car, lorsque les prix vont repartir à la hausse, on n’aura pas cet amortisseur et la hausse risque d’être brutale pour le consommateur.” À moins, là encore, d’une nouvelle intervention du Pays par le biais d’un versement prélevé sur le budget général.

Une augmentation inévitable

En juin dernier, le gouvernement accordait une nouvelle baisse des prix à la pompe. En août, ce même gouvernement mettait un point d'orgue à maintenir ces prix, symbole de “la mise en œuvre concrète des engagements pris concernant la protection du pouvoir d’achat des ménages en matière d’énergie, dans un contexte où les cours des hydrocarbures sur les marchés sont en hausse (+6,8% pour l’essence, +10,3% pour le gazole et +9,8% pour le pétrole) par rapport aux importations précédentes”.
 
Mais, interrogé sur le sujet à l'assemblée de la Polynésie française jeudi, Moetai Brotherson ne se leurre pas. “Le FRPH est un tampon. Il fonctionne tant qu'on peut l'alimenter et il faudra réajuster en fonction des prix. On a déjà réabondé au fonds lors du collectif budgétaire. On va certainement devoir en remettre, mais cela ne va pas pouvoir durer ad vitam æternam. À un moment donné, il faudra réajuster. Il n'y aura pas le choix.” Comprendre augmenter les prix à la pompe.
 
Le tout est désormais de savoir quand. “À quelle échéance, on ne sait pas encore”, expliquait Moetai Brotherson. “Mais c'est sûr que si les cours continuent d'augmenter à l'international, il faudra réajuster.”

Rédigé par Bertrand PREVOST le Lundi 25 Septembre 2023 à 12:06 | Lu 2053 fois