Tahiti Infos

Les derniers mois de Tupaia à bord de l’Endeavour


Vue de Batavia, par Sydney Parkinson. (Collection British Library).
Vue de Batavia, par Sydney Parkinson. (Collection British Library).
PAPEETE, 17 avril 2019 - La maison de la culture-Te Fare Tauhiti Nui accueille une conférence de l’historienne Corinne Raybaud, ce mercredi à 18 h 30 au Petit théâtre, dans le cadre des célébrations du 250e anniversaire de l’arrivée du capitaine James Cook. Tahiti Infos se joint à cet événement en publiant depuis le 12 avril une série quotidienne d'articles en lien avec cet événement historique. 

Le dernier volet de cette série s'intéresse au rôle de Tupaia lors du débarquement en Nouvelle-Zélande et à la mort prématurée du Tahitien, en Indonésie. 

Après la traversée du Pacifique et la réalisation de la carte, l’Endeavour arrive en vue de la côte Nord-Est de l’île du Nord le 8 octobre 1769. Ils débarquent le 9 octobre sur Aotearoa, le nom maori d’origine de l’île du nord de la Nouvelle-Zélande. Après un premier débarquement de quelques hommes, qui se voulait pacifique pour tisser les premiers liens, la situation tourne mal pour un Maori qui tentait de leur voler une de leurs deux embarcations. Après une seconde tentative quelques heures plus tard et cette fois en présence de Tupaia, James Cook note dans son Journal de bord : "Tupia  parla aux naturels dans sa langue maternelle et ce fut une agréable surprise de trouver qu’ils se comprenaient parfaitement."

Cette découverte permet d’établir le lien culturel et linguistique, entre ces peuples établis sur des îles très éloignées depuis plusieurs siècles. Au-delà du rapprochement des communautés qui est dès lors avéré, James Cook va utiliser les talents de communication de Tupaia pour établir des relations cordiales avec les Maoris, ce que son hôte tahitien fait avec plaisir. Cependant, les choses ne sont pas toujours aisées, car selon les lieux les habitants ne sont pas tous favorables aux débarquements et par endroits, l’accès leur est interdit en dépit des bons services de Tupaia qui essaie d’établir le lien.

La situation est donc variable et selon les endroits des deux îles, ils sont bien ou mal accueillis, peuvent descendre à terre et échanger ou doivent rester sur l’Endeavour et poursuivre leur route. Le 25 octobre, Joseph Banks note dans son Journal de bord une discussion entre Tupaia et un Maori à propos du cannibalisme qui semble-t-il le répugne. Il s’en fait expliquer les causes et on lui dit qu’on ne mange que les corps des guerriers vaincus.

Profil d’un Maori tatoué. Sydney Parkinson. (Collection British Library).
Profil d’un Maori tatoué. Sydney Parkinson. (Collection British Library).
En six mois de navigation autour des îles, Cook cartographie précisément la côte de Nouvelle-Zélande et Banks et Solander récoltent de nombreuses plantes et recueillent souvent avec difficultés des informations sur les mœurs guerrières des Maoris : leurs tatouages, leurs chants de guerre, leur pratique de l'anthropophagie, la conservation des têtes tatouées de leurs ennemis gardées comme trophées de guerre. Une étude comparative de quelques mots parlés à Tahiti et en Nouvelle-Zélande permet de comprendre la parenté des langues polynésiennes.

Après la Nouvelle-Zélande, et un détour par la Tasmanie, une partie du mois d’avril 1770 se passe en mer et le 28 avril, c’est la Nouvelle-Hollande (Australie) avec la découverte de Botany Bay. La déception de Tupaia est grande ainsi que celle de Cook et Banks, lorsqu’ils constatent que les Aborigènes et Tupaia ne se comprennent pas. C’est la fin du monde polynésien pour Tupaia.

Le 16 juin, Joseph Banks note que Tupaia est atteint du scorbut, sa santé est dégradée, on observe des taches livides sur ses jambes, malgré les médicaments administrés habituellement dans ce cas-là par le chirurgien du bord. Il n’est pas le seul, Charles Green est aussi très malade. Le 11 juin, l’Endeavour échappe de peu à un naufrage. La perte totale du navire est évitée de justesse. Il faut ensuite le réparer durant plus d’un mois, ce qui permet à l’équipage et Tupaia de se refaire une santé avec quelques produits frais.

En dépit du scorbut qui faisait des récidives sur ces corps malmenés par les privations, Tupaia et tout l’équipage accueillent l’arrivée à Batavia (actuellement Jakarta en Indonésie), comme une délivrance alors qu’en fait c’est le dernier port que beaucoup d’entre eux virent. Les premiers jours sont plaisants, mais la situation se dégrade très vite. Le 21 octobre Tupaia et Tayeto ou Taiata, son serviteur, sont à nouveau très malades. Tupaia réclame de l’air car il suffoque à Batavia. Banks le conduit sur la petite île de Kuyper pour respirer mieux. Tout le monde est malade, Monkhouse décède le 5 novembre, Tayeto le 9 et Tupaia le 11, puis Spöring le 24 janvier 1771, suivi de Parkinson le 26.

A leur retour en Angleterre en juillet 1771, on constate que le bilan de l’expédition est favorable, en dépit des nombreux décès dus aux maladies contractées à Batavia. Le passage de Vénus a été observé, la Terra Australis Incognita a été recherchée et les côtes de Tahiti, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie orientale ont été cartographiées. La rencontre avec Tupaia demeure un grand moment de cette expédition et grâce à son embarquement à bord de l’Endeavour et aux journaux de bord qui ont relaté son voyage, il est entré dans l’Histoire.

Corinne Raybaud, Docteur en Histoire, Docteur en Droit, est l'auteure du livre James "Cook, Joseph Banks et Tupaia, il y a 250 ans à Tahiti" publié aux éditions Mémoire du Pacifique.


Rédigé par Corinne Raybaud le Mercredi 17 Avril 2019 à 03:00 | Lu 3375 fois