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Le tribunal administratif, comment ça marche


Tahiti, le 26 janvier 2023 – Le tribunal administratif de Papeete a dressé jeudi son bilan annuel d'activité pour l'année 2022. Juridiction toute particulière sur le plan national, elle se démarque par un contentieux qui lui est propre, des délais de jugement et un stock d'affaires en cours à faire pâlir ses homologues de l'Hexagone.
 
Le bilan annuel d'activité du tribunal administratif a deux défauts majeurs. D'une part, il est ce qu'on appelle en journalisme un “marronnier”. Et d'autre part, il n'est assurément pas le plus simple à rendre digeste. Pour autant, le décryptage de l'activité de cette juridiction administrative – abondamment relayée dans nos colonnes – est bien loin d'être dénué d'intérêt pour comprendre comment fonctionnent – et surtout comment ne fonctionnent pas – les relations entre les administrés, les fonctionnaires et leur administration en Polynésie française.
 
Juridiction particulière
 
Plus petite juridiction administrative française, le tribunal administratif de Papeete fonctionne avec quatre magistrats et quatre agents de greffe. Il tient ses audiences toutes les deux semaines, sauf pour les référés – procédures d'urgence – qui sont audiencées en quelques jours après leur dépôt au greffe du tribunal. Lors des audiences habituelles, le rapporteur public rend ses conclusions à l'audience. Et la décision du tribunal est rendue sous quinzaine. “La fonction du rapporteur public est parfois mal comprise”, précise le président du tribunal administratif de Papeete, Pascal Devillers. “Parce qu'elle est parfois confondue avec celle de procureur sur le plan pénal.” En effet, le rapporteur public ne représente pas les intérêts de l'État. Il propose une solution au tribunal après avoir participé avec lui à la phase d'instruction. “C'est cette discussion qui explique le faible écart entre les conclusions du rapporteur et la décision du tribunal”, détaille Pascal Devillers.
 
Particularité du tribunal administratif de Papeete : il ne connaît pas du tout les mêmes types de dossiers que les juridictions françaises. Pas moins de 45% des affaires des tribunaux administratifs de l'Hexagone sont consacrés aux “contentieux des étrangers” avec les contestations d'obligations de quitter le territoire français. Et 13% des affaires concernent des “contentieux sociaux” concernant l'attribution du RSA ou le droit au logement. En Polynésie française, le nombre d'affaires relevant de ces deux types de contentieux est de… zéro. Les magistrats exerçant en Polynésie doivent en revanche se frotter au statut d'autonomie et s'habituer aux joies du partage des compétences entre l'État et le Pays, qu'ils ne retrouveront jamais plus ailleurs dans leur carrière. Autre particularité de la juridiction administrative polynésienne, elle brille chaque année par d'excellents “indicateurs de gestion”. En 2022, le tribunal a enregistré 568 nouvelles requêtes et il en a jugé 570. Pour la première fois l'an dernier, il ne compte aucun dossier de plus d'un an d'ancienneté. Pour se donner une idée de la singularité du phénomène, le tribunal administratif de Nantes compte aujourd'hui 18 000 dossiers en stock… Résultat, la juridiction administrative polynésienne juge vite : 7 mois et 25 jours en moyenne.
 
Que juge le TA de Papeete ?
 
Plus concrètement, le tribunal administratif traite principalement en Polynésie du contentieux de la fonction publique (170 dossiers en 2022). Il s'agit des litiges concernant les fonctionnaires et agents publics contre l'administration. On se souvient par exemple des policiers de la DTPN sanctionnés dans l'affaire des procurations. Viennent ensuite les contestations de marchés publics et contrats (52 dossiers), marqués notamment cette année par le recours contre le marché de la gestion de l'aéroport de Tahiti-Faa'a. Les infractions de voirie et du domaine (51 dossiers), dans lesquels figurent ceux du motu Terurumi à Bora Bora. Les contentieux de l'urbanisme et de l'aménagement (45 dossiers), ont également compté les recours contre les aménagements touristiques sur le motu de la Perle du Pacifique. Arrive ensuite le contentieux fiscal (45 dossiers), juste devant une particularité polynésienne avec le contentieux des indemnisations des victimes des essais nucléaires (40 dossiers). On note enfin pour 2022 que le tribunal n'a enregistré que 24 recours portant sur des “libertés publiques”, en forte baisse par rapport à la période Covid et avec moins de demandes d'indemnisations des détenus de Nuutania depuis la construction de Tatutu.
 
Enfin si l'année 2023 sera marquée par les élections territoriales, l'activité du tribunal administratif de Papeete ne devrait pour autant pas en être affectée. C'est en effet directement le Conseil d'État qui est le juge du contentieux des élections à l'assemblée de la Polynésie française. Le tribunal est uniquement susceptible d'être saisi de recours contre le refus d'enregistrer une liste par le haut-commissaire…
 

​Vinci devant le Conseil d'État pour l'aéroport de Tahiti-Faa'a

Annulé une nouvelle fois le 18 octobre dernier par le tribunal administratif de Papeete, le marché de la concession de l'aéroport de Tahiti-Faa'a devra attendre avant d'être relancé par l'État. Le président du tribunal administratif de Papeete, Pascal Devillers, a en effet confirmé jeudi que le candidat Vinci Airports avait formé un pourvoi devant le Conseil d'État contre la dernière décision de la juridiction administrative polynésienne. S'agissant toujours d'un référé – une procédure d'urgence –  le Conseil d'État devrait néanmoins se prononcer relativement rapidement.
 
Rappelons que la procédure d'appel d'offres avait initialement attribué le marché de la gestion de l'aéroport de Tahiti-Faa'a au groupement Egis-Caisse des dépôts et consignations (CDC) en 2010. Mais que ce marché avait été définitivement annulé en 2017. La seconde attribution du marché avait également bénéficié à Egis-CDC en 2021, avant d'être annulée dans la foulée par un recours du candidat comprenant notamment la CCISM. Le marché avait alors été confié au candidat arrivé en deuxième position, Vinci Airports, avant d'être là-encore annulé en fin 2022 par un recours de la CCISM.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 26 Janvier 2023 à 21:56 | Lu 1016 fois