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Le prix de la perle à son plus haut niveau depuis 15 ans


Crédit photo : Greg Boissy.
Crédit photo : Greg Boissy.
Tahiti, le 26 juillet 2023 - Le prix de la perle a atteint un record jamais égalé depuis quinze ans. Elle s'échange actuellement autour des 800 francs le gramme. Cette augmentation est la conséquence d'un regain soudain de la demande, conjugué à une chute de la production pendant les trois années de la crise Covid.
 
Le marché de la perle de Tahiti ne s'est jamais aussi bien porté depuis quinze ans. C'est ce qu'a rapporté l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) dans son rapport Te Avei'a 2023. En effet, le prix au gramme a atteint les 800 francs, son plus haut niveau depuis 15 ans. Une somme qui a plus que doublé en comparaison du prix de l'an passé, qui avoisinait les 300 francs le gramme. Une aubaine pour les perliculteurs mais également pour les négociants. “C'est une bouffée d'air frais pour nous. Les prix étaient tombés tellement depuis le Covid que ce n'était plus viable pour nous, nous perdions de l'argent sur nos stocks. Avec cette augmentation, tout le monde est gagnant”, explique Loïc Wiart, directeur de Poe Black Pearl. Interrogé par Tahiti infos, le négociant s'est même dit “impressionné” par cette hausse soudaine. Cette flambée des prix serait simplement une question “d'offre et de demande” pour le négociant. “J'achète presque dix lots qui me sont présentés sur dix. Mais je suis obligé, car l'offre est extrêmement élevée et que l'on doit fournir nos clients. C'est ce manque de perles qui a créé cette augmentation.” 
 
Lors de la crise du Covid-19, les perliculteurs ont cessé leur activité, forçant les différents négociants à quasiment vider leur stock, malgré une demande faiblarde. Une demande qui n'a pas réellement augmenté après la pandémie, ce qui a entraîné une timide reprise de la production. “Les prix se sont alors effondrés”, continue le négociant. “C'était une situation très rare. Mais c'est cela qui a entraîné la hausse que nous vivons actuellement. Aujourd'hui, la demande a repris d'un seul coup, tout le monde s'est remis à acheter des perles, États-Unis, Europe, Chine (plus gros marché pour la Polynésie, NDLR). Un effet de masse qui arrive lorsque nos stocks sont vides. Alors nous essayons tous d'en acheter, car nous n'arrivons pas à fournir nos clients. C'est une bataille de surenchère sur tous les achats.” À noter que la perle de Tahiti n'est pas la seule à avoir vu son prix exploser, celles d'Indonésie ou encore d'Australie sont également en plein boum.
 
La crainte de l'“effet yoyo”
 
Si actuellement, le marché prospère, les craintes d'un “effet yoyo" se dessinent déjà. En effet, avec cette augmentation des prix, la production est vouée à reprendre de plus belle, afin de fournir les clients potentiels, ce qui devrait entraîner inexorablement une nouvelle baisse du prix de vente. “C'est le risque”, reconnaît Loïc Wiart. “Cependant, ça ne sera certainement pas avant deux ou trois ans, car la production ne peut pas reprendre d'un coup. Il n'y a pas assez de greffeurs, tout comme il y a un problème d'approvisionnement en nacre. Tant que ces problèmes de matières premières ne sont pas solutionnés, la production ne pourra pas augmenter significativement.” Pour rappel, le manque de greffeurs est également dû à la crise du Covid, tous ceux provenant de Chine n'ayant pas pu revenir au fenua en raison de la fermeture des frontières. “II y aura forcément un effet de rattrapage”, ajoute-t-il. “Combien de temps les prix vont rester aussi hauts ? Je ne sais pas, personne ne le sait.” Un effet du rattrapage qui pourrait potentiellement créer un marché parallèle si les quotas de production ne sont pas rehaussés l'an prochain. Réajustés tous les ans, ils limitent la quantité de perles qu'un perliculteur peut vendre. Le risque de marché parallèle existe, mais reste tout de même minime en raison des obligations de déclaration d'entrées et de sorties des stocks imposées aux producteurs.
 
Outre cette augmentation des prix, depuis 2018, plus aucune vente aux enchères de perles n'a été organisée sur le territoire. Également interrogé sur ce sujet, Loïc Wiart estime qu'une reprise de ces événements serait une “bonne idée” pour les négociants locaux. “Elles se font à l'étranger désormais, c'est triste. Il y en a une qui se fait au Japon prochainement. C'est fou de se dire que pour acheter des perles de Tahiti, il faut aller au Japon ou même à Hong-Kong. Mais ce sont des entreprises et groupes privés, ils ont le droit de vendre où ils le souhaitent”, conclut-il.

6 milliards de recettes en 2022

Si, selon le rapport statistique 2022 de la Direction des ressources marines (DRM), les chiffres des recettes liées à la perliculture ont baissé l'an passé par rapport à 2021, le marché reste lucratif pour la Polynésie. En effet, en 2022, six milliards de recettes ont été enregistrées. Neuf tonnes de perles ont été exportées, un total qui représente 52% des bénéfices totaux des exportations locales.

Concernant le nombre d'exploitations autorisées au fenua, 34 étaient recensées l'année dernière : 29 dans les Tuamotu et à Mangareva et quatre aux îles Sous-le-Vent et à Tahiti. Le nombre de producteurs de perles et d'huîtres perlières a, lui, diminué durant cette période.

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 26 Juillet 2023 à 19:48 | Lu 4304 fois