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Le Conseil d'Etat interdit l'usage des drones de surveillance à Paris pendant le déconfinement


Paris, France | AFP | lundi 18/05/2020 - Les drones de la Préfecture de police de Paris ne peuvent plus survoler la capitale déconfinée: le Conseil d'Etat a interdit lundi l'usage de ces appareils qui étaient utilisés pour surveiller le respect des règles du déconfinement en dehors de tout cadre légal. 

La plus haute juridiction administrative ordonne "à l'Etat de cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone" à Paris, dans le cadre du déconfinement.  

Le Conseil d'Etat était saisi en référé (en urgence) par la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et la Quadrature du Net, dont le recours avait d'abord été rejeté par le tribunal administratif de Paris. 

"Quand j'ai découvert que l'utilisation des drones n'était pas encadrée, les bras m'en sont tombés", a raconté à l'audience vendredi Claire Rameix, l'avocate de la Quadrature du Net. 

Au centre des débats, la possibilité d'identifier les personnes filmées par ces drones sur la voie publique, ce qui pose la question du respect de deux libertés fondamentales: le droit à la vie privée et le droit à la protection des données personnelles. 

Le ministère de l'Intérieur et la Préfecture de police de Paris (PP) ont martelé que cette identification n'était pas l'objectif visé avec l'utilisation des drones: ils permettent, ont-ils assuré, de repérer des rassemblements de plus de dix personnes afin de déployer des forces de l'ordre pour disperser les personnes regroupées.

- Transposable partout en France -
Le représentant de la PP a cependant reconnu à l'audience qu'il était "éventuellement possible de reconnaître les gens" et "la couleur des vêtements" sur les images filmées par l'appareil, quand il vole à 80 ou 100 mètres du sol, ce qui est généralement le cas.

Dans son ordonnance, le juge retient les "risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles". L'usage de ces drones, sans cadre juridique, "caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée". 

Afin de pouvoir à nouveau utiliser ces drones, il faudra soit un arrêté pour encadrer leur usage, pris après avis de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), soit doter les appareils utilisés par la Préfecture de police de Paris de dispositifs techniques "rendant impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l'identification des personnes filmées". 

L'avocat de la LDH Patrice Spinosi a salué "la volonté du Conseil d'Etat de marquer son attachement aux libertés fondamentales". 

"Il n'y a aucune raison de penser que cette décision n'ait pas vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire français", a-t-il expliqué à l'AFP.  

"L'injonction a été prononcée à Paris, parce que nous avons attaqué l'utilisation des drones dans la capitale. Mais le raisonnement du Conseil d'Etat est parfaitement transposable et applicable sur tout le territoire français, dans les dizaines de villes qui utilisent" des drones de surveillance, a ajouté l'avocat de la Quadrature du Net Alexis Fitzjean O Cobhthaigh. 

"Le Conseil d'Etat rappelle que l'Etat n'a pas le droit de tout faire et que surtout, il y a des règles à respecter. C'est très important pendant les périodes d'état d'urgence, pendant lesquelles l'Etat recherche à être le plus efficace possible parfois au risque de piétiner les libertés", a réagi l'avocat.   

A la veille de l'audience devant le Conseil d'Etat, la préfecture avait fixé "une doctrine d'usage" pour les drones: les images ne devaient plus être enregistrées ou conservées. Mais cette "doctrine" ou "fiche technique" n'a donc pas été jugée suffisante par la plus haute juridiction administrative.

le Lundi 18 Mai 2020 à 04:38 | Lu 672 fois