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La stratégie touristique à la loupe du Cesec


Tahiti, le 19 novembre 2023 – Le Cesec s'est penché sur trois projets de lois relatifs à la stratégie touristique du gouvernement Brotherson. Si les conseillers ont émis des avis favorables avec recommandations à tous ces textes, ils font aussi des critiques. Et pointent notamment du doigt une “antinomie” entre “la politique fiscale” du Pays et son objectif “utopique” des 600 000 touristes.
 
 
Trois en un. Les conseillers du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) étaient invités ce lundi à émettre leur avis sur trois projets de loi du Pays du gouvernement : le premier sur le pilotage et la déconcentration de la politique touristique de la Polynésie française, le deuxième sur la règlementation en matière d'hébergement de tourisme, et enfin le dernier relatif aux aides en faveur des pensions de famille. Des avis qu'ils ont dû encore une fois donner “en urgence” et qui mettent en exergue le fait que le gouvernement ne se donne pas les moyens de ses objectifs.
 
Un “objectif utopique”
 
Celui du président Brotherson d'atteindre les 600 000 touristes d'ici dix ans est ambitieux et “cet objectif paraît utopique”, pointe le Cesec qui s'étonne ainsi des orientations prises au travers des dernières dispositions inscrites dans la loi fiscale qui vient d'être votée à l'assemblée. En effet, le gouvernement souhaite davantage soutenir la petite hôtellerie, en matière de défiscalisation, au détriment des grands hôtels, et privilégier les pensions de famille pour développer les îles moins touristiques que l'iconique Bora Bora. Une démarche louable en soi. Sauf que l'un ne va pas sans l'autre. Il en faut pour tous les goûts, et pour tous les portefeuilles.
 
Ne pas opposer les pensions de famille aux grands hôtels
 
Car, “les pensions de famille ne pourront, à elles seules, parvenir à tripler leur capacité d'accueil actuelle”, alertent les représentants de la société civile qui estiment que “les grands hôtels” restent un “réceptif indispensable”. Mais la taxation sur la propriété foncière que le gouvernement prévoit de mettre en place “impactera de façon considérable ces établissements hôteliers” ce qui pourrait faire fuir les investisseurs potentiels. Quid du “Village tahitien” ? s'interroge d'ailleurs le Cesec.

Dans la même veine, la proposition du gouvernement de supprimer le classement “Villas de luxe”, et donc les avantages qui vont avec, au motif qu'il s'agit d'un “marché de niche” ne nécessitant pas d'aides pour se développer est “discriminatoire”. Non seulement parce que ces structures font tourner l'économie locale “en ayant recours à des entreprises polynésiennes pour leur construction, ou à de la main d'œuvre locale pour leur fonctionnement”. Mais aussi parce qu'elles sont “assujetties à un impôt foncier adossé à la valeur locative du bien”.
 
Attention à la confusion des genres
 
Le projet de loi relatif à la règlementation en matière d'hébergement entend par ailleurs revoir la notion de pension de famille en favorisant leur montée en gamme par un système de classement. Attention toutefois à la confusion des genres, prévient le Cesec. Le gouvernement veut en effet gommer les chambres d'hôtes pour qu'elles soient désormais assimilées aux pensions de famille. Or, le distinguo doit être fait entre les “pensions de famille” (pour les établissements classés) et le “logement chez l'habitant” (pour les établissements non classés) souligne le Cesec. Car “fusionner” ces petites structures au sein d'une même catégorie serait “contreproductif, voire risqué” et pourrait même nuire à la “l'image de la destination”.
 
Un meilleur “cadrage budgétaire”
 
Les conseillers recommandent par ailleurs “un meilleur cadrage budgétaire qui soit abondé le cas échéant” pour l'installation des comités de tourisme qui ne dépendront plus du Pays mais de Tahiti Tourisme désormais. Une bonne chose d'ailleurs selon le Cesec.
Enfin, la quatrième institution du Pays pointe du doigt une dernière incohérence avec cet objectif de 600 000 touristes à l'horizon 2033 : “l'importance d'un tourisme inclusif et durable” tel que définie par la stratégie de développement touristique Fari'ira'a Manihini 2027, face à “une multiplication du nombre de visiteurs qui aura nécessairement des incidences tant en matière d'acceptation par la population qu'en matière de gestion des déchets”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 19 Décembre 2023 à 13:49 | Lu 2010 fois