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La réponse de la majorité à Mélenchon, pour qui la décolonisation est une "erreur de perspective"


La réponse de la majorité à Mélenchon, pour qui la décolonisation est une "erreur de perspective"
Le 18 août 2011, la majorité de l’Assemblée de la Polynésie française (APF) avait voté pour la réinscription de la Polynésie française sur liste des pays à décoloniser de l’ONU. Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidence de la République, avait répliqué dans une interview accordée il y a quelques jours à l'agence de presse GHM que, selon lui, cette demande du Pays était "une erreur de perspective" . Des déclarations qui font bondir la majorité.

“Mettre en cause le modèle institutionnel sans mettre en cause le modèle du capitalisme financier de notre époque me paraît très mal ajusté” avait déclaré le candidat du Front de Gauche, ajoutant : “s’il y a une économie atrophiée et des abus et des excès de prédation de toutes sortes, je ne crois pas qu’on fasse avancer le combat pour l’émancipation en le prenant par le bout institutionnel qu’a choisi Oscar Temaru”. Et de conclure : “Le nationalisme contourne la question du partage des richesses et celle du modèle économique que l’on défend”. (Les Nouvelles du 31 décembre).

Pour la majorité à l'APF (composée des groupes UPLD etTe Mana O Te Mau Motu), "M. Mélenchon semble ignorer à la fois les mécanismes de l’ONU et l’histoire coloniale de notre Pays".

Voici sa réponse.

La réponse de la majorité à l'APF à l'analyse de M. Mélenchon

La réponse de la majorité à Mélenchon, pour qui la décolonisation est une "erreur de perspective"
Les quotidiens du 31 décembre dernier et du 4 janvier, font état d’une déclaration de M. Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidence de la République. Ce dernier a indiqué que, selon lui, la demande du Pays de réinscription sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU était « une erreur de perspective ». Pour lui, il serait nécessaire de mettre d’abord en cause « le modèle du capitalisme financier de notre époque ». Il dit aussi que « le nationalisme contourne la question du partage des richesses ». Or, M. Mélenchon semble ignorer à la fois les mécanismes de l’ONU et l’histoire coloniale de notre Pays.

1/ Lorsque l’ONU inscrit un territoire sur la liste des pays à décoloniser, elle ne méconnaît pas les mécanismes qui sont à l’origine du système colonial.

Ainsi, en 1970, la Résolution 2621 (XXV), répétée pratiquement chaque année, dénonça les activités des intérêts économiques et financiers étrangers (ceux de la puissance coloniale ou ceux de ses alliés) et les installations militaires contraires à l’application de la déclaration de 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.

Le Comité de décolonisation rappela à la France en août 1993 que (extraits) :
« Les activités militaires risquent de porter atteinte aux droits et aux intérêts des peuples coloniaux et en particulier leur droit à l’autodétermination et à l’indépendance.
Les territoires coloniaux ou non autonomes ne doivent pas servir à des expériences nucléaires, au déversement de déchets nucléaires…
Le Comité déplore que l’on continue d’aliéner, au bénéfice d’installations militaires, des terres, notamment dans les petits territoires insulaires du Pacifique et des Caraïbes. Pareille utilisation d’importantes ressources locales risque de compromettre le développement économique des territoires intéressés ».

2/ Quant à l’histoire de notre Pays, elle a été parfaitement résumée par l’ancien ministre des Finances, M. Patrick Peaucellier (Les Nouvelles de Tahiti, 24 octobre 2011) : avec la colonisation nous avons eu une « économie de comptoir » et avec le CEP une « économie de garnison ».
Notre problème est que ceux qui ont été les complices et les profiteurs du système empêchent encore aujourd’hui toute réforme profonde qui permettrait de sortir de l’économie artificielle dans laquelle nous sommes empêtrés.

C’est pourquoi le Pays a besoin d’une intervention de l’ONU qui nous sortirait du face à face avec la seule France bien incapable d’admettre actuellement qu’elle est responsable du système qui nous paralyse. En parallèle, serait établi un accord de développement à long terme avec la France qui permettrait de corriger enfin cette économie artificielle et les inégalités sociales quelle a générées.

Dans le face à face avec la France, la Nouvelle-Calédonie ne parvenait pas à sortir du système colonial. À partir de la réinscription de 1986 et des accords de Matignon puis de Nouméa, elle a commencé à se débarrasser de la colonisation comme le reconnaissent aujourd’hui les responsables politiques de tous bords.

Nous partageons l’analyse faite par la représentante Eléanore Parker : « cette réinscription n’est pas la seule chose à faire pour remettre la Polynésie sur pieds, mais c’est un travail nécessaire » (18 août 2011).



Rédigé par FK avec communiqué le Jeudi 5 Janvier 2012 à 11:56 | Lu 2172 fois