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La décolonisation avec ou sans consultation populaire


Antony Geros, le président de l'assemblée, jeudi à Tarahoi lors des débats.
Antony Geros, le président de l'assemblée, jeudi à Tarahoi lors des débats.
Tahiti, le 12 décembre – Les élus de l'assemblée ont clos cette session administrative par l'examen des deux textes portés par Antony Géros relatifs à la décolonisation. Un “coup de force” dénoncé par l'opposition – et Hinamoeura Morgant-Cross du Tavini – qui souhaite une consultation populaire, rappelant que les Polynésiens sont majoritairement autonomistes et que le Tavini ne dispose que d'une majorité “législative” obtenue grâce à la prime majoritaire. Pour Tony Géros, une “résolution ne permet pas de faire une consultation populaire ou un référendum”.
 
Le marathon budgétaire n'aura pas entamé la détermination des élus à dénoncer d'un côté, et soutenir de l'autre, la proposition de résolution portée par Antoy Géros pour obliger l'État “à ouvrir le dialogue de décolonisation, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies”, et le projet de délibération “habilitant le président de l’assemblée de la Polynésie française à déposer un recours préalable auprès de l’État et, au besoin, à ester (faire valoir ses droits, NDLR) en justice devant toutes les juridictions françaises et internationales et les organismes onusiens compétents, en vue de faire cesser la violation du droit du peuple polynésien à l’autodétermination au sens de la Charte des Nations unies”.
 
Les 16 élus du Tapura, les trois non-inscrits Ahip mais aussi l'élue du Tavini Hinamoeura Morgant-Cross ont tous signé une proposition de modification à la résolution afin de mettre en place une consultation populaire avant d'adopter quoi que ce soit. Pour l'opposition, cette démarche est un “coup de force” orchestré par le Tavini, à l'instar de ce qui s'est passé en 2013 avec la réinscription de la Polynésie sur la liste onusienne des territoires non autonomes à décoloniser. Une réinscription obtenue, rappelons-le, grâce au soutien du Tahoera'a de Gaston Flosse à l'époque, même si aucun des deux camps ne s'en est vanté ce jeudi à Tarahoi. Il n'en demeure pas moins que depuis, “rien n'a changé”, a souligné Tepuaraurii Teriitahi qui, comme Nicole Sanquer et même Hinamoeura Morgant-Cross, martèle que la majorité des Polynésiens est autonomiste (75 000 aux dernières territoriales contre 58 000 pour le Tavini), rappelant que même Oscar Temaru avait récemment admis que son parti ne disposait que d'une “majorité relative” mais pas d'une majorité populaire. “On ne peut pas faire de consultation populaire ou de référendum local sur une résolution, ce n'est pas un texte normatif”, s'est défendu Antony Géros. Après avoir fait chou blanc à l'ONU, en Azerbaïdjan et à Genève, Antony Géros joue là ses dernières cartouches en cherchant l'appui des institutions polynésiennes, et de l'assemblée en particulier.
 
“C'est votre idéologie et nous la respectons sans la partager, mais elle ne peut pas être légitimée par notre assemblée en se fondant sur un concours de circonstance électoral et un maigre paragraphe de l'ONU”, a claqué Nicole Sanquer. “Par rapport à la consultation populaire, nous nous sommes engagés à demander l'avis de la population pour de grands projets (...) Mais ici, il s'agit juste de demander à l'État de reconnaître notre droit à l'autodétermination. (...) On n'a pas besoin de demander l'avis du peuple quand il s'agit de faire reconnaître un droit fondamental reconnu par les Nations unies”, a plaidé Vannina Crolas au nom du président du Pays qui avait quitté l'hémicycle pendant les débats.
 
Allen Salmon a finalement proposé une modification à la résolution. Écartant toujours la consultation du peuple, il y propose d'appeler l'État à créer “une instance de consultation dédiée au dialogue sur la décolonisation” avec élus, confessions religieuses, parlementaires, tāvana et syndicats. L'amendement et la résolution ont été adoptés par 37 élus du Tavini.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 12 Décembre 2024 à 20:22 | Lu 5213 fois