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La Cour suprême des Etats-Unis donne raison aux géants de la tech face à des victimes d'attentats


Crédit Stefani Reynolds / AFP
Crédit Stefani Reynolds / AFP
Washington, Etats-Unis | AFP | jeudi 18/05/2023 - Google, Facebook et Twitter ne peuvent pas être poursuivis par des victimes d'attentats qui leur reprochent d'avoir aidé le groupe Etat islamique en relayant sa propagande, a tranché jeudi la Cour suprême des Etats-Unis dans un dossier très suivi par le secteur de la tech.

La haute cour a accordé cette victoire de taille aux géants de la Silicon Valley sans entrer dans le débat plus large sur la loi qui les protège depuis un quart de siècle de poursuites pour les contenus qu'ils mettent en ligne.

Concrètement, elle s'est prononcée sur deux affaires distinctes.

Dans la première, les parents d'une jeune Américaine tuée dans les attentats de novembre 2015 à Paris avaient porté plainte contre Google, maison mère de YouTube, à qui ils reprochaient d'avoir soutenu la croissance de l'EI en suggérant ses vidéos à certains usagers.

Dans la seconde, les proches d'une victime d'un attentat contre une discothèque d'Istanbul, le 1er janvier 2017, estimaient que Facebook, Twitter et Google pouvaient être considérés "complices" de l'attaque, car leurs efforts pour retirer les contenus du groupe EI n'avaient pas été suffisamment "vigoureux".

"Le fait que des mauvais acteurs profitent de ces plateformes ne suffit pas à assurer que les accusés ont consciemment apporté une aide substantielle" aux jihadistes, écrit le juge Clarence Thomas dans l'arrêt unanime de la Cour. "Les allégations des plaignants sont insuffisantes pour établir que les accusés ont aidé l'EI à réaliser son attentat", conclut-il.

"S'effondrer" 

Autre motif de soulagement dans la Silicon Valley: la haute juridiction "décline" l'invitation à préciser la portée de la "section 230", une loi datant de 1996 qui confère une immunité judiciaire aux entreprises numériques pour les contenus mis en ligne sur leurs plateformes.

Les grandes entreprises du secteur défendent bec et ongles ce statut d'hébergeurs - et non d'éditeurs - qui a selon elles permis l'essor d'internet.

Mais cette disposition ne fait plus consensus: la gauche reproche aux réseaux sociaux de s'abriter derrière cette immunité pour laisser fleurir des messages racistes et complotistes; la droite, outrée par le bannissement de Donald Trump de plusieurs plateformes, les accuse de "censure" sous couvert de leur droit à la modération.

Compte tenu de ces perspectives divergentes, les efforts législatifs pour amender le texte n'ont jamais abouti.

Lors de l'audience en février, les juges de la Cour suprême avaient eux aussi exprimé des doutes sur la pertinence actuelle de la "section 230", mais aussi leur réticence à toucher à une loi devenue fondamentale pour l'économie numérique.

Changer la jurisprudence pourrait "faire s'effondrer l'économie numérique, avec toutes sortes de conséquences pour les travailleurs et les fonds de pensions etc", avait ainsi noté le chef dela Cour John Roberts.

"Punching ball" 

Jeudi, leur retenue a satisfait le secteur technologique et les défenseurs de la liberté d'expression.

"La Cour a reconnu à juste titre la portée limitée de ces dossiers et a refusé de réécrire un aspect central du droit de l'internet, protégeant la liberté d'expression en ligne et une économie numérique fleurissante", a dit à l'AFP Matt Schruers, président de l'association professionnelle CCIA.

"Grâce à cet arrêt, la liberté d'expression en ligne survit et va pouvoir affronter ses nouvelles batailles", a ajouté dans un communiqué Patrick Toomey de la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU.

Quant au sénateur démocrate Ron Wyden, coauteur de la section 230, il a "apprécié la décision réfléchie" de la Cour pour qui "les plaignants ne pouvaient pas gagner leur procès, même si la section 230 n'avait pas existé". Bien que cette loi "soit devenue un +punching ball+ et qu'on lui impute tous les maux de l'internet, elle reste essentielle pour permettre aux usagers de s'exprimer en ligne", a-t-il estimé dans un communiqué.

L'agence de notation Moody's est restée plus prudente. "Tant que le débat sur la section 230 n'est pas terminé, nous considérons cet arrêt comme marginalement positif: les entreprises restent exposées à des inquiétudes des régulateurs sur leur tendance monopolistique, qui font l'objet de poursuites", a souligné un de ses analystes, Emile El Nems.

le Vendredi 19 Mai 2023 à 00:08 | Lu 552 fois