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L'étiquette nutritionnelle débarque: vrai progrès ou poudre aux yeux?


Paris, France | AFP | vendredi 12/12/2014 - Sel, pas "sodium". Huile de palme, pas "graisse végétale". L'Europe veut obliger les industriels à parler clair sur l'emballage des aliments mais le règlement qui entre en vigueur samedi est déjà dénoncé comme une occasion ratée.

L'Inco, "Règlement relatif à l'information sur les denrées alimentaires", entrera en vigueur progressivement jusqu'en 2016 sur tous les produits pré-emballés, afin d'encadrer les mentions et valeurs nutritionnelles obligatoires.

Pour la plupart des détracteurs, un feu tricolore ou tout autre code couleur aurait simplifié l'information du consommateur, mais l'idée a été écartée par les trois années de lobbying et de négociations entre la Commission à Bruxelles, le Parlement européen et l'industrie agroalimentaire.

Celle-ci défend un vrai travail, "qui garantit une lisibilité renforcée et de vrais progrès, comme la mise en évidence des allergènes", juge Camille Helmer, responsable des Affaires réglementaires à l'Ania, l'association des industriels du secteur.

Elle cite la taille minimale des caractères figurant sur l'étiquette nutritionnelle, au dos du paquet (1,2 mm): "Celle du Journal Officiel est inférieure", note-t-elle (mais on ne l'achète pas non plus en supermarché et la Commission avait demandé 3 mm). Ou la mise en évidence de 14 allergènes, de fait unanimement saluée. Comme la mention d'une congélation/décongélation.

Elle fait également valoir les nouveaux tableaux de valeur: ceux déjà présents sur plus de 80% des emballages portaient sur les lipides, protéines, glucides et calories. Ils comporteront dorénavant aussi les teneurs en acides gras saturés, sel et sucre. Et on parlera de "matières grasses" pour être bien compris du consommateur. Chaque valeur sera exprimée pour 100 grammes ou 100 millilitres, de façon homogène.

"Beaucoup de propositions de la Commission ont été conservées et adaptées aux attentes et aux enjeux de l'industrie", soutient Camille Helmer. "On peut être critique, mais c'est un compromis. Un juste milieu entre les exigences des institutions et les attentes de l'industrie."

Mais, pour l'ONG allemande Foodwatch, spécialiste de la dénonciation des fraudes alimentaires, "on ne sera pas mieux informé que par le passé. Ce règlement permet à l'industrie de poursuivre sur la voie des petites ruses légales bien planquées", accuse sa représentante Ingrid Kragl.

- 'Un vrai jeu de piste' -

"On ne sait toujours pas si les animaux sont nourris aux OGM, une demande forte pourtant", cite-t-elle. Ni l'origine de la plupart des produits - dont la viande transformée. Elle regrette que l'industrie ait refusé l'étiquette nutritionnelle sur la face des paquets, la renvoyant "en petit au dos". "D'autant qu'elle a toujours droit aux visuels trompeurs: de belles fraises sur la boîte même si le produit fini n'en contient qu'une infime quantité."

Le fabricant conserve le droit de mettre en avant une teneur en sucres ou en gras sur la base des "apports journaliers recommandés", pas toujours très clairs ou de clamer le nombre de calories "par portion", dont il définit lui-même la taille.

Quant aux feux tricolores, pourtant plébiscités par 80% des consommateurs (étude Nutri-Net Santé de l'Inserm), mais jugés "simplistes" par l'industrie, ils auraient "favorisé la comparaison entre les marques", estime-t-elle.

Même regret de l'UFC-Que Choisir: "On réclamait un étiquetage lisible, aujourd'hui c'est un vrai jeu de piste", déplore Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation de l'organisation de défense des consommateurs.

"On a plus de 40 informations chiffrées sur un paquet! Ce n'est pas au consommateur d'acquérir une expertise compliquée pour comprendre mais aux autorités d'expliquer."

"Une étiquette simplifiée assortie d'un système de couleurs permettrait d'identifier le bon produit. Avec un système en 5 couleurs, on trouvait facilement le meilleur choix nutritionnel parmi les produits déjà proposés dans pratiquement chaque famille, même les céréales et les charcuteries", affirme-t-il.

"Il ne s'agissait pas d'interdire certains produits mais de dire, +Attention! C'est riche et gourmand, ne pas abuser+", insiste-t-il. "Mais le lobbying acharné de l'Ania l'a empêché. Alors que le vrai problème de l'alimentation c'est son déséquilibre et que 90% de notre assiette est constitué d'aliments transformés."

Pour lui, c'est là "la grande occasion manquée du règlement Inco: tout ça pour ça, on a envie de dire".

Rédigé par () le Vendredi 12 Décembre 2014 à 05:44 | Lu 257 fois