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L’épidémie de dengue en phase d’accélération en Polynésie


le docteur Henri-Pierre Mallet, responsable du bureau de veille sanitaire avec  Anne-Laure Berry épidémiologiste du service.
le docteur Henri-Pierre Mallet, responsable du bureau de veille sanitaire avec Anne-Laure Berry épidémiologiste du service.
PAPEETE, mercredi 3 juillet 2013. Si l’épidémie de dengue déclenchée en Polynésie française en février dernier a progressé lentement au cours des derniers mois, une phase d’accélération a été observée au cours du mois de juin par l’équipe du Bureau de veille sanitaire : presque le double de cas confirmés en juin par rapport à mai 2013. «Début février l’alerte a été lancée dès l’apparition des premiers cas confirmés car nous n’avions pas eu de cas de dengue depuis mi 2011» précise le docteur Henri-Pierre Mallet qui dirige la petite équipe de quatre personnes qui assure la veille sanitaire des maladies infectieuses en Polynésie française. La dernière grande épidémie de dengue en Polynésie remonte en 2009 : la dengue (de sérotype 4) avait alors atteint environ 40 000 personnes. Après cette grande épidémie, la dengue avait continué à circuler de manière endémique avec quelques cas isolés ici et là ; puis plus rien durant 22 mois entre mi avril 2011 et février 2013. Aussi la survenue du premier cas confirmé le 6 février 2013 a provoqué l’alerte épidémique immédiate alors qu’habituellement le seuil épidémique est fixé entre 10 et 20 cas confirmés par semaine. Or, depuis le mois de juin 2013 ce seuil épidémique de référence a été atteint, parfois même dépassé. Cette fois, c’est certain, l’épidémie de dengue est bien présente et la progression lente de la propagation du virus, observée jusqu’à présent pourrait cesser et devenir nettement plus active.

D’autant que la dengue de type 3 a pris tout récemment le dessus sur la dengue de type 1(il existe quatre sérotypes de dengue) qui était la plus répandue au cours des derniers mois. Or, la population polynésienne est nettement plus immunisée contre ce sérotype 1 responsable d’une épidémie il y a quelques années, entre 2007 et 2008. La dengue de sérotype 3 qui circule en Polynésie depuis quelques cas mois provient d’un cas importé. Il vient d’une touriste venue de Guyane visiter sa famille en Polynésie. Les investigations menées par le bureau de veille sanitaire autour de chaque cas confirmé ont permis de trouver le point d’origine chez cette touriste. «C’est un schéma classique lors des épidémies de dengue en Polynésie. Un sérotype qui a déjà circulé et contre lequel une partie de la population est immunisée cède le pas à un sérotype moins courant» détaille le docteur Henri-Pierre Mallet. La population polynésienne étant moins immunisée contre cette dengue 3, la progression de l’épidémie paraît inévitable. «Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour limiter la propagation, pour ralentir l’épidémie, mais il faut se rendre à l’évidence : on n’arrête pas une épidémie de dengue».

Depuis le mois de février chaque cas confirmé de dengue dont l’information est communiquée par les médecins du réseau sentinelle et le laboratoire Mallardé (qui effectue les analyses biologiques) est en effet soumis à une enquête précise du Bureau de veille sanitaire pour en trouver l’origine. De même, le Centre d’hygiène et de salubrité publique se déplace quasiment auprès de chaque cas confirmé pour éradiquer les moustiques adultes et détruire les gîtes larvaires dans la maison du malade et les alentours, jusqu’à 150 mètres autour de la maison ce qui correspond à la portée de vol d’un moustique. Mais ce travail de fourmi face au moustique vecteur de la dengue a ses limites. «Avec 10 à 20 cas confirmés par semaine nous arrivons à la limite des possibilités de nos moyens. Si les cas confirmés se multiplient, on ne pourra plus faire face» admet le docteur Henri-Pierre Mallet. L’inquiétude du Bureau de veille sanitaire d’une diffusion beaucoup plus active de l’épidémie de dengue se situe plutôt pour la prochaine rentrée scolaire. Actuellement la saison sèche et fraîche permet encore de limiter l’éclosion massive des moustiques tigres vecteurs de la maladie. Enfin, l’épidémie de dengue en cours jusqu’ici en Polynésie française n’a provoqué aucun cas grave : pas de dengue sévère ni hémorragique. Sur les 160 malades confirmés, 19 seulement ont été hospitalisés, majoritairement des enfants, pour une surveillance plus resserrée de leur taux de plaquettes sanguines par exemple ou des effets d’une forte fièvre.


Les foyers de dengue se déplacent

Au début de cette épidémie de 2013, les cas de dengue confirmés étaient surtout localisés à Mahina et Moorea. Désormais, le Bureau de veille sanitaire observe un foyer actif à Punaauia. Des cas isolés surviennent néanmoins en zone urbaine, de Pirae à Papeete, et également vers la presqu’île de Tahiti. Dans les Tuamotu, après quelques cas à Rangiroa, un foyer semble s’installer à Fakarava. «Le problème est surtout de savoir si les cas qui surviennent dans les îles font souche et conduisent à une introduction du virus. A Fakarava, il semble que ce soit le cas» détaille le docteur Henri-Pierre Mallet. Quelques cas ont également été signalés à Bora.


Dengue : la protection doit commencer par soi-même


Forte fièvre, douleurs articulaires, grosse fatigue : les symptômes de la dengue restent vagues. Il faut parfois y ajouter des effets digestifs et en fin de maladie parfois une éruption cutanée. Petit rappel : une personne atteinte par le virus de la dengue incube durant une semaine avant que les premiers signes de la maladie apparaissent ; la maladie elle-même dure en général une semaine durant laquelle la personne atteinte peut transmettre le virus à un moustique vecteur qui lui-même incubera le virus durant une semaine avant de pouvoir de nouveau le transmettre par une piqure. Aussi les malades atteints de la dengue doivent impérativement se protéger des piqures de moustiques pour éviter que leur entourage ne soit atteint par ricochet une à deux semaines plus tard. Eviter les piqures de moustique en utilisant des répulsifs cutanés (avec au moins 25% de DEET, sinon ce n’est pas efficace, mais moins de 50% pour les enfants).
Enfin pour lutter contre les moustiques efficacement rien de mieux que d’éliminer dans sa maison et atour de chez soi tout ce qui peut recueillir les larves des moustiques : coupelles de pots de fleurs, réservoirs à eau, vieux pneus. Un nettoyage régulier des gouttières et autres regards de pluie est fortement conseillé pour éviter toute eau stagnante.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 3 Juillet 2013 à 12:03 | Lu 1893 fois