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L'Autorité de la concurrence : comment ça marche ?


A gauche, Jacques Mérot. A droite, Bruno Lasserre
A gauche, Jacques Mérot. A droite, Bruno Lasserre
Papeete, le 28/07/2015 - A l'occasion du lancement de l'Autorité de la concurrence en Polynésie, Bruno Lasserre, le président de la Haute autorité de la concurrence en métropole est venu présenter le modèle de cette institution à la CCISM, le 24 juillet. Il faudra désormais le transposer à la Polynésie française.

Les grands principes de la concurrence :

- L'Autorité de la concurrence a besoin d'indépendance. Elle est là pour juger de la transparence des entreprises et rendre des comptes.
- L'expertise de l’Autorité doit être transversale et sectorielle "Il ne faut pas se laisser influencer par un rapport de force".
- Flexibilité et pragmatisme : ce n’est pas à l'autorité de la concurrence de juger de la place des entreprises.
Les outils pour mettre en œuvre une politique de la concurrence :
- Le contrôle des concentrations : fusion et achats. L'Autorité doit vérifier que le marché laisse la place à la concurrence.
- Lutte contre les ententes : les entreprises ne doivent pas s'entendre avec leurs concurrents, notamment sur les prix. " Cela arrive dans des secteurs très puissants où les cadres commerciaux s'entendent", commente Bruno Lasserre. Attention, l’entente entre entreprise est « formellement interdite » en Polynésie française ! L’Autorité applique la « tolérance zéro » car c’est un principe même de l’économie de marché.

- Comment démantèle-t-on un cartel ? Le fait que deux ou trois personnes pratiquent le même prix c'est pas suffisant pour démanteler un réseau qui s’entend sur les prix. « Le parallélisme des prix n'est pas une preuve, il faut une collusion », indique Bruno Lasserre. « Il faut des visites surprises, une preuve documentée », ajoute-t-il. Par exemple, un jour des agents de l’Autorité ont surpris des commerciaux qui déjeunaient ensemble et au moment où ils sont passés à l'entente sur les prix, les agents de l'autorité ont saisi les notes manuelles, les portables et les ordinateurs.

- Le droit de la concurrence ne punit pas la position dominante, il punit l'abus de pouvoir de marché. Selon Bruno Lasserre, « on dit trop souvent que la concurrence est bonne pour la consommation, mais elle est aussi bonne pour l'entreprise. Les premiers à bénéficier de la concurrence sont les acheteurs, ils vont être sensibles au prix évidemment. C'est vrai que la concurrence dérange, elle est une stimulation nouvelle, elle créée l'offre, des emplois, des nouvelles opportunités… Sur le long terme, l'équilibre est bien meilleur. »

Sanction à 5 % du chiffre d’affaires

L'Autorité de la concurrence pourra sanctionner jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires des entreprises de Polynésie française. Toutes les entreprises actives en Polynésie sont concernées, pas seulement les entreprises établies sur le territoire. Par exemple, en France, 1,3 milliard d'euros d'amendes ont été distribuées par l’Autorité en 2014.


Exemples de la mise en œuvre de l’Autorité de la concurrence dans les départements d’Outre-mer
Déménagement de militaire : le 18 novembre 2014, l’Autorité a sanctionné trois entreprises de déménagement pour avoir réalisé des devis de complaisance en vue de fausser la concurrence sur le marché des déménagements de militaires en Martinique.
Produits laitiers : le 24 juillet dernier, le leader des produits laitiers frais aux Antillles a écopé de 1,6 millions d’euros d’amende pour avoir dénigré les produits laitiers d’un de ses concurrents bretons.

3 questions à Jacques Mérot, le nouveau président de l’Autorité de la concurrence en Polynésie française.

Jacques Mérot est magistrat depuis 15 ans. Il travaillait auparavant à la chambre régionale et territoriale des comptes dans le Nord Pas de Calais – Picardie. Il sait « trancher et apprécier » et a déjà dû traiter des questions peu éloignées de celles de la concurrence.

Quand les membres de l’Autorité de la concurrence en Polynésie seront-ils nommés ?

D'ici à la mi août, les nominations pourraient avoir eu lieu. Je ne pense pas que d’ici à la fin de l’année nous puissions travailler sur une affaire de pratique illicite car cela demander beaucoup de temps mais nous pourrons démarrer en travaillant sur des affaires de concentration d’entreprises.

Sur une île, est-il possible d’avoir des membres impartiaux ?

Même dans le contexte de la Polynésie française, nous sommes en mesure de faire fonctionner l’Autorité de la concurrence. Il y en a bien une dans les îles Fidji et Maurice. Mais nous sommes dans un contexte qui oblige à prendre des précautions, les membres devront déclarer leurs intérêts.

Que cela veut-il dire « déclarer ses intérêts » ?

C’est une fonction déontologique pour se prémunir des risques, qu’il soit au service de l’instruction ou au collège. Quand il y a des liens familiaux dans les affaires, on demandera aux membres de l’Autorité de ne pas s’en occuper. Dans l’économie polynésienne, il y a forcément des relations entre les gens mais cela peut fonctionner.

Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Mardi 28 Juillet 2015 à 11:46 | Lu 2484 fois