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Irian Jaya : l’armée papoue renforce sa présence militaire à la frontière


Irian Jaya : l’armée papoue renforce sa présence militaire à la frontière
PORT-MORESBY, lundi 18 février 2013 (Flash d’Océanie) – Le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée a débloqué en fin de semaine dernière des crédits supplémentaires en vue de renforcer sa présence militaire à la frontière que ce pays partage avec l’Indonésie et son territoire limitrophe de Papouasie occidentale (Irian Jaya).
Ces crédits, de l’ordre de 2,5 millions de dollars US, devraient servir à déployer le plus rapidement possible des troupes papoues dans cette zone frontalière aux alentours de la ville papoue de Vanimo, où des incidents frontaliers se produisent régulièrement, impliquant des membres des forces armées indonésiennes à la poursuite de membres présumés du mouvement séparatiste OPM, rapporte lundi le quotidien The National.
Ces accrochages, qui impliquent aussi des incursions des forces indonésiennes en territoire papou, provoquent aussi régulièrement des tensions entre les deux gouvernements.
Cette situation, selon le Premier ministre papou Peter O’Neill, nécessite une « attention immédiate », en réponse à ce que le gouvernement papou considère comme l’implantation de nouveaux « postes militaires » indonésiens dans cette région.
Parmi les premières mesures envisagées pour ce plan de sécurisation de la zone frontalière : le déploiement d’un navire de la marine nationale, chargé de surveiller toute cette zone et d’éventuelles atteintes aux droits des civils y résidant.
Fin janvier 2013, le gouvernement papou, réagissant à de nouveaux incidents entre villageois papous et soldats indonésiens, tentait de calmer le jeu en annonçant que la question serait résolue entre les deux gouvernements de manière diplomatique
Les villageois papous de la région de Wutung affirmaient alors que les soldats du territoire voisin leurs interdisaient désormais l’accès à leurs jardins, de l’autre côté de la frontière, les privant ainsi d’accès à leur principal moyen de subsistance.
Jusque là, ces villageois bénéficiaient d’un accès spécial, prévu dans un « Traité de Respect Mutuel » signé en 1986 entre Port-Moresby et Djakarta, afin de gérer les flux humains tout au long de cette frontière commune, qui fait près de huit cent kilomètres.



Irian Jaya : l’armée papoue renforce sa présence militaire à la frontière
La ville de Jayapura est située en zone frontalière, côté indonésien, toute proche de la partie orientale de l’île de Nouvelle-Guinée, constituée par l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La Papouasie occidentale, également connue sous le nom d’Irian Jaya, est une ancienne province hollandaise annexée par l’Indonésie.
Depuis de nombreuses années, un mouvement séparatiste mélanésien (OPM), s’oppose violemment au pouvoir indonésien dans cette province, où se trouve aussi l’une des plus grandes mines d’or du monde, Freeport McMoran, dont les employés américains sont la cible d’attaques régulières, sur le mode de la guérilla de jungle, de la part des sécessionnistes.
Les dernières tensions remontent à août 2009, avec l’attaque d’un autobus par des tireurs embusqués, faisant au moins cinq blessés par balles parmi les occupants du véhicule, employés par la société minière.
Quelques jours avant, de précédentes embuscades avaient fait trois morts, dont deux ressortissants australiens employés de la mine.
La troisième victime, retrouvée au fond d’un ravin, était un policier indonésien.
Alors que le gouvernement indonésien avait rapidement attribué ces attaques au mouvement séparatiste de libération pro-mélanésien OPM, cette organisation a depuis farouchement démenti toute implication.
Depuis, les convois, dans cette région, sont sécurisés par un important dispositif de véhicules de sociétés de gardiennage et de protection des personnes.

En juillet 2011, cette sensible zone frontalière avait dû être une nouvelle fois fermée « indéfiniment » à la circulation, à la suite de nouveaux incidents entre populations locales et forces armées.
Les incidents avaient eu pour origine une nouvelle intrusion indonésiennes en territoire papou, de l’autre côté de la frontière, un poste militaire aurait été particulièrement pris pour cible et subi d’importants dégâts matériels.
Joe Sungi, administrateur provincial, tout en condamnant ces actes, avait à cette occasion exhorté les dirigeants coutumiers de la zone à coopérer en livrant à la police toute personne suspecte pouvant fournir des renseignements utiles dans le cadre de l’enquête qui vient d’être ouverte.


Récente opération de « nettoyage » à la frontière papoue-indonésienne

Irian Jaya : l’armée papoue renforce sa présence militaire à la frontière
Entre mi-janvier et fin février 2011, dans cette même zone, la police et l’armée de Papouasie-Nouvelle-Guinée ont conduit une opération musclée baptisée « Sunset Merona », avec comme objectif affiché de « nettoyer » la zone frontalière, proche de la province indonésienne de Papouasie occidentale (Irian Jaya).
Pour cette opération menée en mode coup de filet et censée durer un mois et demi, un accent particulier est porté sur les activités de trafic d’armes, de stupéfiants ou encore de blanchiment d’argent.
Le Colonel Vagi Oala, qui commandait le contingent de l’armée papoue participant à ces opérations, s’adressant à ses soldats en janvier 2011, leur a donné pour instruction de « localiser, fouiller et détruire » d’éventuels camps rebelles de l’OPM (Operasi Papua Merdeka), rapportait la semaine dernière le quotidien papou The National.
« Leur présence sur notre sol est illégale, elle a aussi perturbé les activités normales de nos concitoyens le long de la frontière », a lancé l’officier.
Le Premier ministre papou de l’époque, Sir Michael Somare, renchérissait pour sa part en affirmant que cette opération était largement menée en réponse à une demande des populations riveraines, dans la province du Sépik oriental.
Cette opération spéciale avait, depuis son lancement, suscité de nombreuses réactions hostiles et indignées, notamment de la part des élus locaux et des populations.
Selon le plan annoncé et ensuite mis à exécution par le gouvernement, la police et l’armée papoues, il s’agissait, depuis la capitale provinciale de Vanimo (ville papoue la plus proche de la frontière avec l’Irian Jaya) de frapper un coup décisif dans la lutte contre les activités jugées illégales de trafic d’armes, de marchandises et de personnes).
Dans cette zone, ces dernières années, plusieurs accrochages et poursuites entre le mouvement rebelle indépendantiste OPM (mouvement mélanésien de libération de la Papouasie) et les forces indonésiennes se sont terminés de l’autre côté de la frontière.
Des comptes-rendus avaient à l’époque fait état de plus de cent cinquante personnes interpellées puis de plus d’une centaine d’entre elles en situation d’immigration illégale, placées dans un camp « provisoire » de rétention, dans la province de l’Ouest.
Dans la plupart des cas, les interpellations ont eu lieu sur fond de soupçon d’appartenance à l’organisation indépendantiste OPM.



Des méthodes critiquées

Irian Jaya : l’armée papoue renforce sa présence militaire à la frontière
Mais face à une opposition grandissante des populations locales, qui se déclarent persuadées que plusieurs maisons ont été incendiées par des éléments présumés appartenir à la police et à l’armée, le ton est monté de la part des élus, dans le cadre d’un débat désormais national.
L’un des politiques les plus volubiles dans cette controverse a été, début février 2011, Powes Parkop, gouverneur de la Province de la capitale Port-Moresby.
Il avait notamment estimé sans ambage que cette opération avait « fait plus de mal que de bien » et devait par conséquent être interrompue.
Le Gouverneur avait poussé plus loin sa démarche en adressant directement une lettre au Premier ministre papou Sir Michael Somare, missive dans laquelle il estime que cette opération de « nettoyage » sert avant tout les intérêts de l’Indonésie voisine.
« J’en appelle à vous pour mettre immédiatement un terme à cette opération, étant donné que de toute évidence, notre gouvernement et notre police sont utilisés par le gouvernement indonésien pour harceler et opprimer des soupçonnés activistes qui mènent campagne pour l’indépendance de la Papouasie occidentale ».
Au fil de ces opérations, de nombreuses maisons ont été incendiées, ainsi que des cultures vivrières appartenant à des riverains.
Le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations-Unies (UNHCR), qui s’est rapproché depuis janvier 2011 du gouvernement afin d’obtenir des assurances concernant le traitement réservés aux personnes interpellées dans le cadre de cette opération, aurait obtenu, via son représentant local, Walpurga Englbrecht, des engagements selon lesquels les droits humains des personnes concernées seraient « respectés », y compris pour les personnes vivant dans les camps ciblés.
« Nous avons été informés par les autorités de leur intention de fermer plusieurs de ces camps, car ils sont utilisés pour des activités d’entraînement. On nous a dit aussi que les identités de toutes les personnes seraient vérifiées et qu’aucune d’entre elles ne serait expulsée vers la Papouasie occidentale », précisait alors M. Englbrecht.

Zone hautement sensible

Ces dernières années aussi, les autorités des deux pays ont tenu de multiples rencontres au sommet avec comme principal ordre du jour une meilleure sécurisation de cette zone frontalière, réputée trop perméable.
Les « débordements » de la police et de l’armée indonésienne en territoire papou avaient aussi, à plusieurs reprises, créé de vives tensions entre les deux pays.
Fin mai 2011, le gouvernement indonésien, pressé de s’expliquer au sujet du survol non annoncé d’un des appareils de son armée de l’air au-dessus de la zone frontalière séparant son territoire de Papouasie occidentale et l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, avait finalement présenté ses excuses au gouvernement papou.
Cette intrusion dans l’espace aérien papou de cet hélicoptère avait provoqué une très vive réaction de la part des autorités militaires et civiles papoues, qui avaient jugé utile de ferme la frontière qui sépare en deux la grande île de Nouvelle-Guinée.
La frontière avait finalement été rouverte quelques jours plus tard.
L’ambassade indonésienne en Papouasie-Nouvelle-Guinée a officiellement concédé depuis une « faute » qui avait été suivie d’excuses auprès du gouvernement de Port-Moresby, tout en soulignant que cet incident n’avait « rien d’intentionnel » et qu’il s’agissait d’une « erreur » de la part du pilote de l’appareil.

Un vieux contentieux source de vives tensions

En juillet 2008, le gouvernement indonésien avait dû présenter ses excuses à la Papouasie-Nouvelle-Guinée à la suite d'incursions de soldats en territoire papou, dans la zone frontalière de Vanimo.
L’ambassade indonésienne à Port-Moresby avait alors fait valoir que ces incursions seraient dues au fait que les soldats de l'armée indonésienne, postés de l'autre côté de la frontière, n'auraient pas été mis au courant des emplacements exacts de la frontière qui sépare l'île de Nouvelle-Guinée.
À l’époque, Djakarta expliquait ce « malentendu » par l’arrivée de soldats nouvellement postés dans cette zone frontalière, qui sépare la province indonésienne de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et qui « n'ont pas reçu de briefings ».
Selon la version officielle, ils auraient par conséquent franchi cette frontière « par erreur ».
« La plupart d'entre eux sont jeunes et se sont probablement laissés emporter par les paysages magnifiques, sans réaliser ce qu'ils faisaient », pouvait-on lire dans un communiqué de l'ambassade indonésienne, qui assure que les prochains soldats, avant leur déploiement, seraient dûment briefés.

Terreur

L'ambassade indonésienne avait toutefois vivement contesté le fait qu'entre le 30 mai et le 13 juillet 2008, pas moins de cinq incursions avaient eu lieu en territoire papou.
Cet échange de politesses intervenait alors qu’à peu près à la même époque, le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée s'était officiellement inquiété d'une recrudescence des incursions de la part de l'armée indonésienne.
Belden Namah, alors ministre des forêts, après une visite à Vanimo, n'avait pas hésité à demander que la frontière soit fermée jusqu'à ce que la situation s'éclaircisse et trouve une solution pérenne.
L'élu papou affirmait par ailleurs avoir rencontré des villageois de sa circonscription qui affirmaient vivre sous le règne de la terreur, du fait des passages fréquents des militaires indonésiens.
Les militaires auraient aussi, à plusieurs reprises, ouvertement ignoré la frontière et inscrit le numéro de leur bataillon à la peinture, sur une borne matérialisant le changement de territoire.
Ces dix dernières années, à la suite d’incidents similaires dans cette zone, la frontière avait à plusieurs reprises été purement et simplement fermée.
Au fil des ans, la ville de Vanimo a dû accueillir des réfugiés, transfuges d'Irian Jaya, où le mouvement indépendantiste OPM (Operasi Papua Merdeka) mène depuis une trentaine d'années une lutte pour son indépendance de Djakarta.
Les incursions de soldats indonésiens, le plus souvent le résultat de poursuites lancées contre les rebelles mélanésiens, avaient à l'époque été vigoureusement démenties par les autorités papoues et indonésiennes.
La population d'Irian Jaya est essentiellement mélanésienne et dans la région de Vanimo, de part et d’autre, de la frontière, plusieurs villages et tribus sont coupés en deux.

Précédents mouvements de troupes indonésiennes

Début 2003, quelque mille cinq cents soldats de l'armée indonésienne avaient été concentrés à la frontière.
Ces mouvements de troupes avaient alors suscité une très vive inquiétude de la part des autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée, avant que les gouvernements papou et indonésien concluent finalement un précaire accord frontalier censé proroger de dix ans un précédent traité.
Dans le cadre de ce même accord, les deux pays s’étaient accordés pour construire de nouveaux postes de contrôle dans leurs provinces respectives.
Toutefois, depuis, de nouveaux accrochages ont eu lieu de manière régulière.
La situation a été compliquée par la présence quasi-permanente de plusieurs centaines de clandestins, réfugiés d'Irian Jaya pour échapper aux violences.

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Rédigé par PAd le Lundi 18 Février 2013 à 05:38 | Lu 684 fois